Thierry Le Guaziou
La relation éducative selon Xavier Thévenot

Paris – Edition Don Bosco – 2012 – 146 pages

Dans la longue histoire de l’éducation chrétienne, la pensée de Don Bosco représente un tournant, en substituant au « système répressif » le « système préventif », dont il a, vers la fin de sa vie terrestre, énoncé la structure. On pourrait dire, en schématisant, que le Père Xavier Thévenot, s.d.b., en a, à la fois universitarisé et actualisé les idées. Il a, en quelque manière, écrit ce que Don Bosco aurait sans doute lui-même écrit dans notre contexte socio-écclésio-pédagogique.[1]

Le thème que, parmi d’autres possibles, a voulu retenir et privilégié Thierry Le Guaziou dans ce livre, c’est celui de la relation éducative, que son activité au sein de la Fondation d’Auteuil le conduit à analyser dans l’action sociale : que faut-il, alors, appeler « relation éducative » ? A quelles conditions l’est-elle vraiment, dans le rapport spécifique de l’éducateur spécialisé ou, plus largement, du travailleur social avec les adolescents en difficultés ? L’on doit d’emblée lui savoir gré d’avoir, aujourd’hui, osé aborder ce problème, actuel mais suffisamment redoutable pour convaincre beaucoup de l’éviter ou de ne l’étudier qu’allusivement.

Comme le montre l’auteur, Xavier Thévenot, quant à lui, l’étudie dans toute sa complexité. En se situant dans la dynamique du fondateur des Salésiens, il en identifie les divers aspects, sans occulter les plus délicats. Il cherche dans quelle mesure le lien explicite entre pédagogie et théologie, qui va de soi au XIXème siècle, demeure recevable dans notre société sécularisée : comment l’actualiser ? Et comment l’éducateur, surtout s’il ne partage pas notre foi, peut-il y réagir ? M. Le Guaziou indique clairement la manière dont Xavier Thévenet tente cette « sécularisation de système préventif » (p. 26), sans en méconnaître les difficultés. De même, fort de sa culture psychanalytique, traite-t-il de la confiance réciproque ou du danger des tendances fusionnelles et de la possessivité, non sans noter que l’essor actuel de la suspicion et de la judiciarisation menace l’émergence de la qualité relationnelle, dont on sait bien, depuis Don Bosco et grâce à lui, qu’elle est, tout en requérant évidemment prudence et maîtrise, la condition d’une portée éducative ; quoi qu’on veuille, et malgré les modes, il demeure vrai de penser avec lui que « l’authenticité de la rencontre prime sur la technicité du contact » (p. 86) même s’il va de soi que « le respect de la personne est aussi le critère par excellence de la moralité de la pratique pédagogique » (p. 54). Comme le dit Xavier Thévenet en se référant à Saint-Paul, il s’agit de la « charte éducative » : c’est cela qui est fondamental. C’est ce qui doit nourrir la spiritualité de l’éducateur et aiguiser son discernement des inévitables phénomènes transférentiels et contre-transférentiels.

Si, comme le remarque Thierry Le Gaziou, cette pensée salésienne peut s’avérer très ambitieuse, voire irréaliste, elle offre un modèle qui, toujours pertinent et novateur, ne vaut pas uniquement pour l’action sociale mais tout autant pour les établissements scolaires. C’est dire que, n’en déplaise aux zélateurs de ce laïcisme étriqué qui altère et déforme l’écriture officielle de l’histoire de la pédagogie en France, celle-ci se doit de reconnaître et d’inscrire l’œuvre du Père Thévenot.

Guy Avanzini



[1] Cf.aussi :Collectif Xavier Thévenot, passeur d’humanité – Actes du Colloque de Lyon – 21 et 22 octobre 2005 – Paris – Editions Don Bosco – 2006 – 228 pages.