Sœur Maria Isabel Paez Melero
Un murmure aux mille échos

Edition des Religieuses de la Sainte Famille de Villefranche – 2003 – 196 p.

La Congrégation est simultanément, l’objet d’une approche originale, qui se veut explicitement historique sans, pour autant, s’interdire « l’imagination narrative propre au roman » (p. IV). Telle est l’intention de ce livre écrit par une religieuse d’origine madrilène, dans un style qui entend recréer le milieu de vieille noblesse provinciale où vécut la fondatrice, Sainte Emilie de Rodat.

Celle-ci est née en septembre 1787, donc dans une période prérévolutionnaire, de sorte que son enfance et son adolescence se déroulent dans un climat d’inquiétude, voire d’insécurité, marqué aussi par une foi ardente et un constant souci des pauvres, ce qui intensifie chez elle le souci de donner un sens à son existence. Or, voici que, amenée à rejoindre sa grand-mère dans une résidence non conventuelle mais chrétienne, elle trouve l’occasion de s’occuper de petites filles pauvres, malheureuses ou orphelines, qu’elle aime à secourir et dont, avec quelques autres, elle entreprend très empiriquement l’éducation. Et peu à peu c’est une sorte d’école qui s’installe. Et peu à peu aussi, c’est une vocation religieuse qui émerge, et la convainc d’un engagement plénier. Encore fallait-il choisir une congrégation, et ce fut l’objet de plusieurs essais infructueux, chez les Sœurs de Nevers puis chez les Picpuciennes et à la Miséricorde de Moissac, avant d’en venir à la lente maturation d’un projet original, celui de la Sainte-Famille, délibérément vouée à la scolarisation et à l’éducation des filles. Si l’auteure ne donne guère d’indications d’ordre proprement canonique, elle décrit bien l’alternance de joies spirituelles et de déceptions, de phases d’essor et de diffusion, de difficultés institutionnelles, politique et autres, et aussi le processus de consolidation de l’œuvre, notamment après son abandon d’un projet de fusion avec les religieuses Marianistes d’Adèle de Trenquelléon. Et, si l’on ne parle guère des aspects proprement pédagogiques, du moins souligne-t-on avec quelle affectueuse douceur Sainte Emilie savait aborder des élèves insoumises ou caractérielles et les amener à surmonter leurs troubles antérieurs. Le concours décisif de l’Eglise et, plus spécifiquement, des religieuses à l’éducation est ici, une fois de plus, clairement établi et mis en lumière.

Guy Avanzini