Antoine Arjakowsky, Jean-Baptiste Arnaud, Pierre Marsollier, Louis-Marie Piron et Odile Verluca (Dir.)
Révéler la Politique
Paris Ed. Hermann, 2024
Cet ouvrage collectif s’inscrit dans la continuité d’un séminaire organisé par le Collège des Bernardins et le Secrétariat général de l’Enseignement catholique, lequel s’est tenu entre septembre 2022 et juin 2024. Le thème de ce séminaire, qui est le sous-titre de l’ouvrage, était « Quelle science morale et politique pour le XXIè siècle, pour quel enseignement ? ».
Ce livre, écrit à plusieurs mains et dans différents styles, aurait pu entrainer un risque d’incohérence et de perte de suivi de la ligne directrice. Il n’en est rien. Certainement parce que les auteurs ont travaillé plusieurs mois ensemble et qu’ils ont pu harmoniser leurs points de vue dans les domaines de la théologie, de la philosophie, de l’anthropologie, de l’histoire, de la sociologie…
L’objectif que nous proposent les auteurs est de repenser l’enseignement du politique tant sur le fond en se référant à des principes chrétiens que sur la forme via une pédagogie de l’action. Ce livre s’adresse à l’ensemble des acteurs éducatifs, les chefs d’établissement, les enseignants, les parents d’élèves mais aussi les élèves et les étudiants ainsi que toute personne qui contribue à la formation des jeunes
Que trouve-t-on dans cet ouvrage ?
Observant le lien entre éthique et politique, l’introduction présente des repères philosophiques historiques pour arriver au constat qu’aujourd’hui, ce lien est rompu. Elle propose la référence aux différentes théologies dans ce qu’elles peuvent apporter comme éclairage pour le réhabiliter. Ainsi, la Doctrine sociale de l’Église et les penseurs chrétiens du politique et du social peuvent donner une assise à cette réhabilitation. Tout comme la dimension intégrale de l’éducation que nous propose le Pape François ainsi que le dialogue permanent entre la foi et la raison.
Une première partie, intitulée « Théos », explore les regards croisés de la théologie et de la philosophie. Ces regards ne doivent pas rester abstraits mais inviter à un engagement dans le monde. Il en va de la dignité de l’homme, dans sa relation, en tant que personne, avec la communauté, la société. Une lecture théologique nous conduit à ouvrir deux chantiers : celui d’une réflexion incarnée et celui de la construction permanente du dialogue. Voilà une véritable politique. Une lecture anthropologique et philosophique nous invite à réconcilier vie spirituelle et vie politique par des pratiques de générosité avec un horizon de liberté.
Une deuxième partie, intitulée « Clio », rappelle les traces de la construction des principes et des institutions politiques depuis 1789. Une approche factuelle permet de bien comprendre l’architecture de cette construction. La présentation, en contrepoints, des actions et réactions de l’Église et des chrétiens dans les contextes successifs, donne une bonne appréhension du rôle qu’ils veulent jouer dans la vie sociale et politique. On prend conscience que l’engagement des chrétiens n’a pas été neutre dans ce domaine. Un focus est fait sur l’histoire de l’Enseignement catholique, à sa place dans la société et à son rôle dans la transmission d’une science morale et politique.
Une troisième partie, intitulée « Doxa », se donne comme objectif de donner des repères pour aborder les questions de société, qu’elles soient nouvelles ou plus anciennes, sans tomber dans le piège de la pensée unique. Après quelques balises pour aider à se situer dans un espace social, des repères sont proposés pour y tracer un chemin. Ces repères sont inspirés du personnalisme et de la doctrine sociale de l’Église. Ils questionnent la liberté de conscience, invitent à articuler l’universel, en pensant le global, et le singulier, en favorisant le dialogue. Cette partie se termine par la présentation d’une méthode pour éduquer au discernement. Cette méthode est, somme toute, assez classique mais efficace.
Une quatrième partie, intitulée « Praxis », se penche sur des pratiques d’enseignement qui sont en cohérence avec les fondements identifiés avant. La visée de ces pratiques, qui sont de l’ordre de la formation, est résolument l’agir, la mise en mouvement. On découvre que l’activité humaine est le dessein de Dieu et que l’éducation à l’activité politique est l’occasion d’une révélation. Il est alors affirmé qu’il convient de développer une éducation qui forme à une pratique politique. Le témoignage d’une expérience d’enseignement vient illustrer et donner corps à ce qui pourrait n’être qu’une utopie. Cette partie se termine par quelques pistes concrètes de pratiques éducatives et pédagogiques.
La dernière partie, qui n’est pas une cinquième partie, ni une conclusion, présente les synthèses des dix-huit sessions qui ont alimenté le séminaire aux Bernardins avec à chaque fois, l’intervention de deux spécialistes ou témoins.
Louis-Marie Piron