Lyon – Chronique Sociale – 2015 – 216 p.
Voici un livre novateur, dû à un juriste, également compétent en sciences de l’éducation, qui adopte une approche originale et bienvenue. Il s’interroge, en juriste précisément, sur la mise en oeuvre de ce « droit à l’éducation », très officiellement proclamé et, simultanément revendiqué, parfois avec véhémence, par ceux qui s’en estiment exclus. De fait, il ne suffit pas de le proclamer avec ferveur : il importe surtout d’identifier ce qu’il signifie, implique et comporte. Comme l’auteur le rappelle, 58 millions d’enfants dans le monde ne sont toujours pas scolarisés et 250 millions ne savent ni lire, ni écrire, ni compter, même après quatre années de scolarité (p. 9). C’est dire qu’il s’agit vraiment « d’un droit à conquérir » (p. 14). Mais, sauf à n’en faire qu’un slogan pour compagnes électorales, comment savoir en quoi il consiste et de quoi et à qui il convient d’en assurer la jouissance : « quid debetur ? et cur debetur ? »
C’est ici que Philippe Richard introduit ingénieusement la notion de « contrat social éducatif », qui stipule les façons de « satisfaire un besoin éducatif exprimé, tant en ce qui concerne la transmission de connaissances que de valeurs » (p.37). Ce contrat virtuel articule, tant bien que mal et au mieux, la liberté individuelle et la volonté socio-politique : il procède de divers « déterminants », eux-mêmes liés à des finalités et à des valeurs religieuses, philosophiques, sociales, culturelles, économiques, etc. qui définissent le « nécessaire » et le « suffisant » appropriés à la variété des contextes et récapitulés par les divers « projets » éducatifs. D’où « un véritable système de droits et d’obligations, fondé dans la Loi et garanti par l’Etat » (p. 66). Encore l’auteur souligne-t-il à juste titre que le rôle de celui-ci ne saurait être de prétendre à un monopole.
En tout cela, on remarquera aisément la densité de la réflexion, la rigueur de la pensée, la solidité de l’information, la pertinence de l’argumentation. L’on n’appréciera pas moins la permanence de la référence chrétienne, notamment la mise en évidence du rôle des chrétiens dans la promotion, même si elle n’est pas explicitée en ces termes, de ce droit à l’éducation, en particulier chez Joseph de Calasanz, trop oublié de nos jours en France, ou encore chez Don Bosco. Car c’est bien d’un lien interne qu’il s’agit : si le droit à l’éducation est souvent, dans la mentalité commune, liée à des idéologies anticléricales, on oublie, ou l’on ignore, combien la rencontre de la misère culturelle a aiguisé chez plusieurs chrétiens la perception de l’urgence éducative, répondant tout simplement au droit universel d’être initié aux mystères du salut.
Guy Avanzini