Paris – L’Harmattan – 2012 – 254 p.
Il n’y a pas que l’Ecole ! Si importante soit-elle, ou soit-elle devenue, il existe d’autres lieux et moments d’éducation, en particulier tout ce qui relève des temps libres et des loisirs. Et il s’impose à l’Eglise d’y être d’autant plus attentive que chacun –elle le sait- est alors exposé aux dérives de l’oisiveté et qu’est en outre ainsi offerte aux adversaires du christianisme l’occasion d’en détourner la jeunesse. Aussi bien, quand un Etat persécuteur mobilise l’Ecole contre la religion, force est, de recourir, pour transmettre le message de l’Evangile, aux heures que la scolarité laisse disponibles. Telles sont les raisons pour lesquelles, au XIXème siècle, de nombreuses initiatives se sont donné pour objet de créer des sociétés de gymnastique et des patronages, dont les sections sportives se sont réunies en 1897-98 pour fonder la Fédération sportive et culturelle de France.
C’est l’histoire de celle-ci que son ancien directeur, Jean-Marie Jouaret, a très opportunément entrepris de restituer dans cet ouvrage qui, minutieusement documenté, couvre tout un siècle : 1898-1998. Comme il l’indique aujourd’hui à juste titre, les patronages sont une « création des catholiques » (p.9), due en France à la reprise des modèles offerts tant par l’Œuvre Allemand que par Don Bosco, pour tenter de limiter les effets du laïcisme. C’est bien ce qui convainquit Paul Michaux, très attentif à ce danger, de se lancer, avec lucidité et volonté, dans cette entreprise courageuse et risquée. Et, c’est le moment du réveil de l’Olympisme, de la naissance de l’UGSEL et de l’émergence du scoutisme, qui ont en commun de préconiser la valorisation des pratiques corporelles et de plein air. Mais c’est aussi le moment où les anticléricaux ne reculent devant aucune violence : Jouaret rappelle, à cet égard, l’assassinat d’Hippolyte Debroise (p. 41-45).
Nous ne reprendrons pas ici tous les épisodes, péripéties, incidents et conflits qui ponctuent ces cent années, mais soulignerons seulement la ténacité de ceux qui surent, au fil des ans, dépasser les obstacles les plus divers, avant, pendant et après les guerres, notamment entre 1940 et 1944. Malgré d’incessantes difficultés, les effectifs s’accroissent, et les succès remportés lors des compétitions confirmaient la qualité de la formation, confortant l’adhésion de tous ceux qui en ressentaient les bienfaits et suscitant l’estime et le soutien de l’Eglise.
Puis vint le reflux, dont J.M. Jouaret identifie les facteurs convergents qui l’entraînèrent. En particulier, la conjonction des effets du Concile et des évènements de 1968 induisirent une évolution de la pastorale qui, globalement, dévalorisa la considération portée aux patronages et substitua à l’attention aux loisirs l’intérêt pour les lieux de vie : le privilège fut alors donné à l’Action Catholique, comme s’il s’agissait de deux initiatives incompatibles, voire contradictoires. On reconnaît là des débats classiques et récurrents qui, de manière plus ou moins explicite, se poursuivent aujourd’hui et suscitent des positions et des décisions inégalement homogènes.
Sans doute relèvera-t-on, ici ou là, dans l’ouvrage, quelques erreurs de détail ; par exemple, Mgr de la Serre n’était pas Evêque (p.54) ; l’Archevêque de Lyon était le Cardinal Sevin, et non Savin (p. 67), et l’Evêque de Strasbourg était Mgr Ruch (et non point Ruche) (p. 117). Sans doute aussi sourira-t-on de certaines familiarités du style « inénarrable» (p. 5) que relève dans sa préface le président de la F.S.C.F., Jean Vintzel. Plus sérieusement, on regrettera une analyse que l’abondance de l’information rend un peu touffue, au risque de gêner l’identification des lignes de force et des thématiques majeures, dont on sait la portée et la grave incidence sur l’orientation de l’apostolat. Mais, au-delà de ces quelques réserves, on remerciera l’auteur de ce beau et utile travail qui, issu d’une recherche approfondie, met en lumière un aspect de la pédagogie chrétienne que l’attention prioritaire donnée à l’Ecole tend, aujourd’hui surtout, à éclipser et à faire oublier. C’est donc à raison qu’on saura gré à J.M. Jouaret d’avoir voulu, dans un climat qui n’y porte pas d’emblée, rappeler avec vigueur la diversité des champs sur lesquels se déploie l’effort chrétien d’éducation.
Guy Avanzini