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Né à Sannois (95) le 27 mai 1932, Gilbert Caffin fit ses études secondaires à l’école Saint-Martin de France de Pontoise jusqu’en 1951, puis il entra au noviciat de l’Oratoire de France. Ordonné prêtre en 1959, et après des études supérieures de Théologie, il entreprit en 1974-1975 un voyage d’études d’éducation comparée, sur les réformes scolaires en divers pays et publia son livre Mettre au monde : éducation et mondialité (Paris – Cerf- 1980) ; il poursuit la rédaction de nombreux articles. Président du GERFEC, formateur d’enseignants pour les écoles catholiques d’Alsace, il devient en 1980, représentant permanent de l’OIEC (Office international de l’enseignement catholique) au conseil de l’Europe et le demeure jusqu’en 2001. De retour à Paris au service de sa congrégation, il mourut en novembre 2013.
En mémoire à sa mémoire, nous publions ci-joint la préface rédigée par René Nouailhat du livre Mettre au monde : éducation et mondialité, livre qui a été d’emblée remarqué et apprécié.
Mettre au monde : éducation et mondialité
Préface de René Nouailhat*
Beaucoup de livre s’effacent avec le temps. D’autres prennent un nouveau relief. C’est ce qui arrive à ce Mettre au monde de Gilbert Caffin.
Faisant le tour de la planète voici plus de trente ans, notre visiteur des lieux d’éducation en est revenu plein de questions. Des questions qu’il a, depuis, continué de poser, de creuser, de susciter. A relire cet ouvrage, on y trouve un art de voyager qui est d’autant plus précieux que la facilité accrue des déplacements ne favorise pas toujours la bonne posture.
La mondialisation d’aujourd’hui n’a pas inventé le voyage planétaire, mais elle en modifie les données. A la faveur des puissantes industries du tourisme quadrillant le monde, on n’a jamais autant voyagé, à tout âge et pour toutes les raisons, des jumelages scolaires aux croisières thématiques et des séminaires délocalisés aux séjours de rêve pour troisième âge. Les cohortes bien encadrées des marchands de voyagent déferlent, comme les joyeux Turlurons de Séraphin Lampion qui débarquent chez les Picaros du général Alcazar dans la dernière des aventures de Tintin. Ces touristes venus pour le carnaval, égarés dans le campement des guerilleros, n’y cherchent que des boutiques de souvenirs, et de bonnes occasions de se divertir entre eux.
Dans le sillage des politiques de la Banque mondiale et du libre marché, les « tours operators » et les Clubs Med s’installent partout. Les « voyages d’affaires » n’ont plus de voyage que le sens des affaires. On voyage aujourd’hui dans l’abstraction et la standardisation des paysages : « Hôtel. Avion. Aéroport de Melbourne. Chauffeur. Hôtel. Réunion au bureau. Avion. Aéroport de Canberra. Chauffeur. Hôtel. Que j’atterrisse à Canberra, à Tokyo, à São Paulo ou à Londres la superficie des chambres est toujours la même, ainsi que l’épaisseur des moquettes, le niveau de la climatisation et la casquette des chauffeurs. Dans cet univers uniforme et feutré, on perd le contact avec la réalité, on finit par ne plus savoir ce que les hommes font et attendent » note Pierre Dauzier.
Pauvres mondes et tristes réalités qui faisaient dire voici plus d’un siècle à Claude Lévi-Strauss, en ouverture à la relation de ses séjours sous les « Tristes Tropiques » : « Je hais les voyages et les explorateurs ».
Le voyage touristique peut en fait rassurer notre imaginaire et conforter nos habitudes. Ainsi, quand l’Américain vient en Europe visiter Disneyland, ou que le français cherche son steak-frites sous les tropiques. Les complexes touristiques protègent et entretiennent ces transpositions de nos petits mondes.
C’est pourtant bien le voyage qui pourrait changer le regard. Encore faudrait-il apprendre à ouvrir ce regard. « Nous sommes des voyageurs, écrivait Saint Augustin, dans La Cité de Dieu. Qu’est-ce que voyager ? Je le dis en un mot : avancer. Que toujours te déplaise ce que tu es pour parvenir à ce que tu n’es pas encore ».
Telle est la leçon de Livre de Gilbert Caffin. Prêtre de l’Oratoire, l’ordre religieux de Bérulle, Richard Simon et Newman, il était à bonne école pour apprendre à porter loin l’audace et l’intelligence de la foi en l’Homme. Enseignant, il oriente son regard sur la question éducative, la plus décisive pour l’avenir. Disciple du Christ, pour qui « ce que vous avez fait au plus petit, c’est à moi que vous l’avez fait », il rencontre les plus simples, il est attentif aux plus humbles, et il fait de son voyage un pèlerinage en humanité.
L’écho des rencontres ici relatées vaut plus que bien des traités généraux. La « mise au monde » commence par une immersion. Gilbert Caffin mesure bien la difficulté d’être vraiment dans ces mondes qu’il découvre d’être par, pour et avec les personnes qu’il rencontre : conjonctions qui définissent la relation culturelle et ce qu’elle tisse dans la « marée humaine » dont l’épilogue du livre dit à la fois la misère et la richesse.
Trente ans après ce voyage, le monde a basculé. Bien des situations évoquées ont disparu, englouties comme l’Atlantide de jadis. D’anciens clivages sont tombés, d’autres s’installent. Des pays ont disparu, d’autres se constituent. Bien des rêves sont tombés dans les poubelles de l’histoire. L’an 2000 n’était-il pas alors l’horizon d’un monde futuriste de rationalité triomphante, et de lendemains qui chantent, avec ce que cela pouvait animer en mobilisation et en ferveur ? Les lendemains n’ont pas chanté. L’internationale n’a pas été celle du genre humain mais celle des technologies standardisées et des spéculations financières. Et on voit de partout de vieux tréfonds identitaires et religieux investir les champs culturels et géopolitiques.
Les échanges s’élargissent avec une intensité inédite. Les modes de vie sont bouleversés par des mutations de tous ordres, et en bien des lieux il paraît difficile de remédier aux tragédies de la misère et de gérer le chaos. Les inégalités se sont accrues de façon vertigineuse et les déséquilibres se sont accentués. D’autres perspectives se sont ouvertes, avec d’extraordinaires élans de générosité, de nouveaux champs d’innovations.
Le monde est plus que jamais à la croisée des chemins. Les réflexions de Gilbert Caffin n’en sont que plus éclairantes. Son questionnement est plus actuel que jamais, avec son souci de la priorité éducative, et l’urgence de solidarité et de convivialité.
Pour mettre au monde la Terre des hommes.
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Droits d’auteurs
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* Directeur honoraire du Centre Universitaire Catholique de Bourgogne et fondateur de l’Institut de Formation à l’Etude et à l’enseignement des religions