Mulhouse – Salvator – 2015 – 351 p.
Même si l’on peut estimer qu’il a recouru à une formulation grammaticalement plus élaborée, c’est en ces termes, paraît-il, que Dieu s’est adressé à Adam qui, honteux d’avoir mangé la pomme, se cachait derrière un buisson ! Du moins est-ce la parole que cet ouvrage lui prête. C’est également, dit-on, et ici dans sa formulation courante, la question la plus fréquente que « les jeunes » se posent lors de leurs incessantes communications téléphoniques : « le SMS le plus échangé », lit-on en 4ème de couverture. C’est enfin celle que les mêmes posent à Dieu en personne, pour le presser d’intervenir plus activement sur les affaires de ce monde, afin de combattre le mal. Il s’agit donc vraiment d’une question, centrale, qui hante le temps et traverse l’histoire. D’où le titre qu’Agnès Charlemagne a retenu pour ce (trop) gros livre.
Pendant 7 ans APS – Adjointe en Pastorale Scolaire- dans un établissement catholique des quartiers nord de Marseille, elle a explicitement interrogé un millier d’adolescents, de 10 à 16 ans, sur Dieu et les problématiques d’ordre existentiel, puis répertorié et restitué leurs réponses et leurs réflexions. Ce n’est, ni de sa part ni de la leur, un discours élaboré, mais ce sont des échanges spontanés, librement poursuivis au fil des jours, sans aucun plan didactique préétabli. On pourrait, à certains égards, comparer son approche à la pratique de la libre expression dans la pédagogie Freinet.
Face à cet impressionnant et volumineux dossier, le premier constat qui s’impose, c’est celui de sa qualité et de sa densité. Certes, la formulation des élèves est souvent maladroite et gauche, parfois apparemment naïve ; mais, en amont de la forme, il se dégage une sensibilité existentielle et une acuité spirituelle aigues. L’audace de l’auteur, dont il faut vivement la féliciter, fut d’oser postuler que, si l’on ne s’obstine pas, par démagogie ou simplisme, à les enfermer dans les niaiseries, les idéologies à la mode ou les discours continus sur le ‘vivre ensemble’, ils savent poser des problèmes de fond, d’ordre proprement philosophique. En ce sens, et là encore à la manière de Freinet, elle a libéré la réflexion et suscite le discernement de ce qui mérite attention. Elle a mis en évidence leur dimension spirituelle, une certaine conscience éthique, une inquiétude existentielle, voire un véritable sens du religieux, quels que soient leurs croyances ou leur éventuel positionnement confessionnel. Elle a permis que se manifeste leur capacité de débattre et d’argumenter, même si c’est un peu « en zig-zag » (p.19). Au total, comme l’écrit excellemment dans sa préface le Père Salenson, directeur de l’ISTR de Marseille, « au fil de ces pages, la foi s’exprime dans tous ses états… ce livre montre l’intérêt des jeunes pour les questions métaphysiques » (pp. 6-7).
C’est précisément en raison de l’originalité et de la pertinence de cette approche que l’on regrette vivement une présentation déroutante, qui compromet sérieusement la lisibilité de l’ouvrage. Force est de constater et de déplorer l’obscurité et la parcimonie des explications sur la manière de procéder, et les questions énoncées. La méthodologie n’est pas explicitée, non plus que le mode de traitement et de classement des propos recueillis. Il manque des clés de lecture, faute desquelles cette documentation demeure un peu étouffante et laisse désemparé devant une masse de données qu’on ne sait trop comment maîtriser et thématiser. C’est dire que l’exploitation des matériaux reste à faire. Mais ils la méritent.
Guy Avanzini