Lyon – 3voie Edition – 2015
La fonction d’un Ordre religieux, c’est de transmettre avec fidélité le charisme fondateur et d’assurer ainsi la promotion, dans la continuité, de son originalité pastorale. Tel est bien l’objet de ce livre, qui récapitule et célèbre 450 années d’apostolat jésuite à Lyon. Il se présente à la manière d’un album, illustré par Luc Journot, mais dont le nom de l’auteur ne figure, curieusement, qu’à la dernière page.
Après un rappel de la figure de St Ignace et des origines de la Compagnie de Jésus, il expose, de manière claire et documentée, son arrivée à Lyon en 1565, comme le rapide succès et l’essor du Collège de la Trinité qui, dès 1592, accueillait déjà 800 élèves. Et il restitue l’histoire mouvementée des péripéties et intrigues politico-religieuses qui ponctuent le temps : l’alternance éprouvante et stimulante de périodes d’expansion et de récession, d’expulsion et de renaissance, de dissolution et de reconstruction. Aussi bien, ces épisodes proprement lyonnais sont représentatifs de l’histoire générale des Jésuites, traditionnellement objet d’admiration et d’hostilité, de confiance et de suspicion. Mais ce que permet surtout ce regard synthétique sur une large période, c’est de constater, malgré les obstacles, la persévérance courageuse et l’opiniâtreté apostolique avec lesquelles ils réagissent aux obstacles, pour assurer la permanence de l’éducation chrétienne.
C’est précisément pour cela que l’on regrette, avec étonnement, une double lacune. D’abord, « l’éducation » n’est pas exclusivement scolaire ; elle comporte d’autres modalités ; et si, à Lyon comme ailleurs, les Jésuites ont géré des collèges, ils n’y ont pas réduit leur ministère mais se sont consacrés à bien d’autres tâches également éducatives ; par exemple, et pour s’en tenir aux époques récentes, ils ont assuré l’aumônerie de mouvements et d’associations Catholiques, spécialement la J.E.C. ; à Lyon, on ne peut manquer d’évoquer aussi, la Conférence d’Ampère. Plus encore, les activités extrascolaires ont été de plus en plus valorisées, voire préférées, en lien avec la défaveur de l’Ecole issue des années 70-80, lorsque beaucoup de religieux dirent ouvertement leur désir d’exercer leur apostolat ailleurs. L’omission de tout ce domaine ne manque pas de surprendre.
En outre, on ne sera pas moins déçu que soit omise toute étude proprement pédagogique, portant sur la spécificité de l’éducation mise en œuvre par les Jésuites. L’approche historique ici proposée est d’ordre purement institutionnel ; elle ne dit rien de son originalité. Or -qu’on pense au Ratio- la Compagnie élabore et diffuse une conception neuve, sur le tripe plan axiologique, anthropologique et proprement pédagogique ; elle propose un modèle nouveau, qui n’est évidemment pas étranger à son succès. Mais qu’en est-il à Lyon ? Comment s’y est-il identifié et mis en œuvre ? Et constate-t-on la même continuité, la même fidélité ? Comment le charisme ignatien s’est il maintenu tout au long des siècles ?
Cet ouvrage bienvenu, qui apporte à l’histoire de la pédagogie lyonnaise, éveille à bon droit la curiosité et l’intérêt, même s’il ne traite pas tous les aspects dont il amène à souhaiter aussi l’étude.
Guy Avanzini