Éditions des Presses universitaires de Saint Etienne, 2020, 268 p.
Voici un ouvrage qu’il est malaisé d’affecter à une rubrique scientifique classique. Paru dans la Collection « Sociologie-matières à penser », il relève de plusieurs disciplines ordonnées à l’étude d’un épisode éminent de l’histoire de Lyon : la fondation du foyer Notre Dame des sans-abri ouvert en 1950 par Gabriel Rosset, professeur dans un lycée public et membre fidèle de la Paroisse Universitaire de Lyon.
Plutôt que d’en présenter un résumé, sans doute est-il préférable de distinguer les trois raisons majeures qui font à la fois sa valeur et son intérêt. La première est d’ordre historique : il s’agit d’une étude approfondie et rigoureuse du célèbre « foyer » qui a marqué décisivement l’histoire du Christianisme social à Lyon. Madame Brodiez a minutieusement reconstitué et exposé sa genèse, son ouverture ainsi que son développement. Elle montre l’extraordinaire hétérogénéité de ceux qui y ont cherché et trouvé un accueil et un réconfort.
Mais, surtout, l’horizon s’élargit et l’auteur situe le foyer lyonnais dans le contexte sociologique de l’époque ; elle inventorie avec minutie et de façon souvent novatrice, l’émergence et l’activité des diverses Œuvres, religieuses ou non, mises en place tant par les Églises que par les services officiels pour faire face au phénomène impressionnant de la misère. Elle dresse le tableau des institutions vouées à y remédier, issues notamment de l’influence de l’Abbé Pierre et de l’action du Secours Catholique.
Une troisième raison de la valeur de cet ouvrage, c’est la manière dont, discrètement mais fermement, elle met en lumière et en relief l’anthropologie chrétienne qui témoigne de la volonté d’ouvrir aux sans-logis un avenir qui leur rende possible l’éventualité de retrouver leur autonomie. Le signe délicat mais fort de cette volonté se trouve d’emblée dans le terme de « passager », qui désigne ceux qui sollicitent de venir au Foyer et d’y être reçus : ce mot signifie qu’ils ne sont pas voués à jamais à la marginalité mais que leur avenir demeure ouvert. C’est ce que montre aussi la présence Gabriel Rosset auprès de ces « passagers » pour étudier de façon personnalisée avec eux l’ouverture d’un avenir.
On sera donc particulièrement reconnaissant à madame Brodiez de cette recherche novatrice, qui pose un problème tragique par l’énormité de ses aspects et la complexité des activités qu’elle impose.
Guy AVANZINI