Christiane Conturie
Heureux les enseignants ! Des pistes pour se ressourcer

Paris – Salvator -2018 – 190 p.

Le titre de cet ouvrage se veut sans doute provocant, et son auteur ne l’ignore pas (p.14). Il contraste grandement avec tous ceux, si nombreux, qui nourrissent une interminable complainte sur la déconsidération de la fonction enseignante, la démotivation des élèves, la détérioration de l’autorité établie et la restriction des « moyens ». Ici, on change heureusement d’univers. Membre de la Communauté Apostolique de St François Xavier, Christiane Conturie dit tout simplement sa joie d’être professeur. Et son objectif est, dans une réflexion chrétienne de haut niveau, d’indiquer avec précision à quelles conditions l’enseignant peut, à la fois et en même temps, éveiller ou restaurer le goût des écoliers pour le travail et trouver, ou retrouver lui-même, le bonheur d’être ce qu’il est.

Forte de son expérience, acquise tant à Abidjan qu’à Paris, l’auteur se réfère explicitement à la thématique de « l’éducation selon l’esprit », si remarquablement formalisée et mise en œuvre par Madeleine Daniélou. Son anthropologie indique qu’il s’impose d’emblée de « croire à l’intelligence des enfants » (p. 19) et applique à la pédagogie l’intuition bergsonienne de « l’élan vital » et des « Deux Sources ». Pour elle, l’élève est mu par le goût de la vérité, et il aspire à l’atteindre : il s’agit donc de promouvoir sa capacité de discernement et de jugement, moyennant un effort auquel, au demeurant, il ne faut pas craindre de l’inciter et qu’il soutiendra d’autant plus volontiers que le Maître se soucie d’articuler exigence et bienveillance : c’est là la condition du succès, lequel confirme le postulat initial de l’éducabilité de chacun. Aussi bien, cette conviction est particulièrement indispensable en cette époque où l’hétérogénéité croissante des idéologies et des valeurs oblige à des choix dont la pertinence est cruciale. A cet égard, on appréciera tout particulièrement la courageuse insistance de Christiane Conturie sur « le devoir de désobéissance », qui s’impose à « une autorité injuste et à des lois iniques, au nom d’une conscience en éveil, attentive à promouvoir des valeurs plus hautes »  (p. 79). Au moment où le discours officiel vante une « citoyenneté » moutonnière et conformiste, ces pages sont bienvenues. Non moins judicieuses s’avèrent celles qui portent sur l’autorité, comme sur le dialogue interreligieux. Encore sera-t-on moins confiant dans la portée de l’éducation à la fraternité, menacée qu’elle est, à la fois, par les communautarismes et par le refus laïc de reconnaissance d’une paternité spirituelle qui la fonderait. En revanche, on se réjouira des pages relatives à la « réussite », à un moment où ceux qui l’érigent en objectif ultime se gardent de la définir ou se contentent de l’avilir. Tout au contraire, elle la présente comme la capacité « d’ordonner sa vie en cohérence avec ses désirs les plus profonds» (p. 170). Il faut privilégier « la générosité de cœur, plutôt que l’ambition aveugle » (p. 174).

C’est pourquoi, dans une belle préface, Marguerite Léna peut écrire que, satisfaisant ainsi aux vœux de l’auteur, « les enseignants trouvent ici des suggestions précieuses, capables de stimuler leur propre imagination créatrice » (p. 10). Puissent beaucoup, ainsi, redevenir « heureux » !

Guy Avanzini

 

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