Paris – Salvador – 2009 – 310 p.
Plusieurs traits différencient manifestement Louis Brisson et Pierre Vigne. Le premier, affecté dès son ordination sacerdotale à un monastère de Visitandines, y est d’emblée sensibilisé à la spiritualité de Saint François de Sales, alors que le second ne dispose d’aucun référentiel pédagogique explicite. Le premier va se consacrer aux jeunes ouvrières des bonneteries de Troyes, pour qui il crée patronages et foyers, et s’investit ainsi dans la mouvance du Catholicisme Social, alors que le ministère du second s’exerce exclusivement en milieu rural. Et cependant, par des voies très diverses, l’un et l’autre ont fondé des congrégations : le premier pour gérer ses œuvres, suscite les Oblates de Saint François de Sales, puis, sur l’insistance de Mère Marie de Sales Chapuis, supérieure de la Visitation, une société de prêtres éducateurs voués à la diffusion de l’esprit salésien ; quand au second, on le sait, il est à l’origine des Sœurs du Saint Sacrement de Valence.
C’est la vie de ce prêtre hyper actif du diocèse de Troyes, béatifié en 2012, que Françoise Bouchard, bien connue et estimée pour ses nombreuses biographies religieuses, a minutieusement reconstitué dans un ouvrage qui, aussi solidement informé que clairement écrit, analyse et illustre à l’aide de nombreuses anecdotes, l’action apostolique d’un homme dont « le cœur bat à l’heure de Dieu ».
On retrouve là un processus classique : celui d’une initiative chrétienne dont la stabilisation et la pérennisation appellent une famille religieuse qui s’y consacre : ce fut l’œuvre de Louis Brisson et de la Sainte Mère Françoise de Sales -Léonie Aviat- canonisée en 2009. Le charisme de l’Evêque de Genève, « tout faire par amour », près de 300 ans après son émergence, suscite de nouvelles congrégations, dont il nourrit le zèle éducatif. En outre, en offrant des loisirs sains et un environnement sécurisant à des jeunes filles venues de leur village pour travailler en ville, où les guetteraient dérive et débauche, Louis Brisson pratiquait à sa manière le « système préventif », en préconisant douceur et affection. Or, c’est au même moment que l’autre fils de Saint François, Don Bosco, son contemporain, né deux ans avant lui, le formalisait à Turin, où tous deux se sont rencontrés en 1881 ; on notera, à cet égard, la simultanéité de leurs initiatives et leur proximité pédagogique.
Ainsi se vérifie la permanente créativité de la pédagogie chrétienne, qui sans cesse s’adapte à des conjonctures évolutives : éducatrice des enfants, elle s’occupe aussi des adolescents et des jeunes adultes. Si, pour les premiers, elle a ouvert des écoles, elle ne se limite pas à la scolarisation ; elle permet aux seconds, à travers patronages et foyers d’accueil, protection morale et saines relations, non sans favoriser aussi l’intégration socio-professionnelle. Simultanément les Pères créent de divers côtés, notamment à l’étranger, des collèges réputés.
En dépit des vicissitudes liées aux contextes politiques, oblats et oblates n’ont donc cessé de déployer leur apostolat et de mettre en œuvre les intuitions de leurs fondateurs, que cet ouvrage bienvenu, préfacé par Monseigneur Stenger, Evêque de Troyes, a si bien su identifier et restituer.
Guy AVANZINI