Editorial

Ecole de demain, déjà-là et pas encore
L’éducation chrétienne, quelles utopies ?

Jean Louis Barbon

Télécharger le fichier en format .pdf

L’ampleur et la complexité de nos systèmes éducatifs semblent s’opposer à toute évolution significative de ceux-ci, malgré les limites que chacun peut en percevoir et qui s’accentuent indéniablement. Dès lors, toute proposition d’évolution ou de rénovation un tant soit peu ambitieuse se verra qualifiée d’« utopique » en raison de la difficulté, supposée, de sa mise en œuvre, et des conservatismes, supposés également, des acteurs concernés. En marquant ainsi du sceau de la naïveté, ou de la fantaisie, ces efforts pour penser l’Ecole de demain, on opère un triple rétrécissement : de la pensée, de l’action, et de l’espérance.

En Education, l’utopie est plus que jamais de mise, faisant à la fois nécessité et urgence. Dans son sens originel, l’utopie ne confondait pas l’inédit et l’impossible. Au contraire elle avait pour ambition d’ouvrir le champ des possibilités, évoluant progressivement d’un procédé intellectuel visant à critiquer l’existant vers une démarche d’exploration d’un avenir souhaitable. Ainsi progressivement, quittant les perspectives eschatologiques d’une illusoire et irréelle fin de l’histoire, l’utopie peut-elle être perçue aujourd’hui comme un effort bienvenu pour, conjointement, penser et explorer des possibles.

Dans le champ de l’éducation, l’abondance des travaux et des expérimentations concrètes, notamment dans la réflexion et l’agir de la tradition chrétienne, permet d’articuler audacieusement l’exigence « utopique » avec des conditions pertinentes et réalistes de mise en œuvre. Ainsi peut s’exprimer cette « conscience anticipatrice » qu’Ernst Bloch[1] définissait comme une subjectivité active ouvrant sur le futur.

Ces « consciences anticipatrices » promeuvent des pratiques éducatives et pédagogiques tournées vers l’Ecole de demain, réinsérant dans la démarche utopique, un « déjà là » qui nous inspire.

Et si, en libérant la pensée et l’action, l’Utopie était une figure active de l’Espérance, riche de la nouveauté de l’avenir ?

Les contributions de la présente livraison d’Educatio entendent contribuer modestement à une réhabilitation créatrice de l’utopie en proposant des réflexions de fond et en présentant quelques pistes d’un « déjà là » stimulant.

 

 

[1] Le Principe Espérance [Das Prinzip Hoffnung],Trad. de l’allemand par Françoise Wuilmart, Collection Bibliothèque de Philosophie, Gallimard, Parution : 14-04-1976