Pierre Dominice
Au risque de se dire

Ed. Tétraèdre – 2015 – 222 p.

Cet ouvrage d’un spécialiste justement estimé des sciences de l’éducation de Genève ne traite pas directement de l’éducation chrétienne ; et cependant, il l’interroge directement. Issu d’une famille protestante, après des études de théologie et au terme d’une longue carrière universitaire, il se demande aujourd’hui pourquoi lui-même et beaucoup de ses contemporains et amis, issus comme lui de la tradition Réformée, sont désormais devenus « allergiques au christianisme et même se situent volontiers entre indifférence et incroyance. Peut-on, se demande-t-il, demeurer fidèle à l’esprit des convictions initiales, en s’affranchissant de ce qui paraîtrait dépassé ou formel ? Comment, en d’autres termes, sauvegarder une spiritualité libérée et libératrice ? Tel est l’objet de ce livre fidèle à son titre, exigeant, intense, parfois douloureux quoiqu’ animé par une espérance. Pierre Dominice ne craint pas d’exposer ici, tout à la fois avec liberté et discrétion, des problématiques très personnelles mais dans lesquelles beaucoup d’autres reconnaîtront les leurs.

Sans entrer dans le détail, qu’une simple recension peut seulement situer, et en appréciant le juste ton que l’auteur a su adopter, on regrettera cependant de ne pas trouver dans ces pages une définition suffisamment explicite et éclairante de la notion même de « spiritualité ». Celle-ci ne comporte-elle pas, en effet, deux acceptions complémentaires, dont la distinction faciliterait peut-être l’analyse des positionnements personnels ? La spiritualité, c’est en effet d’abord cette exigence, proprement anthropologique, qui pousse l’être humain à chercher le sens de son existence. Et c’est, ensuite, l’adhésion à la réponse, plus ou moins formalisée et maîtrisée, qu’il apporte à cette recherche. Au premier sens, elle n’est pas d’emblée religieuse ; au second, elle peut au contraire le devenir, dans la mesure où le sujet réagit par l’adhésion à la foi en une religion identifiée.

Par ailleurs, si l’on perçoit bien la difficulté de certains devant l’exigence d’une dogmatique formalisée, on craint aussi que la récusation de celle-ci heurte le souhait de cohérence intellectuelle et amène, comme le livre l’indique à diverses reprises, à des modalités liturgiques affectivement réconfortantes mais dont l’hétérogénéité et le relativisme pourraient s’avérer décevants ou inquiétants. Si désirable soit-elle, la seule « réception positive des différences » (p. 123) est-elle intellectuellement satisfaisante ? Quoi qu’il en soit, on sera à bon droit reconnaissant à l’auteur de cette réflexion acérée, pénétrante et incisive, sur  l’inquiétude existentielle qui fait la grandeur de l’être humain.

Guy Avanzini