Sylvie d’Esclaibes
Montessori, partout et pour tous

Ed. Balland – 2016 – 332 p.

Voici un livre extraordinaire, du à une personnalité hyperactive et volubile, enthousiaste et chaleureuse, qui célèbre avec ferveur les louanges de la pédagogie Montessorienne, telle qu’elle la perçoit et la pratique. Directrice d’un lycée qu’elle a fondé pour en diffuser les bienfaits, elle n’a cessé d’en découvrir les mérites. Mais, même si cette adhésion passionnée pourrait sembler excessive, elle ne doit pas empêcher de discerner aussi la pertinence globale de son propos.

La première partie (100p.)est autobiographique. Mme d’Esclaibes raconte avec plaisir et assurance son enfance, sa famille et, surtout, sa découverte enflammée de Maria Montessori ; Ainsi, elle sait comment remédier à la médiocrité dépressive de la pédagogie officielle usuelle, normative et contraignante, dont elle entend protéger ses propres enfants, qu’elle veut heureux et épanouis. Si elle est un peu touffue et redondante, cette narration se présente comme une sorte d’hymne à la joie, associé à la libre réflexion qui la nourrit.

La deuxième partie, de même longueur, expose les « piliers » de la doctrine. Sans doute -mais on retrouve cela chez beaucoup de Montessoriens- affirme-t-elle un peu facilement sa « scientificité » due à une «démonstration » (p. 110)mais les principes fondamentaux sont clairement identifiés et argumentés : ainsi en va-t-il de l’insistance sur le respect dû à l’enfant, sur la bienveillance confiante et le « regard positif » à adopter sur l’importance de « l’émotionnel », sur l’affection à éprouver à son égard, sur l’éducabilité : elle rappelle ces données qui rejoignent celles de Don Bosco (p.230) ;  Cela est requis pour assurer le bonheur, l’épanouissement et le développement de chacun. Et l’on déplore, avec l’auteur, que trop d’enseignants ignorent ou rejettent ces thèmes dont l’adoption serait requise pour assurer un vrai nouveau départ, qui serait non seulement formel ou idéologique, si nombreux demeurant ceux qui, à leur insu, pratiquent un sélectionisme élitiste.

La troisième partie, enfin, présente des « études de cas » : enfants en difficultés, ou en échec, que l’Ecole Montessori a souvent mis sur la voie de l’essor personnel. Ces dossiers sont bien choisis et judicieusement analysés. Ils confirment le rôle décisif de l’éducateur qui croit en l’enfant et est heureux de l’accompagner. On souhaiterait cependant, pour mieux situer l’entreprise du lycée, une analyse sociologique du milieu de ces élèves, pour voir dans quelle mesure, objectivement, il est de nature à faciliter leur travail. Même si son exubérance prête parfois à sourire, ce propos, animé par une foi inaltérable et l’éducation, contraste brutalement avec l’actuelle tonalité morose de la pédagogie et de l’Ecole, en proie à un climat découragé et dépressif, dans lequel on va jusqu’à s’interroger sur la possibilité même d’éduquer. Or cette confiance n’est pas fortuite et ne tient ni à une euphorie naïve, ni à un optimisme aveugle. Elle provient de ce que Mme d’Esclaibes dispose d’une doctrine qui non seulement anime mais fonde sa pratique. D’une part,  elle a une finalité claire et explicite qui est simultanément « une passion » : « avoir comme principal objectif le développement de l’autonomie et de la confiance en soi… » (p. 330) ; d’autre part, elle dispose d’une anthropologie : elle croit au potentiel, à l’éducabilité de chacun.

Ce livre souffre de certaines négligences d’ordre formel : typographie et ponctuation défectueuses, écriture compacte et peu soignée. Par ailleurs, aucune précision n’est donnée sur les relations entre le lycée et les organisations montessoriennes « officielles ». Enfin et surtout, on s’étonne de l’omission complète de toute évocation d’une éducation religieuse, malgré le caractère intrinsèquement chrétien de la pensée Montessorienne. Celle-ci se trouve ainsi amputée d’une dimension centrale dans les écoles publiques, qui n’en mobiliserait que le matériel et les pratiques didactiques, en méconnaissant ou en rejetant ce dont elles procèdent. Or, qu’on le sache ou le veuille ou non, c’est une pédagogie chrétienne, greffée sur l’Evangile. Aussi bien, c’est dès 1929, à l’école de Barcelone, que l’énoncé de sa finalité spirituelle inaugure le renouveau de la formation religieuse, dont la portée s’avérera décisive sur la pédagogie catéchétique du XXème siècle[1] ! Mais, même si ce silence étonne, il faut néanmoins recommander la lecture de ce livre spécialement aux déprimés, fatalistes et résignés, pour réanimer leur volonté d’éduquer.

Guy Avanzini

 

[1]Dictionnaire historique d’éducation chrétienne, notices n° Co 11 et m 081.