Frédérique de Watrigant
Passionnés de Jésus-Christ : Etienne Pernet et Antoinette Fage, fondateurs des Petites Sœurs de l’Assomption

Paris – D.D.B. – 2013 – 228 p.

La fondation d’une congrégation procède, le plus souvent, quoique selon des modalités les plus variées, du double souhait d’un prêtre et d’un (e) laïc, également désireux à la fois de stabiliser institutionnellement et de consacrer spirituellement une initiative caritative. Tel est le cas du Bienheureux Pierre Vigne et de Marguerite de Nozières, ou celui du Bienheureux Louis Brisson et de Sainte Françoise de Sales. Tel est aussi celui, moins connu, du Père Etienne Pernet et d’Antoinette Fage, dont le livre que vient de leur consacrer Frédérique de Watrigant unit les noms dans son titre.

A vrai dire, il pourrait à bon droit paraître paradoxal d’évoquer ici une congrégation qui n’a jamais organisé ni thématisé une activité éducative. C’est même, précisément, ce qui la différencie des autres composantes de la Famille de l’Assomption : les Pères, selon la volonté expresse du Père d’Alzon, ont ouvert et géré des collèges ; les Religieuses de l’Assomption suscitées par la grande figure de Mère Marie-Eugénie de Jésus, sont spécifiquement éducatrices et, puisque polyvalentes, les Oblates de l’Assomption ont, en France et en Europe de l’Est, fondé des établissements. Or, tout au contraire, le Père Etienne Pernet, l’un des premiers assomptionnistes, fut délibérément écarté des institutions scolaires, qu’il redoutait à cause de sa fragilité psychologique ; et Antoinette Fage n’avait d’autre expérience que celle de la direction, d’ailleurs satisfaisante, d’un petit orphelinat pour jeunes ouvrières.

En revanche, tous deux étaient fortement sensibilisés à la misère -économique, psychologique et morale- des milieux populaires et, marqués par le courant du Catholicisme Social, désireux de la secourir. Cette convergence allait, à travers les épisodes que raconte l’ouvrage, les amener à fonder ensemble la congrégation des Petites Sœurs de l’Assomption, conçue pour s’occuper des malades et des familles dans la détresse, non pas seulement, comme les Filles de la Charité, par des visites et des soins, mais en s’installant chez eux et en se substituant provisoirement à la mère, que sa santé défaillante empêchait de s’occuper des siens. Elles partagent leur vie, dans son insalubrité et sa précarité, sa misère, voire sa débauche et son immoralité, si peu convenable que cela puisse paraître à la conception courante de la vie religieuse. Il leur fallut beaucoup de courage, d’ardeur, pour faire accepter un ministère aussi original et, à première vue, aussi novateur, voire choquant.

Mais c’est précisément par là que, sans l’identifier en tant que tel, elles exercent de facto un rôle éducatif auprès des enfants -souvent non baptisés- de ces pauvres familles : elles leur apportent l’affection d’une mère et aussi la connaissance et l’expérience d’une manière plus saine de vivre et de se comporter. La pédagogie chrétienne se situe ici à son degré premier, le plus élémentaire, mais non le moins important.

Guy AVANZINI