Donato Petti, f.e.c.
Dialogue sur l’éducation avec Benoît XVI

Paris – Ed. Parole et Silence – 2012 – 342 p.
(traduit de l’italien par Sylvie Garoche)

Pour savoir vraiment ce qu’est une éducation chrétienne, ou chrétiennement satisfaisante, à qui mieux qu’au Pape le demander ? C’est précisément ce qu’a tenté, et réussi, Donato Petti, f.e.c., professeur à l’Université Pontificale du Latran. Sans doute pour éviter l’austérité d’un discours magistral, il a, de manière originale, virtuellement interrogé Benoît XVI en construisant son ouvrage sous forme de questions et réponses : cette présentation dialoguée ne résulte pas, en effet, de rencontres localisées entre les deux interlocuteurs supposés. L’auteur a formulé diverses questions, bien élaborées, auxquelles il répond par des textes judicieusement choisis du Souverain Pontife, qu’il a empruntés aux allocutions, homélies et documents divers, dûment référencés, de celui-ci. Et il en résulte ce gros livre de facture très spécifique, qui explicite la pensée du Saint-Père, exposée avec la rigueur, la précision, la pertinence de pensée et d’expression et la qualité réflexive qu’on lui connaît.

Le lecteur habitué aux débats actuels sur l’éducation sera sans doute d’abord surpris, voire dérouté : – on est loin, ici, du journalisme, des déplorations syndicalo-politiciennes et des propos redondants sur « l’insuffisance des moyens » ; Mais on n’est pas non plus dans le registre magique d’un discours désincarné, annonçant vainement quelque prochaine réforme. On est au contraire au cœur même de ce qu’est l’éducation ; on est dans l’essentiel, ce dont les pratiques quotidiennes découlent et sans quoi elles dérivent ou avortent- ; on est dans les valeurs ; Centré sur ce qui importe vraiment, le Pape montre comment la crise partout dénoncée tient d’abord au relativisme contemporain, qui prive de « parents déterminés et sûrs » (p.23) désormais affectés par ce relativisme que, simultanément, ils diffusent et accroissent. D’où de précieuses précisions, face à l’actuel égarement des esprits, sur ce que sont réellement l’autonomie ou la liberté, sur ce dont l’homme a véritablement besoin, « ce qui est en mesure de satisfaire la capacité de son propre cœur » (p.39).

On ne saurait ici résumer ce livre, qui appelle une lecture méditative. Du moins faut-il souligner que l’abondance des textes rassemblés et la variété des thématiques mobilisées révèlent l’attention forte et compétente de Benoît XVI à l’éducation, bien que celle-ci n’ait pas été, de sa part, l’objet d’un texte qui, à la manière d’une Encyclique, aurait récapitulé et systématisé sa pensée. Très homogène, elle procède en effet de l’idée que l’action de l’adulte, qu’il le sache et le veuille ou non, procède nécessairement du positionnement, explicite ou implicite, des valeurs qui constituent les finalités dont la recherche de l’obtention suscite l’invention des pratiques et attitudes quotidiennes. Et c’est à partir du discernement de celles-ci et de l’action spécifique que chacune requiert qu’est très logiquement et clairement organisé le plan des chapitres successifs.

A bon droit, c’est la notice de « vérité » qui est d’emblée mise en relief, car c’est elle qui légitime le caractère décisif de sa fonction et qui peut seule orienter l’autonomie du sujet et l’usage de sa liberté. De même en va-t-il de la personne, en tant que valeur inconditionnellement respectable ; tous les problèmes les plus concrets de celle-ci, comme de la société, sont successivement rencontrés, situés et éclairés dans une perspective Évangélique. Et l’ouvrage se termine, comme naturellement, par une réflexion sur l’Ecole Catholique et les conditions auxquelles elle peut se dire et être reconnue comme authentiquement chrétienne. En particulier, il lui faut, à la fois, respecter rigoureusement la liberté des consciences et enseigner la foi de l’Eglise, sans supposer naïvement que la sauvegarde de la première comporte ou exige celle de l’ignorance religieuse.

Voilà donc un ouvrage clarifiant, dont on doit savoir grandement gré à Frère Petti. Cependant, pour finir, un double regret : l’absence d’un index thématique, qui aurait facilité la circulation entre les questions voisines mais abordées selon les circonstances du propos tenu, et surtout, une synthèse, une postface terminale, qui aurait fourni l’esquisse de ce qui mérite bien d’être considéré comme la doctrine pédagogique de Benoît XVI.

Guy AVANZINI,