Le cas de l’accueil des enfants sourds dans les écoles dites « ordinaires »
Jean Habarurema
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Résumé : Ouvrir l’école à tous, n’est-ce pas là une démarche d’hospitalité ? A travers l’intégration prônée dans les lois depuis 1975 (Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées) l’école s’ouvre à tous les enfants quel que soit leur profil, leurs différences. Mais la démarche d’« ouvrir » l’école à tous permet-elle de poser les bases à une égalité des chances ? Est-ce que le fait d’accueillir, d’offrir l’hospitalité donne à chacun les mêmes chances de réussite ? Le cas des enfants sourds révèlent que derrière une « différence » (la surdité) se cachent des profils variés qui font apparaître des besoins différents. L’école peut-elle répondre à l’ensemble de ces besoins ? Peut-elle prendre en compte la diversité des profils ou bien s’agit-il d’une utopie ? Cette utopie offre-t-elle un chemin de réflexion pour une autre école ou s’avère-t-elle stérile ?
Mots-clés : hospitalité – utopie – enfants sourds- école
Jules Ferry s’est attaché en 1880 à rendre l’instruction obligatoire pour tous les enfants de 6 à 13 ans. Si aujourd’hui ce droit semble être un acquis social, la différence physiologique pose parfois question aux enseignants ou aux parents d’élèves. La scolarisation n’a pas toujours été une évidence et le besoin d’être instruit n’a pas toujours concerné l’ensemble de la population. L’instruction obligatoire a d’abord concerné la population représentée majoritairement dans la société. Ainsi, les enfants présentant des différences par rapport à cette « norme » majoritaire ont été mis à l’écart durant plusieurs siècles. Les sourds, notamment, ont été privés de l’instruction avant de recevoir un enseignement spécialisé. Ils ont finalement été incités à rejoindre les écoles selon un processus d’intégration. Ces évolutions de l’enseignement aux enfants sourds correspondent à un changement de regard sur cette population ainsi qu’à la modification des finalités de l’Ecole. La solution de l’intégration, encouragée par la loi de 2005[1] et appliquée à l’ensemble des enfants présentant une différence physiologique, physique voire intellectuelle, ne semble pourtant pas satisfaire pleinement les enseignants ni les enfants sourds. La volonté d’offrir à tous un enseignement égal pose la question de l’équité d’accès à ces enseignements. L’intégration se présente-t-elle comme une utopie, comme un moyen de fuir les difficultés réelles de l’enseignement à ces enfants ? Ou est-elle une première étape, « un autre lieu », pour mettre en œuvre un enseignement adapté à un public plus large ? Pour comprendre la complexité d’un enseignement destiné à des enfants n’appartenant pas à la « norme », nous nous appuierons sur le vécu des enfants sourds à travers l’histoire et jusqu’à aujourd’hui. Cette analyse permet de comparer des démarches d’ « accueil » des enfants sourds dans l’école et de considérer les voies que nous offre l’ « utopie » afin de proposer un enseignement ouvert à tous.