Paris – Retz – 2018 – 160 p.
Affecté d’une présentation et d’une typographie un peu dissuasives, cet ouvrage suscite d’emblée un certain étonnement. Son propos est en effet d’établir, à l’aide de neuf exemples analysés avec soin, que, bien souvent, de prétendues « innovations pédagogiques », supposées capables d’améliorer les apprentissages scolaires, « correspondent à des choses qui existent depuis des décennies » (p. 6). C’est donc dire « la capacité de l’innovation pédagogique à faire passer des idées anciennes pour nouvelles » (p.7).Ce jugement n’est pas toujours faux, et une illustration spectaculaire vient d’en être offerte par la pédagogie officielle qui présente comme garant du succès de l’apprentissage de la lecture le recours à la méthode syllabique, issue de l’Antiquité romaine. C’est dire qu’il suffit de bien choisir des exemples pour confirmer l’hypothèse…
On ne saurait cependant sans sophisme en conclure ou suggérer que toute innovation est une duperie. Encore faut-il, pour ne pas y céder, définir rigoureusement cette notion d’innovation et les critères de son authenticité, avant de pouvoir, alors, en apprécier l’efficacité. C’est pourquoi il s’impose d’abord de la situer dans la dynamique de l’acte éducatif et d’en bien discerner la polysémie et le rôle. S’agissant d’éducation, l’innovation, en effet, n’est pas seulement une éventualité, mais une nécessité inéluctable : le paramètre axiologique, qui énonce les objectifs, et le paramètre anthropologique, qui postule une certaine éducabilité, requièrent d’être articulés par et au sein d’une invention -d’ordre pédagogique- qui, en tant que telle, constitue une innovation. Mais la complexité de la situation tend à ce que, selon les époques et les contextes, le projet de ces inventions est très inégalement ambitieux : il va en effet de la modeste invention d’une démarche didactique, qui deviendra au mieux une « bonne pratique », jusqu’à l’entreprise rénovatrice de tout un système scolaire dans sa globalité. En outre, quoique banalisé par l’usage, il est toujours l’objet d’une découverte, donc constitue une innovation, pour celui qui l’ignorait et la rencontre tardivement. Ainsi le texte libre de Freinet demeure aujourd’hui une innovation dans un établissement sclérosé, qui voudrait se moderniser.
C’est en tenant compte rigoureusement de ces deux facteurs -l’ampleur du projet et ses coordonnées chronologiques- que l’on peut maîtriser dans sa complexité la notion d’innovation et, vu ses objectifs, en évaluer les effets et la pertinence, en évitant la double naïveté d’une célébration inconditionnelle de la nouveauté identifiée au bien, comme celle d’une crispation anxieuse sur ce qui est périmé mais encore en cours. Pour avoir négligé ce concept d’innovation, l’argumentation du livre est sans objet.
Guy Avanzini