Alice Quéchon, François Kolb
Journal intime d’un collège

Editions Sciences Humaines -Auxerre – 2016 – 256 p.

Cet ouvrage est sans aucun rapport avec la « pédagogie chrétienne » : A. Quéchon est conseillère principale d’éducation dans un collège public de province. Par ailleurs, il n’a aucune ambition d’ordre théorique et ne se réfère explicitement à aucune doctrine pédagogique. Mais il analyse les problèmes, certes inégalement aigus et fréquents, que rencontrent tous les établissements scolaires, quel que soit leur statut : ceux que traite le conseiller d’éducation. Or, malgré son importance croissante, ce métier est peu étudié et insuffisamment considéré. L’originalité et le mérite de ce livre tiennent à ce que, manifestement, son auteur aime ce qu’elle fait et s’y dévoue avec une belle générosité.

De manière très libre, sur un mode vif et alerte, elle décrit en effet la manière dont, « surveillante », elle s’efforce en vérité de « veiller sur » « ceux dont elle a la charge » : les élèves, bien sur, les « enfants ingérables », les sujets perturbés et perturbateurs, atteints de troubles de l’apprentissage et du comportement ; mais aussi des parents incertains, débordés ou désemparés, enfin les professeurs eux-mêmes, dépassés et malhabiles à gérer des situations conflictuelles que leur formation ne les a malheureusement pas préparés à affronter. En ce sens, le collège est un « révélateur » des problèmes de la société et un « véritable laboratoire » (p. 12),où il s’agit d’inventer pour chacun l’aide dont il a besoin, voire, s’il y consent, l’accompagnement dont il a manqué. A travers mille anecdotes bien choisies, elle montre que la condition première de la réussite est de parvenir à susciter la confiance de l’élève, ce qui requiert aussi, réciproquement, de lui faire confiance. Trop d’entre eux, en effet, ont été découragés et démotivés par une succession de jugements humiliants, et de mauvaises notes, au demeurant mal articulés avec la mode de l’évaluation des « compétences », que vante le « socle commun » (pp.  173-175)cela les réduit à leurs défauts et à leur échec (p.193),alors qu’il s’imposerait au contraire de croire en leurs possibilités d’amélioration, même si, ajoute-t-elle néanmoins, il faut se résigner à craindre « qu’on ne les sauvera pas tous » (p.185). Il faudrait en effet, pour y parvenir, prendre diverses mesures, notamment ne pas proscrire a priori tout redoublement, mais mettre en œuvre les techniques de remédiation appropriées aux facteurs de l’insuccès antérieur. De même, sans le citer, l’auteur évoque Dubet, pour qui l’École tente de fabriquer des républicains plutôt que de former des démocrates ; encore n’y parvient-elle guère, car les adolescents discernent vite la distance entre un discours d’endoctrinement et les rituels officiels, d’une part, et les réalités sociales, de l’autre : comment le sentiment de solidarité résisterait-il à cette contradiction ? (p.56).

L’ouvrage présente bien tous ces thèmes même si leur analyse appellerait un certain approfondissement ; en particulier, l’objectif de conduire 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat est plutôt devenu l’acceptation de placer le niveau de ce diplôme à celui de 80 % des élèves (p.245) ! Mais son grand mérite est de présenter excellemment la fonction de CPE, d’en montrer la grande difficulté, la forte responsabilité, le ferme investissement qui lui sont liés et en font un lieu original et précieux de l’éducation des adolescents, surtout à une période marquée par l’affaiblissement des liens familiaux. C’est une fonction exigeante et importante, mais dont la discrétion n’exclut pas l’efficacité. Si l’on peut regretter quelques remarques inutilement acides à l’égard de l’Enseignement privé Catholique, l’on apprécie la précision des observations et la pertinence des attitudes éducatives préconisées.

Guy Avanzini