Archives de catégorie : Numéro 6- Ecole de demain, déjà-là et pas encore L’éducation chrétienne : quelles utopies ?

Le sport et l’éducation chrétienne

La survivance d’un mythe et les liaisons dangereuses

François Hochepied*

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Le « sport catholique » : sujet d’historiens, réflexions désuètes ou légitimes préoccupations ?

Dans la contestation virulente qui frappe de plein fouet le christianisme, et le catholicisme en particulier (Rémond, 2000, 2005, 11, 12), le rapport au corps est l’un des points majeurs du contentieux. Il ne s’agira pas, dans le cadre de cet article, de reprendre le procès, ce qui inviterait, bien sûr, aux nuances indispensables.

Certes, il est évident que les tendances jansénistes et rigoristes dans le catholicisme ont contribué à majorer les interprétations sévères concernant le corps et le rigorisme a survécu bien au-delà des condamnations qui ont frappé le jansénisme : il appartient au temps long de l’Histoire. (Cognet, 2000, 3)

Mais il n’en demeure pas moins vrai que, contrairement à une idée reçue trop souvent affirmée de la part des athées hostiles à la religion chrétienne, cette dernière n’est pas toute entière vouée au combat contre le corps, la chair et la sensualité. Comme le remarque G. Cholvy (2010, 2), même le catéchisme officiel de l’Eglise, qui n’est pourtant pas un texte suspect d’originalité, y insiste :

« La chair est le pivot du Salut. Nous croyons en Dieu qui est le créateur de la chair ; nous croyons au Verbe fait chair pour racheter la chair ; nous croyons en la résurrection de la chair, achèvement de la création et rédemption de la chair […]. Nous croyons en la vraie résurrection de cette chair que nous possédons »[1].

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Réintroduire la place du sujet dans la recherche en éducation

Un défi méthodologique

Jean-Pierre Gaté*

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Résumé : La recherche est toujours une histoire où la surprise, l’imprévu, l’inattendu restent de mise. Celle que nous avons conduite auprès d’adultes en situation d’illettrisme l’illustre singulièrement. Dans cet article, nous voudrions témoigner des défis auxquels ont été confrontés les chercheurs et qui sont à la fois de nature épistémologique et méthodologique. Comment réintroduire la place du sujet dans un dispositif dominé, au départ, par une démarche objectivante eu égard aux présupposés théoriques adoptés ? Comment le parti-pris d’une « épistémologie de la subjectivité » oblige à des renoncements méthodologiques au bénéfice d’avenues investigatrices plus riches et prometteuses, quitte à opérer un déplacement significatif de l’objet de recherche… C’est autour de ces questions que s’organise cette contribution, avec le souci de montrer que toute contrainte est potentiellement une ressource et que les freins qui se présentent se révèlent dans bien des cas des leviers pour la recherche et l’action.

Mots-clés : illettrisme, troubles d’apprentissage, rapport au savoir, recherche collaborative, phénoménologie

1. Toute recherche s’inscrit dans une histoire

Sortir des sentiers battus ! Ceux, notamment, que l’on pense a priori bien tracés, légitimes et solidement balisés. La recherche est toujours une histoire où la surprise, l’imprévu, l’inattendu restent de mise. Si de nombreux exemples peuvent l’attester dans le domaine des sciences naturelles (combien de découvertes furent le fruit de hasards heureux ou d’observations inopinées ?), c’est particulièrement le cas dans le champ des sciences sociales où l’étude du fait humain est toujours source d’étonnement et d’imprévisible.

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Nostra Aetate et le dialogue interreligieux à Vatican II

Joseph Herveau*

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Résumé : Pour l’Ecole catholique, « ouverte à tous par vocation », le dialogue interreligieux -partie intégrante de la mission de l’Eglise- constitue une ressource précieuse. A condition toutefois, d’approfondir ce qu’il est tant dans ses fondements que dans ses visées. La Déclaration Nostra Aetate sur les relations entre l’Eglise et les religions non chrétiennes, resituée dans le contexte du Concile, peut y aider. Non sans impact d’ailleurs, sur notre « style éducatif » propre.

Vatican II : « évènement de dialogue »

Nostra Aetate[1] « déclaration sur l’Eglise et les religions du monde » fait assurément partie des nombreux textes emblématiques du Concile Vatican II, au service d’un renouveau de la vie ecclésiale sur lequel six papes (dont deux saints et un bienheureux !) on continué à engager l’Eglise. Non comme un élément isolé, mais comme facette particulière d’une dynamique d’ensemble qu’il faut avoir en tête pour en apprécier la véritable portée. Et c’est également nécessaire pour se prémunir des contre-lectures que l’on pourrait en faire, les plus fréquentes étant la suspicion d’une forme de renoncement à la mission évangélisatrice, voire d’un soupçon de relativisme ou de syncrétisme.

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L’identité salésienne selon Xavier Thévenot

Thierry Le Goaziou

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Argument : A partir de quelques expressions comme « habiter vers sa véritable demeure, le voyage de l’être, le combat éthique, la figure du veilleur», le théologien salésien propose une construction identitaire singulière et originale qui s’adresse autant à l’éducateur qu’au moraliste. Elle peut être comprise comme l’illustration d’une condition humaine commune ou comme une façon d’être au monde qui s’applique dans des espaces variés, éducatif, pédagogique, thérapeutique, éthique. Au-delà de la conviction croyante au sein de laquelle elle s’enracine, une telle approche contribue à définir un lien social renouvelé, basé sur une recherche nomade, une voie itinérante du sens de l’action. Elle réaffirme une certaine passion d’être et la valeur toujours actuelle de l’engagement pour l’autre, les choses et le monde tel qu’il est.

Habiter sa véritable demeure !

Dans le cadre d’un ouvrage collectif consacré à la pédagogie salésienne, le théologien moraliste français Xavier Thévenot évoque cette expression à propos du système préventif de don Bosco[1]. Quelle est sa démarche qui aboutit à l’évocation de cette véritable demeure et la nécessité d’y habiter ? Il rappelle d’abord qu’il n’existe pas d’amour sans loi en illustrant son propos à travers quelques références bibliques : le récit de la Genèse (Gn 2), l’alliance mosaïque (Ex 19-20), la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche (Lc 18, 18-23) et le sermon sur la montagne (Mt 5-6). De ce dernier, Xavier Thévenot conclut que « ce qui régit en dernière instance la conduite du chrétien ne saurait donc être un calcul utilitariste se frayant à moindre frais un chemin tranquille entre les exigences des codes sociaux. Ce doit être l’appel de Dieu au bonheur; appel qui provoque chacun à percevoir que la loi, en son fond, est habitée par l’exigence du respect sans conditions de tout homme, quand bien même celui-ci serait un ennemi »[2]. Une telle perspective est, d’un point de vue éthique, très élevée et le risque d’échec est réel. Si, pour Xavier Thévenot, « la conversion imposée par le sermon sur la montage aux codes sociaux doit devenir la règle de toute institution familiale et éducative qui prétend être chrétienne »[3], celle-ci ne peut aboutir qu’avec « la présence agissante de Dieu dans le monde »[4]. Celle-ci permet de ne pas dissocier la promesse du Père – l’appel au bonheur – des exigences du Fils – le respect inconditionnel de chaque être – issues du sermon sur la montagne.

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Bicentenaire des Frères Maristes (1817-2017)

Fondation et métamorphoses d’une congrégation enseignante

André Lanfrey

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Le 2 janvier 1817, Marcellin Champagnat, un jeune vicaire, installe deux disciples dans une maison du bourg de La Valla-en-Gier, sur le flanc du Mont Pilat au-dessus de la ville industrielle de St Chamond (Loire). Les Frères Maristes considèrent cet événement comme la date de leur fondation. Mais il s’agit tout autant de l’aboutissement d’un projet antérieur plus complexe et plus ambitieux.

Marcellin Champagnat est né le 20 mai 1789, au moment où commencent à Versailles les Etats Généraux, dans la paroisse de Marlhes : un bourg de 2700 habitants à la limite de ce qui va bientôt devenir le département de la Loire, à environ 1000 m. d’altitude, sur une route qui mène de St Etienne au Puy. Le bourg proprement dit est relativement modeste et la plus grande partie des habitants sont répartis dans soixante-quinze hameaux. A cette altitude l’économie est fondée en bonne partie sur l’élevage et l’exploitation de la forêt. La rubanerie y est une activité féminine très répandue.

C’est un pays très catholique, profondément réévangélisé au XVII° siècle par Saint François Régis, jésuite basé au Puy. Un curé et son vicaire assurent le service pastoral. Tout le monde est baptisé, fait sa première communion vers treize ans et reçoit la confirmation avant 25 ans. Une confrérie de pénitents du Saint Sacrement rassemble une élite laïque d’hommes et de femmes. Dans plusieurs hameaux exercent des béates, pieuses filles célibataires formées au Puy, qui reçoivent chez elles les jeunes filles et les petits garçons, pour leur apprendre catéchisme, prières, lecture et dentelle ou rubanerie. Au bourg fonctionne un couvent de 9 sœurs de Saint Joseph, congrégation du XVII° siècle fondée au Puy. Continuer la lecture

Denis Paccard
Lyon et les Jésuites – 450 ans d’éducation

Lyon – 3voie Edition – 2015

La fonction d’un Ordre religieux, c’est de transmettre avec fidélité le charisme fondateur et d’assurer ainsi la promotion, dans la continuité, de son originalité pastorale. Tel est bien l’objet de ce livre, qui récapitule et célèbre 450 années d’apostolat jésuite à Lyon. Il se présente à la manière d’un album, illustré par Luc Journot, mais dont le nom de l’auteur ne figure, curieusement, qu’à la dernière page.

Après un rappel de la figure de St Ignace et des origines de la Compagnie de Jésus, il expose, de manière claire et documentée, son arrivée à Lyon en 1565, comme le rapide succès et l’essor du Collège de la Trinité qui, dès 1592, accueillait déjà 800 élèves. Et il restitue l’histoire mouvementée des péripéties et intrigues politico-religieuses qui ponctuent le temps : l’alternance éprouvante et stimulante de périodes d’expansion et de récession, d’expulsion et de renaissance, de dissolution et de reconstruction. Aussi bien, ces épisodes proprement lyonnais sont représentatifs de l’histoire générale des Jésuites, traditionnellement objet d’admiration et d’hostilité, de confiance et de suspicion. Mais ce que permet surtout ce regard synthétique sur une large période, c’est de constater, malgré les obstacles, la persévérance courageuse et l’opiniâtreté apostolique avec lesquelles ils réagissent aux obstacles, pour assurer la permanence de l’éducation chrétienne.

C’est précisément pour cela que l’on regrette, avec étonnement, une double lacune. D’abord, « l’éducation » n’est pas exclusivement scolaire ; elle comporte d’autres modalités ; et si, à Lyon comme ailleurs, les Jésuites ont géré des collèges, ils n’y ont pas réduit leur ministère mais se sont consacrés à bien d’autres tâches également éducatives ; par exemple, et pour s’en tenir aux époques récentes, ils ont assuré l’aumônerie de mouvements et d’associations Catholiques, spécialement la J.E.C. ; à Lyon, on ne peut manquer d’évoquer aussi, la Conférence d’Ampère. Plus encore, les activités extrascolaires ont été de plus en plus valorisées, voire préférées, en lien avec la défaveur de l’Ecole issue des années 70-80, lorsque beaucoup de religieux dirent ouvertement leur désir d’exercer leur apostolat ailleurs. L’omission de tout ce domaine ne manque pas de surprendre.

En outre, on ne sera pas moins déçu que soit omise toute étude proprement pédagogique, portant sur la spécificité de l’éducation mise en œuvre par les Jésuites. L’approche historique ici proposée est d’ordre purement institutionnel ; elle ne dit rien de son originalité. Or -qu’on pense au Ratio- la Compagnie élabore et diffuse une conception neuve, sur le tripe plan axiologique, anthropologique et proprement pédagogique ; elle propose un modèle nouveau, qui n’est évidemment pas étranger à son succès. Mais qu’en est-il à Lyon ? Comment s’y est-il identifié et mis en œuvre ? Et constate-t-on la même continuité, la même fidélité ? Comment le charisme ignatien s’est il maintenu tout au long des siècles ?

Cet ouvrage bienvenu, qui apporte à l’histoire de la pédagogie lyonnaise, éveille à bon droit la curiosité et l’intérêt, même s’il ne traite pas tous les aspects dont il amène à souhaiter aussi l’étude.

Guy Avanzini

Moulinet, B. de Capèle, A. Späni
Université Catholique de Lyon : entre passé et avenir

Toulouse – Privat – 2015

Après les lois Guizot et Falloux, celle du 2 juillet 1875 a enfin libéré aussi l’Enseignement Supérieur et rendu possible, en France, la fondation des cinq Universités Catholiques de Paris, Angers, Lille, Toulouse et Lyon. Et voici que le 140ème anniversaire de celle-ci coïncide avec sa transplantation, à peine achevée, vers un nouveau quartier de la ville, dans les bâtiments réaménagés de deux anciennes prisons. C’était donc bien le moment opportun pour en reconstituer l’histoire. Et tel est, de fait, l’objectif de ce très beau livre, préfacé par son Chancelier, le Cardinal Barbarin, et aussi fermement et savamment écrit par l’un de ses professeurs, l’Abbé Daniel Moulinet et Benjamin de Capèle, du Centre National d’Etudes Spatiales, ainsi que remarquablement illustré par les magnifiques photographies de Arnaud Späni. Ce livre d’histoire est un livre d’art. Continuer la lecture