Laurence Munoz, Gilles Lecocq (sous la direction de)
Des patronages aux associations: la fédération sportive et culturelle de France face aux mutations socioculturelles

Paris : L’harmattan, 2009, 364 p.

L’objet de ce colloque était à la fois homogène et complexe car le phénomène qu’il étudie est, lui-même, simultanément cohérent et divers. Il s’agit en effet, de la manière dont, depuis la fin du XIXème siècle et parallèlement à l’essor de la scolarisation, on vit émerger en milieu chrétien des activités, aussi bien sportives que socioculturelles, de loisirs ou d’éducation populaire, qui cherchèrent à se fédérer mais, vu leur extrême variété, trouvèrent difficilement les structures institutionnelles adéquates. Ainsi, si certaines initiatives étaient extraperi ou post-scolaires, d’autres, en particulier le sport, étaient aussi intra-scolaires. D’où une véritable « mosaïque », comme l’écrit justement Laurence Munoz dans l’introduction (p. 17- notice 2), que, en 1897, la F.S.C.F. (1) s’efforça de rassembler.

L’enjeu, double, était en effet d’importance : d’ordre pastoral, d’abord, en une période marquée par la violente offensive antireligieuse que l’on sait et qui menaçait la jeunesse française; d’ordre théologique, plus profondément, en ce sens que, l’être humain étant à la fois âme et corps, sur le modèle du Christ incarné, une éducation qui se veut plénière ne saurait négliger la culture physique. Mais, toujours soucieuse de réflexion sur le sens de son action, la F.S.C.F., entend promouvoir la recherche et c’est pourquoi, a l’occasion de son 110ème anniversaire, elle a organisé à Cergy-Pontoise les journées d’avril 2008.

La composition même de ce beau volume des Actes réfracte cette richesse de perspectives. Une premières partie s’ouvre par une étude d’ordre pastoral du professeur Cholvy, sur « les espaces perdus » des banlieues, au milieu desquels il faut faire retentir le message de l’Évangile : d’où l’essor des « patronages », auxquels Michel Lagrée, à qui il fut rendu un émouvant hommage, a consacré d’importants travaux; puis le professeur Avanzini a montré comment, plutôt qu’un « sport chrétien », il y a une « pratique chrétienne » du sport, dont l’actualité vérifie qu’elle est a promouvoir ! Enfin, le professeur Callède s’est interrogé sur la contribution des témoignages de la mémoire des militants associatifs à la construction de l’histoire et de la sociologie.

La deuxième partie rassemble précisément une série de témoignages de dirigeants d’associations et de responsables de clubs, qui met remarquablement en évidence l’inventivité, le zèle, le souci éducatif des uns et des autres, à travers des initiatives qui articulent volonté apostolique, pratiques sportives, éducation populaire. Au total, on observe la vitalité créative d’une fédération récusant les spécialisations, le déploiement des initiatives sans éclatement ni émiettement, dans la fidélité maintenue à un idéal indissociablement humain et chrétien, humain parce que chrétien et chrétien parce que humain, selon la plénitude de l’être humain, spirituel et incarné. Faute de pouvoir les citer tous, on soulignera seulement le texte de F. Hochepied sur « les ambitions » de Mgr de la Serre, qui avait d’emblée pressenti certaines dérives sportives, dont divers événements contemporains ont confirmé le danger. Mais, pour adopter un regard optimiste, nous conclurons, avec Gilles Lecoq, au terme de la lecture de ce volume, que la F.S.C.F. a, de son origine à nos jours, fait se rencontrer « des valeurs ecclésiales et des valeurs laïques » (p. 318). Incessant inventeur de pratiques éducatives et de pensée pédagogique, le christianisme n’a donc pas limité son action au seul champ scolaire. Il a aussi irrigué celui des activités physiques et sportives, de l’animation socioculturelle et de l’éducation populaire.

Alain Mougniotte