Toulouse – Privat – 2015
Après les lois Guizot et Falloux, celle du 2 juillet 1875 a enfin libéré aussi l’Enseignement Supérieur et rendu possible, en France, la fondation des cinq Universités Catholiques de Paris, Angers, Lille, Toulouse et Lyon. Et voici que le 140ème anniversaire de celle-ci coïncide avec sa transplantation, à peine achevée, vers un nouveau quartier de la ville, dans les bâtiments réaménagés de deux anciennes prisons. C’était donc bien le moment opportun pour en reconstituer l’histoire. Et tel est, de fait, l’objectif de ce très beau livre, préfacé par son Chancelier, le Cardinal Barbarin, et aussi fermement et savamment écrit par l’un de ses professeurs, l’Abbé Daniel Moulinet et Benjamin de Capèle, du Centre National d’Etudes Spatiales, ainsi que remarquablement illustré par les magnifiques photographies de Arnaud Späni. Ce livre d’histoire est un livre d’art.
A sa lecture, on saisit ce que fut, au fil des années, la démarche courageuse et tenace de ceux qui ont su trouver les lieux et les fonds indispensables et peu à peu constituer un corps enseignant, tant pour les facultés profanes que canoniques. Ce récit laisse aisément percevoir, aussi, derrière les initiatives successives d’ordre institutionnel, l’affrontement entre les obstacles, notamment le laïcisme récurrent, et la générosité inventive de ceux à qui l’établissement dût son dynamisme et sa capacité d’ajustement. On voit aussi alterner les périodes d’extension et de récession, notamment des effectifs, comme les crises qui, à tel ou tel instant, parurent compromettre l’avenir. Ainsi en alla-t-il lors des guerres, de « 1968 », ou de « l’affaire des équivalences ». Puis apparurent les perspectives plus rassurantes de conventionnement avec les organismes d’Etat, comme les élargissements offerts par les instituts liés à l’essor des sciences humaines et par les Ecoles de professionnalisation spécialisée. C’est, bien sûr, à cette incessante créativité qu’est due, aujourd’hui, l’inscription de 10.000 étudiants.
Le grand mérite des auteurs est d’avoir réussi à ne jamais séparer l’exposé proprement chronologique d’une histoire complexe et l’élucidation de sa signification et de sa portée pastorales ; celles-ci sont dues notamment à des professeurs dont l’œuvre a marqué ; on ne citera ici que celui du Cardinal de Lubac. Mais, au delà des épisodes proprement lyonnais, c’est la pédagogie chrétienne qui se donne à voir à l’œuvre dans l’enseignement supérieur, jusqu’à évoluer en adultagogie (cf. l’Université du 3ème âge et l’éducation permanente).
Contribuer ainsi au progrès et à la diffusion de la connaissance de haut niveau, c’est signifier sans équivoque que la foi n’a rien à en craindre. Malgré les épisodes malencontreux d’un passé qui survit dans les milieux malveillants et a laissé des traces, le progrès de la réflexion épistémologique a désormais enfin amené à comprendre que, entre science et religion, il n’y a ni concurrence, ni interférence, mais qu’il s’agit de deux registres distincts et autonomes : la science explicite le fonctionnement des phénomènes et la foi éclaire le sens de l’expérience humaine. Sans doute est-ce précisément pour étudier systématiquement ces problématiques que le Recteur de l’Université a décidé, en 2012, de créer une chaire « science et religion ». L’exigence renaît en effet et demeure sans cesse d’exercer sur les phénomènes culturels une réflexion éthique issue de l’Evangile, pour en discerner la signification. Précaire mais résolu, menacé mais obstiné, modeste quant à ses moyens mais ambitieux quant à sa mission, tel se présente l’Enseignement Supérieur Chrétien, à l’histoire duquel cet ouvrage fournit une estimable contribution. L’Université Catholique de Lyon -l’UCLy- en offre un témoignage bienvenu.
Guy Avanzini