Paris – 2014 – 36 p.
La pratique éducative évolue, voire progresse, grâce à des postulations de plus en plus audacieuses de l’éducabilité du sujet, c’est-à-dire de sa perméabilité aux initiatives et stimulations dont il est l’objet. Les exemples les plus spectaculaires sont ceux qui s’adressent aux « porteurs de handicap ». Mais une illustration à la fois très actuelle et très paradoxale de ce processus est aussi celui qui a trait, désormais, aux parents eux-mêmes, pour les aider et leur apprendre à devenir « parents d’élèves ». Tel est le « métier d’avenir », exploré lors du Congrès de mai 2014 des Apel à Strasbourg, que propose cette brochure.
Ce projet représente un tournant dans la longue histoire, tendue, voire conflictuelle, des relations entre famille et école. En effet, chez Demia, J.B. de la Salle et les autres pédagogues chrétiens de l’éducation populaire, celle-ci s’est organisée et développée pour remédier à l’insuffisance de parents estimés culturellement incapables et/ou moralement indignes d’élever leurs enfants, donc en outre et d’emblée supposés inéducables, incapables de s’améliorer. A peine certains pédagogues osaient-ils supposer que des sujets « mieux élevés » auraient peut-être une légère influence sur leur famille, par exemple dans le domaine de l’hygiène corporelle ou alimentaire. Et lorsque, au cours du XXème siècle, notamment sous l’influence de la psychanalyse, se sont peu à peu implantées des « écoles de parents », c’était seulement pour leur apporter une information susceptible de les conduire à mieux comprendre leurs enfants et à ajuster leur comportement.
Or, aujourd’hui, il n’en est plus de même. Une idée nouvelle, toute différente, se fait jour depuis plusieurs années, qu’il faut identifier : il apparaît désormais que l’évolution globale des sociétés, la diversification ethnico-culturelle de la population, la fragilisation de familles « décomposées », « recomposées » ou monoparentales, et surtout, l’importance croissante de la scolarisation et les difficultés de l’orientation déroutent beaucoup de parents qui, malgré leur éventuelle bonne volonté, ne savent plus que faire ni comment se comporter. D’où l’idée de la « reparentalisation » de pères et de mères déroutés, grâce à des stages appropriés, et à une formation spécialisée au « métier » de parent, perçu comme requérant un apprentissage adéquat. Aussi bien, ces initiatives ne se limitent pas au domaine scolaire mais s’étendent à toute l’activité éducative ; ainsi en va-t-il des « ateliers de discipline positive »[1], dans lesquels ces parents sont incités et formés à réinventer leurs relations, spécialement avec les adolescents, pour éviter qu’elles deviennent conflictuelles ou démissionnaire et pour savoir allier fermeté et bienveillance.
Il y a là une double nouveauté d’ordre épistémologique encore insuffisamment identifiée. Cela implique en effet d’abord que soit perçue une « éducativité » des parents, c’est-à-dire leur besoin d’éducation, donc de ne plus postuler chez eux une sorte de compétence naturelle, qui, à la manière de « l’instinct maternel », assure la pertinence des attitudes connues, ou, chez le père, l’autorité qui lui revient « de droit ». Cela implique aussi, et c’est également nouveau, que soit supposée leur aptitude à profiter de ces indications : telle est, sans doute, l’une des plus récentes conquêtes du postulat d’éducabilité : celle des éducateurs.
Bien informé, synthétique, accessible et pratique, ce fascicule rendra de grands services même si on peut lui objecter d’être peut-être un peu optimiste, c’est-à-dire de sous estimer les difficultés proprement structurelles, qui entravent la relation parents-enseignants et en limitent la portée[2].
Guy Avanzini
[1]cf. p.ex : N. de Boisgrollier – Elever ses enfants sans élever la voix. Paris – Ed. Albin Michel – 2015
Voir aussi Dossier Spécial – Journal La Croix – 7 janvier 2015.
[2] Cette thématique est prolongée par un dossier de la revue Enseignement catholique – actualités. N° 363 – octobre-novembre 2014 – 15 p.