Projet d’une nouvelle branche scoute

Les Poverelli

Charlotte Cumet, Bertrand Cumet

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Genèse

La proposition d’une branche scoute  Poverelli   décrite ici est née d’une demande et d’un constat.

La demande du pape François tout d’abord, dans Laudato Si’, de relever le « grand défi culturel, spirituel et éducatif » (LS 202) de mettre en pratique les préceptes de l’écologie intégrale contenus dans son encyclique.

Notre constat par ailleurs, à l’époque où nous étions chefs d’un groupe de scouts de France, que la nature et plus largement la création demeuraient pour les jeunes accueillis un « environnement » propice à la mise en place de la pédagogie par le jeu, mais guère plus. Trop souvent des propriétaires nous faisaient part des dégâts commis par les scouts, des arbres coupés ou abimés, distraitement ou intentionnellement, aux mégots ou détritus oubliés sur place. Mais surtout il nous semblait que la démarche HALP (Habiter Autrement La Planète) des scouts de France, quoique innovante dans ce domaine, et plus largement cet article de la loi scoute « Le scout voit dans la nature l’œuvre de Dieu : il aime les plantes et les animaux. », n’étaient pas assimilés. Nous nous sentions démunis pour inverser cette tendance, renforcée par l’urbanisation de nos unités, la perte de connaissances en matière de « campisme », et les multiples règles contraignantes concernant les bivouacs ou les camps, éloignant toujours plus les scouts de la nature.

Laudato Si’ ayant été pour nous la confirmation magistérielle de notre conversion écologique opérée quelques années auparavant, il nous paraissait évident qu’à l’appel du pape le scoutisme devait procéder à une conversion écologique, et non miser sur une lente infusion de préceptes ennuyeux ou contraignants de « développement durable », impropres à susciter l’émerveillement, la contemplation et l’amour de la nature. On ne protège bien que ce que l’on aime.

Cette branche scoute « écologie intégrale » est applicable à tous les mouvements scouts (à l’instar des scouts marins). Présentée à quelques responsables territoriaux ou nationaux SGDF en 2016, cette proposition n’a pas retenu leur attention : les esprits n’étaient pas encore disposés à une démarche écologique aussi intégrale, et HALP était déjà un engagement conséquent. La naissance de jumeaux ne nous laissa pas le loisir à l’époque de poursuivre la présentation de notre proposition auprès d’autres interlocuteurs ou mouvements. Ces mêmes jumeaux aujourd’hui confinés dans les Cévennes découvrent, tout comme leurs aînés, la faune et la flore sauvage avec émerveillement, et participent activement aux travaux du potager. Nous ne pouvons que souhaiter qu’une fois revenus à leur vie normale ils prolongent cette expérience aux scouts, en compagnie du plus grand nombre d’enfants et de jeunes possible.

Fondements

  1. Relever le « grand défi culturel, spirituel et éducatif» (LS 202) mis en évidence par le pape François, en mettant en pratique les préceptes de l’écologie intégrale contenus dans Laudato Si’.
  2. Par des méthodes éducatives, des pratiques, des apprentissages, une manière d’être scout et des styles de vie sobres, entièrement inspirés du souci du Bien commun: contemplation, respect de la création et de la vie sous toutes ses formes, solidarité avec les plus pauvres et les générations futures.
  3. Pour « que notre époque soit reconnue dans l’histoire comme celle de l’éveil d’une nouvelle forme d’hommage à la vie, d’une ferme résolution d’atteindre la durabilité, de l’accélération de la lutte pour la justice et la paix et de l’heureuse célébration de la vie” (LS 207), afin que « le développement de ces comportements redonne (aux poverelli et aux jeunes) le sentiment de (leur) propre dignité, (les) porte à une plus grande profondeur de vie, (leur) permette de faire l’expérience du fait qu’il vaut la peine de passer en ce monde » (LS 212), en suscitant « cette fraternité sublime avec toute la création, que saint François d’Assise a vécue d’une manière si lumineuse» (LS 221).
  4. Les poverelli pourraient être une branche déclinée dans chaque mouvement du scoutisme français, européen et mondial, confessionnel ou non, à l’image du scoutisme marin. Ils participeraient ainsi par leur style de vie et de scoutisme prophétique à la concorde des scoutismes, autour d’un projet concret commun de conversion écologique qui implique une « fraternité universelle » (LS 228).
  5. A l’intérieur de leurs mouvements respectifs, de leurs familles, ou de leurs communautés, les poverelli œuvreraient par capillarité et par l’exemple de leurs bonnes pratiques à la conversion écologique de leurs frères et sœurs, car « la conversion écologique requise pour créer un dynamisme de changement durable est aussi une conversion communautaire» (LS 219).

Projet éducatif

« On peut vivre intensément avec peu, surtout quand on est capable d’apprécier d’autres plaisirs et qu’on trouve satisfaction dans les rencontres fraternelles, dans le service, dans le déploiement de ses charismes, dans la musique et l’art, dans le contact avec la nature, dans la prière. » (LS 223)

La méthode scoute en soi est déjà la mise en œuvre de ce projet. Elle a permis à des générations d’hommes et de femmes d’être sensibilisées à la beauté de la nature et à sa protection. Or, on ne protège bien que ce que l’on aime.

Néanmoins, compte-tenu des constats des dégradations, et de l’impératif d’agir, la nécessité se fait sentir d’appliquer plus profondément et concrètement l’axe HALP (Habiter Autrement La Planète) des SGDF ou équivalent des autres mouvements en se fondant sur les principes d’une écologie intégrale, contenus dans Laudato Si’.

Si tout le mouvement scout est appelé à cette conversion, il paraît difficile de la vivre uniformément. La création de groupes pilotes, ou la création de branches « poverelli » bien identifiées par des groupes existants ou au sein de territoires permettrait de mettre du levain dans la pâte.

Les principes pédagogiques des poverelli sont les suivants :

  • éduquer à la beauté, pour sortir du pragmatisme utilitariste (LS 215) et prévenir le « consumérisme obsessif » (LS 203)
  • accomplir le « devoir de sauvegarder la création par de petites actions quotidiennes (…) jusqu’à en faire un nouveau style de vie » (LS 211)
  • découvrir notre responsabilité vis-à-vis des autres et du monde, et susciter « des attitudes gratuites de renoncement et des attitudes généreuses » (LS 220), des « simples gestes quotidiens par lesquels nous rompons la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme » (LS 230)
  • « développer sa créativité et son enthousiasme, pour affronter les drames du monde en s’offrant à Dieu » (LS 220)
  • redécouvrir la richesse de cultiver la terre, du travail manuel et technique, de l’utilisation d’outils simples,
  • prendre « conscience que chaque créature reflète quelque chose de Dieu et a un message à nous enseigner » (LS 221)
  • découvrir que “moins est plus”, la « croissance par la sobriété, et (la) capacité de jouir avec peu » (LS 222)
  • devenir les promoteurs d’une « culture de protection qui imprègne toute la société » (LS 231)

Les activités

Quelques idées à compléter :

 Contempler la création

  • camps d’été en partie randonnées itinérantes ou non (pour les plus jeunes) pour découvrir les beautés de la création,
  • établir un partenariat avec les parc nationaux et régionaux pour participer à leur protection et surveillance l’été,

Cultiver la terre

  • découvrir les différents types d’agricultures respectueuses du vivant,
  • aider les AMAP, Ruches qui dit Oui, etc. (distribution des paniers, des commandes…)
  • effectuer des week ends chez des agriculteurs ou éleveurs BIO (maraîchers, jardins ornementaux…) aide, acquisition de connaissances et de savoir-faire
  • créer des jardins maraîchers par groupes de poverelli, (parcelles de jardins partagés domaine du parc de St Cloud ou ailleurs, jardins ouvriers…)
  • apprendre à réparer ses outils, ses équipements,
  • effectuer les camps d’été en partie chez des agriculteurs BIO pour aider à la récolte (en plus de la randonnée),
  • créer un jardin BIO pilote et pédagogique à Jambville

Découvrir la Vie simple

  • réfléchir à nos modes de consommation : quels besoins fondamentaux, sous quelle forme, comment trier le nécessaire du superflu,
  • découvrir les principes d’une alimentation saine, apprendre à cuisiner les légumes de saison,
  • réduire nos déchets,
  • participer aux Ressourceries, découverte économie circulaire
  • apprendre à réparer, coudre, bricoler..

Œuvrer à plus de justice

  • accueillir des SDF dans les paroisses
  • participer aux campagnes du CCFD

Témoigner

  • témoigner au sein du mouvement
  • témoigner dans nos paroisses et nos familles,
  • témoigner/informer dans les écoles, les autres mouvements de jeunes, …

Projet spirituel

La spiritualité incarnée par Saint François est universellement reconnue. En prenant en outre la figure et le nom du « pauvre », Saint François et les poverelli ont une capacité à toucher chacun, croyant ou non.

Concrètement, les Poverelli auraient la même spiritualité que le mouvement dans son ensemble. Ils adopteraient en outre avec leurs frères scouts des autres mouvements chrétiens, la « Prière chrétienne avec la création » proposée par le Pape à la fin de son encyclique.

Les mouvements non chrétiens pourraient adopter quant à eux la « Prière pour notre terre » proposée dans cette même encyclique.

A sein de chacune des instances nationales de leurs églises comme dans leurs paroisses, les Poverelli seraient les promoteurs et animateurs de la Journée de la création en union avec nos frères orthodoxes le 1er septembre, et plus largement du temps de la création, du 1er septembre au 4 octobre, où nous fêtons la Saint François.

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Pour citer cet article
Référence électronique : Charlotte Cumet, Bertrand Cumet, « Projet d’une nouvelle branche scoute : les Poverelli », Educatio [En ligne], 11 | 2021. URL : https://revue-educatio.eu

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