Enseignement moral et civique : Contribution de l’Ecole

Colloque – Publication du S.G.E.C. – Paris – 2015

 A l’annonce d’un renouveau de l’enseignement de la morale, sans doute ne peut-on éviter deux réactions contradictoires : comment, d’abord, ne pas s’en réjouir, vu l’évidente marginalisation de la morale dans les comportements quotidiens de nos contemporains et, tout spécialement, des « jeunes » ! Mais comment, aussi, et en revanche, ne pas craindre que cet « enseignement moral et civique », prévu par la loi du 8 juillet 2013 fournisse, plus ou moins subrepticement, l’occasion, en lien avec un certain harcèlement médiatique, de pressions idéologiques incontrôlées et d’endoctrinement ?

Sans qu’il l’exprime en ces termes, sans doute est-ce objectivement face à ces deux données que se situe ce volumineux document, préparé à l’initiative de Pascal Balmand et sous la direction de Claude Berruer. Il réunit deux composantes bien distinctes : d’abord, un « préambule » de 10 pages, promulgué en avril 2014 par la Commission Permanente du Comité National de l’Enseignement Catholique ; ensuite, un ensemble de fiches d’ordre proprement didactique ; donc, à la fois, un apport d’ordre théorique, pour fixer ces orientations, et un instrument de travail, proposé aux enseignants.

Du premier, on appréciera à bon droit la clarté et la hauteur de vues, comme sa volonté de clarification de notions polysémiques ; d’emblée, il rappelle, opportunément, qu’aucune éducation n’est « neutre » : qu’elle le sache et le veuille ou non, et même si elle l’ignore, ou le nie, elle mobilise nécessairement des principes moraux ; selon l’expression de Pascal Balmand, ici, ce sont « la morale que l’école catholique s’efforce de fonder »[1] et l’anthropologie dont elle procède. Bienvenues sont aussi les remarques sur la différence entre « morale et éthique ». S’il est malaisé de fixer une norme, vu la diversité des acceptions que revêt leur usage, il apparaît néanmoins que, globalement, la morale a pour objet l’étude des valeurs qui, à la fois dynamogènes et régulatrices, inspirent la conduite, tandis que l’éthique traite de l’invention des pratiques que la morale inspire dans la variété des situations concrètes, c’est-à-dire le discernement[2]. Encore ne peut-on oublier que la prétention actuelle de chacun d’avoir son éthique induit un individualisme que les déontologies, dont désormais beaucoup de professions se dotent, s’efforcent de corriger les inconvénients ou les abus.

Sur ce bon « préambule », on peut énoncer toutefois deux regrets ; d’une part, qu’il ne distingue pas explicitement entre loi morale et loi civile : la première appelle d’être respectée et la seconde d’être observée. Or, vu qu’il s’agit de l’enseignement « moral et civique », la confusion entre l’une et l’autre est tentante, mais fâcheuse. Pour éviter les risques de normalisation idéologique, l’exercice du « sens civique »[3], dont le texte justifie très bien l’importance, doit porter particulièrement sur ce point, comme sur « le principe, chrétien et démocratique, de l’objection de conscience »[4]. On ne peut oublier que notre Eglise est fécondée par le martyre. Aussi bien, l’enseignement moral ne saurait se réduire au civisme, qui n’en est qu’un aspect, mais non l’idéal ultime, lequel requiert, dans l’Enseignement Catholique, l’éveil à la fraternité en Jésus Christ.

Du second, on sera intéressé de recueillir les réactions des usagers : il s’agit de 4 séries de fiches (sept en tout, de 2 à 6 pages chacune), portant successivement sur des thématiques d’ordre théorique (p.ex., morale et éthique), puis sur des valeurs (fraternité, justice…), ensuite sur des situations scolaires (une tentative de suicide), enfin sur les mises en oeuvre concrètes. Intellectuellement stimulantes, elles comportent toutes, apparemment, la même structure: elles partent d’une situation d’actualité (p.ex., peut-on parler aujourd’hui d’un retour de la morale ?), puis proposent deux ou trois textes susceptibles de nourrir la réflexion, formulent ensuite quelques questions d’ordre général, et enfin interrogent sur les pratiques, effectives ou à venir, de l’établissement. Tout cela est bien mais doit être mis à l’épreuve de la classe. Ce sont les initiatives d’utilisation de ces fiches qui pourront en établir la pertinence.

Guy Avanzini

[1] P. Balmand, in Enseignement moral et civique – p. 1

[2] Préambule – p. 1

[3] Préambule – p. 6

[4] Préambule – p. 8