Editions Salvator, 2010, 224 p.
Il était urgent de rappeler fortement « l’urgence éducative », que ce livre, à la fois, énonce et renforce. Sans catastrophisme, mais avec la lucidité et la précision d’une analyse très concrète et informée, l’Evêque de Fréjus et Toulon dit opportunément que « face au risque de l’indifférenciation, de la privatisation économique et du délitement de son caractère propre » (p.11), l’Ecole Catholique « veut conjuguer l’efficacité scolaire et la construction de la personne » (p.9). Il ne faut pas oublier « qu’elle est d’abord une école », (p.131) et que « sa fonction d’enseignement ne peut se diluer dans la mission éducative » (p.136). Son défi anthropologique, c’est donc de savoir instruire et de former à l’expression et à la réflexion. Mais elle doit aussi ouvrir l’élève à une conception de la vie qui intègre harmonieusement culture et foi : « lien ecclésial d’Evangélisation » (p.137), il lui faut l’amener à saisir qu’il n’est pas seulement producteur et consommateur, mais porté par l’aspiration à la vérité vers l’expérience spirituelle.
C’est pourquoi, comme le rappelle l’ouvrage, (p.145), le Bienheureux Jean-Paul II disait que « toute personne a le droit d’entendre la Bonne Nouvelle de Dieu »[1]. Et cela n’altère en rien sa liberté, car « exposer et proposer n’équivaut point à imposer » (p.145). Plus encore, c’est le respect même de la liberté qui impose d’exposer, car on ne peut choisir ou refuser que ce que l’on connaît. Malgré les scrupules de ceux que tétanise la crainte du prosélytisme, le respect de la liberté n’exige pas la sauvegarde de l’ignorance. On sera reconnaissant à Monseigneur Rey de le dire fermement. En ce sens, l’Evangile est « le lieu de cohérence entre l’acte d’enseigner, l’acte d’éduquer et la proposition de la foi. » (p.146), de sorte que la Pastorale ne saurait se réduire aux activités –si indispensables soient-elles- de l’aumônerie d’un établissement public.
Encore ne peut-on ignorer les réticences et résistances des uns, la timidité des autres, les prétextes ou alibis qui entravent la manifestation de cette identité. « La communauté éducative, écrit l’auteur, devra supporter une certaine hétérogénéité : mais elle ne peut accepter l’opposition déclarée au projet éducatif fondateur. Chacun porte l’obligation professionnelle de pouvoir répondre du projet de l’institution où il enseigne par choix, quelle que soit sa position personnelle par rapport à la foi » (pp. 198-199). L’on sait trop ce qu’il en est parfois, et combien profond est l’écart entre communauté éducative et communauté chrétienne.
On perçoit bien la pertinence de ce livre, auquel le statut de son auteur confère sa portée « l’analphabétisme religieux et la disparition d’une culture chrétienne rendent urgente l’annonce directe de la foi » (p. 217). Mais « la passion d’éduquer est la raison d’être de l’Ecole et la raison d‘être de l’Eglise » p. 217. Puissent ces pages, dont la belle écriture accroît l’agrément de la lecture, réactiver chez beaucoup cette passion.
Guy Avanzini