H. Bremond
Sainte Marie de l’Incarnation

Paris – Cerf – 2014 – 200 p.

Nous avons, il y a quelques mois, (Educatio n°3) recensé l’ouvrage du Père Champagne sur Sainte Marie de l’Incarnation[1]. Et voici que, sans doute favorisée par sa récente canonisation, décidée selon la procédure exceptionnelle par le Pape François, viennent d’être réédités en un volume spécial préfacé par le Père Verdin, les chapitres que lui avait consacrés le savant abbé Henri Bremond, dans le 6ème Tome de sa monumentale étude de L’histoire littéraire du sentiment religieux en France[2].

Ces pages ne traitent pas du tout d’éducation, mais de mystique. Elles analysent cependant l’expérience spirituelle de la grande pédagogue de Tours qui, demeurée entièrement ignorée de la pédagogie officielle française, a exercé au Québec une influence assez forte et durable pour justifier l’attention portée à son exceptionnelle personnalité. Veuve à 19 ans, elle décide, dans le déchirement de la douleur, de quitter son fils, alors qu’il n’a que 12 ans, pour entrer en religion chez les Ursulines de Tours ; puis, 8 ans après, elle part pour le Québec. Elle entendait montrer ainsi, et se montrer à elle-même, que l’amour de Dieu doit être assez fort et, chez elle, l’était assez pour la condamner à s’éloigner de son enfant, sans guère d’espoir de le revoir un jour.

Laissant ici de côté l’étude de son expérience mystique et de ses extases Trinitaires, nous évoquerons seulement le chapitre qui, (pp57 et sq) analyse la situation pathétique de ses relations, épistolaires seulement, avec ce fils, ensuite devenu Dom Claude. Martin, bénédictin de Saint Maur ; l’on en admirera la finesse psychologique, rehaussée par la beauté du style et l’intensité spirituelle. Nous relèverons aussi l’unique passage où il est question explicitement d’éducation : c’est une lettre à l’une de ses sœurs, ou, dans le langage du temps, elle parle de ces « filles sauvages » : « la candeur et la simplicité de leur esprit est si ravissante qu’elle ne se peut dire » (p.99). On précisera seulement que, dans la première école qu’elle fonda à Québec en 1640, amérindiennes et françaises étaient élevées ensemble. Il n’y avait pas, chez elle, de ségrégation.

Guy Avanzini

[1] R. Champagne, Marie de l’Incarnation, ou le chant du cœur. Paris – Ed. Médiaspaul – 2012

[2] Cf. H. Bremond – Réédition 2006 – 6 volumes – Paris – Jérôme Millon