La pédagogie ignatienne

Revue Christus – novembre 2014 – n° 230 H.S. – 2ème édition

Prolongeant, en l’étoffant, son numéro très apprécié de mai 2011, cette belle revue présente sous un titre prometteur le regroupement de 35 contributions, pour la plupart relativement brèves (de 5 à 6 p.). Et plusieurs sont excellentes : spécialement, bien sûr, celles de Père Calvez, mais aussi des Pères Lamy, Fédou, Pareydt, Gindre et Euvé, et de Marguerite Lena. L’objectif déclaré est de préciser les sources spirituelles de la pédagogie ignatienne et ses relations avec les Exercices spirituels. Et l’on voit bien comment, dès 1599 et le Ratio, les Jésuites entendaient former par et à l’action des personnalités capables d’un discernement chrétien, en recourant volontiers à ce que le Père Delobre prend le risque d’appeler –peut-être anachroniquement ?- un « accompagnement ».

Cependant, au terme de la lecture, on ne peut se défendre d’une certaine déception. Sans doute tient-elle d’abord au nombre et à la brièveté des articles, mais aussi à un certain manque de lien entre eux, et à l’absence d’une problématique unifiante qui les homogénéiserait. On regrette que ne soit pas assez soulignée la spécificité de la pédagogie jésuite, ni suffisamment analysée, selon l’expression même de l’un des anciens Préposés Généraux, la « fidélité-inventive » qui assurerait son actualité et situerait « le caractère propre de l’éducation ignatienne » (p.219). Aussi bien, la constitution du CEP-Ignatien[1] justifie de se demander selon quelles modalités une même conception se décline au sein des diverses congrégations qu’il réunit. Si les textes de la 3ème partie illustrent clairement la grande diversité des réalisations et des mises en œuvre, l’explicitation de ce qui leur est commun s’en impose davantage.

De même pourrait-on s’étonner de ne pas trouver dans ces pages un écho des débats du XXème siècle, spécialement après 1968, sur l’importance pastorale à accorder à l’éducation scolaire et, apparemment, sur son actuelle redécouverte ; on pense notamment aux travaux de Philippe Rocher. Ces controverses ont en effet affecté tout particulièrement les congrégations essentiellement ou partiellement enseignantes, d’autant plus que s’effectuaient simultanément une inévitable laïcisation du personnel enseignant et la mise en œuvre de la loi de 1959. Enfin, il n’aurait pas été moins opportun de situer et de positionner la pédagogie jésuite dans la cacophonie des courants éducationnels qui s’affrontent actuellement. Il y va de la présence de la pédagogie chrétienne au sein de ces controverses actuelles. Alors que se développent les sciences de l’éducation et les recherches qu’elles suscitent, il est fâcheux que celle-ci n’en soit pas suffisamment partie prenante et n’y soit donc pas assez prise en considération. Elle en demeure comme absente et s’en trouve, de ce fait, trop peu connue et reconnue ; cela facilite et encourage objectivement la diffusion de théorisations qui lui sont hostiles. Or, la force de la tradition ignatienne justifie qu’elle participe aux travaux en cours en ce domaine et y soit traitée comme un légitime interlocuteur de ceux qui les conduisent. Il y a là une responsabilité à laquelle on ne saurait se dérober.

Guy Avanzini

[1] Centre d’Etudes Pédagogiques-Ignatien

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