Catherine Fino, f.m.a., et Anne Herbinet (sous la direction de)
La pédagogie catéchétique spécialisée : quand la catéchèse s’intéresse aux personnes en situation de handicap.

Paris – Ed. Le Senevé et SSPC – 2011 – 154 p.

La pédagogie chrétienne se préoccupe de tous, puisque c’est à tous que sont destinés la Parole de Dieu et le Salut qu’elle promet. A ce titre, elle doit être adressée aussi à ceux à qui un handicap, notamment mental, pourrait en gêner l’accès ou en compromettre la réception. C’est pourquoi une pédagogie appropriée s’est peu à peu mise en place à leur intention. Il ne s’agit évidemment pas, comme certaines formules ambigües ou maladroites ont pu dommageablement le faire supposer, de leur transmettre un message amoindri, voire simpliste, qu’on croirait plus assimilable, mais exclusivement d’une pédagogie spécialisée, dans la pleine authenticité doctrinale de la transmission. Cela est dû, précisément, à un progrès anthropologique, c’est-à-dire à une meilleure connaissance de la personnalité du porteur de handicap, qui facilite aujourd’hui ce renouvellement du regard ; or ce sont plusieurs milliers d’enfants.

L’objectif de cet ouvrage paru, avec l’Imprimatur de l’Archevêché de Paris, à la suite du séminaire en 2007 de l’I.S.P.C., est précisément de proposer, sinon un bilan, du moins une analyse d’une évolution qui s’inscrit elle-même dans l’immense transformation de la catéchétique au cours du XXème siècle[1] le livre s’ouvre par une étude de Marc Broudeur, théologien de l’université Laval, qui décrit le contexte global de ce renouveau et le rôle majeur de l’Abbé Henri Bissonnier. Guy Avanzini présente ensuite l’apport décisif de celui-ci : en lien avec l’essor de la pédagogie spécialisée et l’avènement de l’Education Nouvelle, il élabore une approche théologique originale, explicitée dans son ouvrage de 1959 : Pédagogie de Résurrection ; et le sillon qu’il a ainsi tracé s’est largement creusé aussi à l’étranger[2].

Globalement, il s’agissait de comprendre que l’accès à la foi et à l’espérance chrétiennes n’est ni exclusivement, ni nécessairement d’ordre conceptuel et doctrinal, mais que la rencontre de Dieu peut aussi s’effectuer par une expérience affective originale, qui est authentiquement spirituelle. Pour Henri Bissonnier, comme le montre Guy Avanzini, « le handicapé est pleinement et à part entière une personne » (p. 43) à qui il faut proposer « un modèle non intellectualiste de l’initiation chrétienne » (p 39).

Sœur Catherine Fino, et Anne Herbinet ont interrogé huit responsables diocésains, dont elles analysent remarquablement les propos sur la réaction de leurs destinataires à cette catéchétique novatrice ; et elles en établissent clairement la pertinence ; elles soulignent spécialement la joie de croire qui anime les porteurs de handicap, mais aussi les bienfaits que, par voie de réciprocité, en reçoivent leurs catéchétistes eux-mêmes, qui en éprouvent le besoin d’une formation appropriée.

Au total, comme le dit Anne Herbinet, on leur permet ainsi de devenir chrétiens « selon un modèle non cognitif, mais relationnel » (pp. 2-3) et l’on étend au registre religieux l’attitude « inclusive » qui caractérise désormais l’attitude à l’égard des porteurs de handicap, grâce à une postulation toujours plus audacieuse de l’éducabilité, par laquelle n’a cessé, à travers le temps, de progresser la pratique éducative. Et c’est bien pourquoi, dépassant un sectarisme primaire, l’histoire de leur éducation chrétienne et l’œuvre de l’Abbé Bissonnier doivent, elles aussi, être pleinement reconnues par la pédagogie et prises en compte dans l’écriture de son histoire.

Alain Mougniotte



[1] Sur ce point, cf. particulièrement Joël. Molinario – Joseph Colomb et l’affaire du Catéchisme progressif ; un tournant pour la catéchèse – Paris – Edition DDB – 2010 – 434 p.

[2] Cf. Henri Bissonnier – une pédagogie de Résurrection – Paris – Edition Don Bosco – 2007 – 434 p.
Et Col. Henri Bissonnier, pionnier de la pédagogie catéchétique spécialisée pour les personnes handicapées – Paris – Edition Don Bosco – 2011 – 250 p.