La personne, en éducation
Guy Avanzini
L’être humain est inachevé. C’est pourquoi la personne est toujours « en éducation », c’est-à-dire en cours d’éducation ; tout à la fois, car elle en a besoin, et elle y est réceptive ; éducativité et éducabilité. Mais cette spécificité est inégalement discernée et honorée ; la diversité de ses positionnements dans les systèmes éducatifs sera l’objet du deuxième numéro de notre revue.
Le premier entendait mettre en évidence la permanence, dans la variété des modalités et l’unité de la conviction, de l’activité éducative des chrétiens. Cette constance n’est pas fortuite, mais issue d’une foi qui veut se transmettre et sait qu’elle le doit, tant pour prévenir les fragilités humaines que pour offrir à chacun la joie de croire et l’espoir du salut.
Encore cela suppose-t-il la réceptivité de celui à qui le message est annoncé, ce qui requiert, de sa part, capacité de comprendre et liberté de refuser / ou d’accepter. Or telles sont bien les caractéristiques de la personne humaine, en tant que telle. L’éducation, étant intrinsèquement le contraire du « dressage », suppose, selon le mot de J.M. Petitclerc, de « s’adresser » à une personne. A vrai dire, toute pédagogie chrétienne est personnaliste, mais implicitement ou explicitement, et avec toutes les positions intermédiaires entre ces deux limites.
Leur analyse s’organise ici autour de diverses approches, à la fois distinctes et solidaires. La première rappelle comment, en distinguant entre « individu » et « personne », Saint Thomas a ouvert une voie féconde. Auteur d’un ouvrage désormais classique sur « Maritain et l’éducation », Alain Mougniotte montre que, en fondant sur la doctrine de la Somme sa conception socio-politique de « l’humanisme intégral », Jacques Maritain en suspend la réalisation à une volonté du développement de la personne. Cela amène à étudier les facteurs de l’émergence actuelle de pédagogies personnalistes, en soulignant à la fois leur pertinence et les obstacles qui compromettent leur essor. C‘est pourquoi Marguerite Léna, s.f.x., scrute les divers sens et enjeux qui s’attachent à ce concept mystérieux de « personne », dont Michel Soëtard établit que sa formation est précisément la fin de l’éducation, dont cependant la liberté même du sujet exclut de garantir l’aboutissement. Ces illustrations d’une vision explicitement personnaliste de l’éducation le confirment : Blandine Berger, s.f.x., en étudiant la vie et l’œuvre de Madeleine Danielou, Jean-Pierre Gaté, en exposant la thématique d’Antoine de la Garanderie. Ces « classes nouvelles » du Collège Saint-Martin de Pontoise, sont analysées par Laurent Gutierrez, comme une initiative originale d’aide à des « décrocheurs », décrite par Gabriel Tardy.
Après ces « fondamentaux », « l’éducation en acte » se manifeste par plusieurs exemples de pratiques : l’Airap, que présente Jean-Marie Diem, et sa réalisation à Orsay, commentée par Anne-Marie Audic, Blandine Panhart et Anne Lachèze ; puis l’éducation de la personne porteur de handicap, élucidée par Marie-Christine de kerrangat-Toussaint. Enfin, quelques recensions d’ouvrages centrés sur la personne achèvent ce numéro.
Puissent les pédagogies d’inspiration personnaliste s’avérer inventives de pratiques suffisamment personnalisées pour devenir vraiment personnalisantes.