Thierry Le Goaziou
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Argument : A partir de quelques expressions comme « habiter vers sa véritable demeure, le voyage de l’être, le combat éthique, la figure du veilleur», le théologien salésien propose une construction identitaire singulière et originale qui s’adresse autant à l’éducateur qu’au moraliste. Elle peut être comprise comme l’illustration d’une condition humaine commune ou comme une façon d’être au monde qui s’applique dans des espaces variés, éducatif, pédagogique, thérapeutique, éthique. Au-delà de la conviction croyante au sein de laquelle elle s’enracine, une telle approche contribue à définir un lien social renouvelé, basé sur une recherche nomade, une voie itinérante du sens de l’action. Elle réaffirme une certaine passion d’être et la valeur toujours actuelle de l’engagement pour l’autre, les choses et le monde tel qu’il est.
Habiter sa véritable demeure !
Dans le cadre d’un ouvrage collectif consacré à la pédagogie salésienne, le théologien moraliste français Xavier Thévenot évoque cette expression à propos du système préventif de don Bosco[1]. Quelle est sa démarche qui aboutit à l’évocation de cette véritable demeure et la nécessité d’y habiter ? Il rappelle d’abord qu’il n’existe pas d’amour sans loi en illustrant son propos à travers quelques références bibliques : le récit de la Genèse (Gn 2), l’alliance mosaïque (Ex 19-20), la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche (Lc 18, 18-23) et le sermon sur la montagne (Mt 5-6). De ce dernier, Xavier Thévenot conclut que « ce qui régit en dernière instance la conduite du chrétien ne saurait donc être un calcul utilitariste se frayant à moindre frais un chemin tranquille entre les exigences des codes sociaux. Ce doit être l’appel de Dieu au bonheur; appel qui provoque chacun à percevoir que la loi, en son fond, est habitée par l’exigence du respect sans conditions de tout homme, quand bien même celui-ci serait un ennemi »[2]. Une telle perspective est, d’un point de vue éthique, très élevée et le risque d’échec est réel. Si, pour Xavier Thévenot, « la conversion imposée par le sermon sur la montage aux codes sociaux doit devenir la règle de toute institution familiale et éducative qui prétend être chrétienne »[3], celle-ci ne peut aboutir qu’avec « la présence agissante de Dieu dans le monde »[4]. Celle-ci permet de ne pas dissocier la promesse du Père – l’appel au bonheur – des exigences du Fils – le respect inconditionnel de chaque être – issues du sermon sur la montagne.
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