Lyon – Association des anciens élèves et amis du Château d’Aix – 2015 – 163 p.
« Le Château d’Aix », c’était initialement un petit orphelinat agricole fondé en 1897 à proximité de Balbigny, dans la Loire, et confié aux Religieuses Franciscaines de Seillon. Fermé en 1914 faute de recrutement, il fut ouvert à nouveau en 1916 par décision du nouvel Archevêque de Lyon, le Cardinal Maurin, qui chargea les Pères Salésiens d’y accueillir des enfants réfugiés, originaires du Nord et d’Alsace (2). Et voici que, l’Association des anciens élèves et amis du Château d’Aix vient d’en publier l’histoire dans une édition luxueusement illustrée. Devenu peu à peu un Collège Petit Séminaire, c’est un établissement modeste, dont l’effectif n’a jamais atteint 150 élèves et dont la brève existence, de 1917 à 1957, confirme la précarité. Néanmoins, ou à cause de cela ? – il apparaît hautement représentatif de la pédagogie salésienne et très fidèle à son projet. Et c’est précisément cette authenticité que l’un de ses anciens élèves, Edgard Pich, aujourd’hui professeur émérite d’histoire de la littérature à l’Université Lyon II, s’est remarquablement attaché à mettre en lumière, dans cette étude minutieuse, sobre et pénétrante, qui se veut un hommage aux religieux de la maison.
Formés dans un contexte austère et sans confort, voisin de celui qu’ils avaient connu chez eux, ces enfants de milieux simples y étaient perçus, à la manière de Don Bosco, comme hautement éducables. Ils y rencontrèrent à la fois beaucoup de rigueur intellectuelle et un climat de familiarité joyeuse, culturellement très stimulante, qui tendait à compenser l’éloignement de leur famille. On reconnaît évidemment, dans cette alliance d’exigence et d’affection, les « piliers » du système préventif. Mais, au-delà de la vie quotidienne, c’est évidemment de celui-ci que l’auteur s’attache à approfondir le sens. Et il bénéficie pour cela d’un atout auquel est due l’originalité de sa recherche : né à Turin, il connaît, parle et a parlé dans sa jeunesse le dialecte piémontais, qui est donc, pour l’un et l’autre, leur langue maternelle. Cela lui permet de préciser au mieux le sens de certains mots et de certaines paroles de Don Bosco dont la traduction française s’avère aléatoire et imprécise. De même peut-il définir exactement la notion de « amorevolezza », qui signifie surtout la volonté ardente du bien de l’autre, alors que son actuelle défensivité relationnelle incite fâcheusement le corps enseignant à l’écarter (cf. pp. 74 et SP). Il apporte également des indications bienvenues sur les concepts de « répression » et de « prévention ». Au total, on apprécie que, sans vouloir faire de Don Bosco un théoricien, il identifie chez lui des « cohérences fondamentales » (p. 82). C’est pourquoi Guy Avanzini peut écrire, dans sa postface, que, grâce à « l’articulation réussie de l’exigence intellectuelle avec l’authenticité relationnelle au Château d’Aix le charisme salésien s’est déployé » (163). En cette année du Bicentenaire, cet ouvrage confirme que le pédagogue turinoise est « un être singulier et exceptionnel » (p.83).
Louis Laurent