Sortir des cadres…

Bernadette Nozarian

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L’instruction hors école peut-elle représenter une utopie éducative ? Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont appris en observant leurs semblables. Ce mode de transmission, mis en évidence par les recherches en neurobiologie, est encore efficient dans de nombreuses régions du globe. Pourtant, en France, depuis la fin du XIXe siècle, la scolarisation est devenue le modèle d’instruction de référence. En parallèle de cette massification de la scolarisation, se développe, de façon continue et en augmentation, un phénomène familial d’instruction hors école. Que signifie t-il et de quel message social est-il porteur ?

Le nombre croissant de familles choisissant ce mode d’instruction, même si il reste très minoritaire, inquiète les pouvoirs publics qui tentent de durcir la législation, entrant ainsi dans un cercle continu de suspicion, de contraintes et de contrôles. Ce phénomène pourrait pourtant être observé autrement qu’à travers le prisme scolaire.

Je précise tout d’abord ma position d’observatrice participante en situant ma position dans ce paysage. Puis je présente le contexte familial et pédagogique propre à ces familles et le contexte politique dans lequel leur pratique s’inscrit. Enfin, je propose mes interrogations qui résultent de mes observations. En effet, cette approche éducative que j’observe et questionne depuis des années, ne m’a apporté aucune certitude mais, de par son caractère fluctuant en perpétuel adaptation à la société dans laquelle elle a cours, un questionnement permanent.

Contextes

Contexte personnel

Ma position personnelle me donne trois angles d’observation. Ma positon de mère de jeunes adultes ayant été instruits hors école et de membres de LED’A – les Enfants D’Abord – l’une des associations nationales de familles instruisant leurs enfants, où je m’occupe de la Recherche, me permet une fine connaissance du terrain et de ses évolutions. Ma position de formatrice et d’enseignante me permet une connaissance tout aussi fine du terrain scolaire et de ses évolutions. Enfin, de par ma position de chercheuse, je suis la réflexion des chercheurs et celle, en devenir, des étudiants qui choisissent ce thème pour leur mémoire.

C’est sur cette triple compétence que je suis régulièrement sollicitée par des porteurs de projets éducatifs innovants pour les conseiller et pour intervenir publiquement sur l’éducation.

Contexte familial et pédagogique

La décision d’instruction hors du cadre scolaire est une décision familiale importante qui impacte, de manière très exigeante, la vie quotidienne de chaque membre du foyer. La prendre à la légère, par snob mimétisme ou sans le moindre fondement, est risqué. Elle implique, dans le cas de déscolarisation – lorsque l’enfant quitte un établissement scolaire pour continuer son instruction hors école – un changement radical de la vie familiale. Il faudra être davantage disponible et cette disponibilité entraînera vraisemblablement une perte de revenus. Une telle déscolarisation peut résulter de cheminements personnels. Elle peut aussi être due à une urgence absolue et soudaine face à un profond mal-être de l’enfant au sein de l’institution scolaire et l’absence de réponse de celle-ci. Soit par incapacité à solutionner le problème, soit par volonté délibérée. Dans le cadre d’une étude que je mène actuellement sur les raisons menant à la déscolarisation, je constate, d’après les témoignages dont je dispose à ce jour, que les problèmes de violence, racket, mauvais traitements laissent de plus en plus la place à ceux résultant d’une inadaptation réciproque entre le système scolaire normé, bâti sur un modèle type d’élève, et des profils atypiques : toute la panoplie des dys – dysgraphiques, dyscalculiques, dyspraxiques…, des hauts potentiels et des autismes. Malgré la bonne volonté dont semblent faire preuve certains enseignants, d’après mes éléments d’enquête, ils sont totalement dépassés par la situation et dans l’impossibilité de la gérer. De ce fait, ils deviennent parfois eux-mêmes prescripteurs de déscolarisation.

L’autre démarche familiale est celle du choix, d’emblée, d’instruction hors école. La décision est prise après mûre réflexion, avant les 6 ans de l’enfant et parfois même avant sa conception. Les raisons sont diverses. Au fil de mes investigations dans le cadre des diverses études que je mène, j’entends moins de critiques pédagogiques à l’encontre du système scolaire – méthode de lecture, emploi du temps… – et davantage de revendications liée à une qualité de vie souhaitée.

Le contexte pédagogique s’inscrit dans deux tendances principales. Les familles «non sco» d’après la terminologie en vigueur parmi elles répondent à une pseudo classification, fluctuante selon les familles et les moments de vie. En effet, il n’existe aucun modèle type d’instruction hors école mais une variété de réponses individualisées, au point que certaines fratries peuvent être mixtes scolairement, comprenant des enfants instruits à l’école et des enfants instruits hors école.

Une tendance rassemble les familles qui «font l’école à la maison». Elles transposent le modèle scolaire à domicile : enseignement vertical du parent – majoritairement la mère – ou du cours par correspondance vers l’enfant, respect des programmes scolaires, emploi du temps, exercices, notation.

Une autre tendance rassemble les familles dites «unschoolers» selon la terminologie anglo-saxonne. Le unschooling se définit comme un mode d’apprentissage autonome, libre, souvent informel, conduit par l’apprenant, selon ses centres d’intérêt et son rythme propre. Il peut reposer sur une progression formelle et scolaire si elle répond à une demande de l’enfant. Il mène tout autant que l’apprentissage scolaire à la maîtrise des fondamentaux : lecture, écriture, calcul, langues étrangères, culture générale, mais selon un calendrier, des centres d’intérêt et une méthode d’apprentissage propres à chaque apprenant. Son insaisissabilité passionne le chercheur Alan Thomas et sa collègue, Harriet Pattison, tandis qu’il fait enrager certains inspecteurs d’académie et conseillers pédagogiques chargés du contrôle annuel de l’instruction.

“I’m fascinated by Informal Learning, Natural Learning, Unschooling, Autonomous – whatever you want to call it. In fact, it’s been the most stimulating intellectual experience of my life, actually. And it fllies in the face of all the conventional wisdom. (…) I’ve discussed it with my colleague Harriet Pattison over and over again every time we come back to talk about informal learning, we see it form a different perspective. It is so difficult to get a grip on, and yet, it works”[1]

Contexte politique

Le législateur français, par le biais de la loi dite Jules Ferry, promulguée en 1882 et toujours en vigueur, reconnaît et protège le droit à l’instruction de l’enfant. Ce droit, initialement prévu de 6 à 13 ans, a été prolongé jusqu’à 16 ans.[2]

Le contexte historique dans lequel cette loi a vu le jour n’est sans doute pas anodin : période coloniale, revanche à prendre sur la défaite de 1870 face à la Prusse, première révolution industrielle. Autant d’éléments qui concouraient à la nécessité, pour la France, de former des citoyens qui soient des combattants, des patriotes et des ouvriers. Il est généralement énoncé comme une évidence que l’école est un lieu de savoir, de transmission verticale de ce savoir, de l’enseignant aux élèves. Néanmoins, à la lecture de travaux d’historiens de l’éducation, il est frappant de constater que les enseignants n’ont pas toujours été «si savants» et que l’école fut aussi, voire davantage au cours des siècles, un lieu de garderie et de pratique religieuse[3].

Le souci de protection du droit de l’enfant à l’instruction pourrait être tout à l’honneur du législateur s’il s’inscrivait dans une stricte impartialité. Or depuis des décennies, les familles non sco subissent les aléas de la suspicion. Dans leur étude sur le contrôle de l’instruction en famille entre 1882 et 1914, André Robert et Jean-Yves Seguy[4] montrent que déjà au début du XXe siècle, toutes ces familles n’étaient pas logées à la même enseigne lors du contrôle de l’instruction et qu’il était fait preuve de davantage de mansuétude, de la part des personnels académiques, envers les familles bourgeoises plutôt que populaires.

La suspicion de dérive sectaire fut un nouveau coup porté à la liberté pédagogique des familles. En 1998, Ségolène Royal, alors Secrétaire d’Etat à la famille, informe les recteurs d’académie par le biais d’une circulaire que «chaque année plusieurs milliers d’enfants échappent à l’école de la République» et les suppose embrigadés contre leur gré dans des sectes. Des établissements privés hors contrat, notamment les écoles Steiner, se trouvent aussi dans sa visée tandis que des enfants, dont les parents sont réellement membres de sectes, sont scolarisés à l’école publique. Ces soupçons ne résistent pas au travail d’enquête de la MIVILUDES – Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires – qui confirment l’absence de lien entre l’instruction hors école et l’embrigadement sectaire[5]. Néanmoins depuis une circulaire de 1999, le contrôle de l’instruction, qui pouvait avoir lieu aux 8, 10 et 12 ans de l’enfant, est devenu annuel et obligatoire.

La suspicion de radicalisme est la dernière en date à l’encontre des familles assumant la responsabilité de l’instruction de leurs enfants. Elle a donné lieu, dans le cadre de la loi Egalité & Citoyenneté, à la publication d’un décret le dimanche 30 octobre 2016. Cette nouvelle démarche législative concerne également les établissements hors contrat et vise, de plus en plus, à codifier scolairement des pratiques pédagogiques qui s’écartent du modèle dominant. Elle répond à une peur du personnel politique face à l’augmentation régulière : + 34 % selon l’enquête de la DGESCO évoquée par la ministre de l’Education nationale au printemps 2016[6], de familles instruisant leurs enfants hors école. De leur côté, les familles se sont étonnées du parcours scolaire au sein de l’école de la République de terroristes ayant fait la Une de l’actualité, elles ont aussi interpellé les élus, les journalistes, elles tentent d’informer sur la réalité de ce mode d’instruction, ou de guerre lasse… elles s’exilent.

J’ai fait partie des deux délégations reçues au ministère de l’Education nationale en mai 2016 puis au Sénat en septembre 2016. Ces deux rendez-vous m’ont laissé un goût amer et dans les deux cas, j’ai pu mesurer l’ampleur du fossé qui sépare les parties considérées : Familles / Pouvoirs publics – et l’impossibilité à communiquer sereinement sur ce thème.

Mes interrogations

Après avoir brossé le décor dans lequel se joue cette partition pédagogique, j’entends essayer de préciser les idées et les préjugés qui les concernent.

Comme je l’ai mentionné d’emblée, mon regard sur l’instruction hors école est orienté selon trois axes.

De mon point de vue individuel, en tant que parent et membre d’une association, je constate les points suivants :

  • une augmentation significative et continue du nombre de familles optant pour ce choix pédagogique. C’est d’ailleurs le seul point sur lequel les familles et les pouvoirs publics sont d’accord, sans pour autant disposer de chiffres fiables, d’un côté comme de l’autre, et ceci pour des raisons qui ne font pas l’objet de cet article ;
  • une augmentation spectaculaire du nombre de familles unschoolers. Comment cette appréciation de «spectaculaire» peut-elle s’intégrer à une estimation non fiable ? Par le fait qu’au début des années 2000, dans le même réseau non sco, les familles qui affichaient une démarche de unschooling se comptaient sur les doigts d’une main face à ce qui pouvait sembler de la «sur stimulation» basée sur le matériel Montessori, Steiner.. et les cours par correspondance des autres familles. Avec le recul, il me semble que les familles tentaient majoritairement de faire «mieux que l’école». Aujourd’hui, le nombre des familles qui affichent ouvertement leur démarche unschooling est majoritaire selon les milieux associatifs.

Si le unschooling permet d’accéder, comme l’apprentissage scolaire, à la maîtrise des connaissances et des compétences du socle commun, en quoi sa démarche est-elle particulière ?

Par de multiples aspects. Si bien que l’établissement d’une nomenclature des connaissances et des compétences acquises par les enfants unschoolers modifierait singulièrement le socle commun en l’enrichissant d’apports acquis :

  • de manière informelle ;
  • de manière plaisante, sans contrainte arbitraire, ce qui ne signifie pas sans contrainte de travail, comme l’illustre le niveau musical atteint par des unschoolers ;
  • sans notation ni esprit de compétition ;
  • par observation, transmission horizontale, de pair à pair, quelque soit l’âge des individus en contact ;
  • à toute heure du jour et de la nuit, et non selon un calendrier scolaire allant du lundi au vendredi sauf vacances scolaires ;
  • en situation réelle, et non dans une salle de classe ;
  • en intérieur et en extérieur ;
  • liés par du sens entre les différents éléments acquis et ayant du sens pour l’enfant, car en relation avec sa curiosité personnelle, ses préoccupations et son stade de développement.

En tant qu’enseignante et formatrice, je constate – et heureusement – que des élèves sont épanouis à l’école, mais que d’autres y font l’apprentissage de l’ennui, du dégoût d’eux-mêmes, de la dévalorisation personnelle et de la perte de stimulation intellectuelle. Les rapports PISA commentent les résultats de l’institution scolaire, en France et dans d’autres pays, de façon suffisamment détaillée pour que la nécessité de modifier l’organisation de cette institution apparaisse clairement. Cette convergence similaire vers «autre chose» est perceptible dans des films documentaires, dont Alphabet, d’Erwin Wagenhofer, 2013 et Etre & Devenir, de Clara Bellar, 2014. Leur succès et les débat qu’ils suscitent témoignent de cette demande.

En tant que chercheuse, je constate que l’absence de la France dans cette thématique de recherche commence tout juste à se résorber. La création, en septembre 2015, du premier séminaire universitaire consacré à l’instruction hors école, PROSCIEF[7] – Le processus de scolarisation à l’épreuve de l’instruction en famille »- est un début. Un début néanmoins difficile car l’équipe de huit chercheurs est majoritairement composée de personnes n’ayant aucune expérience de la non sco, des difficultés à en comprendre les enjeux humains et à la considérer autrement qu’à travers le prisme scolaire.

Toutefois, pour que la recherche française sur l’instruction hors école soit digne de ce nom, il faut, à mon avis, qu’elle puisse s’exprimer dans la confiance. Aussi bien entre le ministère de l’Education nationale et les chercheurs qu’entre chercheurs. C’est-à-dire par une libre circulation des données, leur mise à disposition au public, la prise en compte de la réflexion universitaire par le législateur, l’implication citoyenne des chercheurs qui, particulièrement sur un tel sujet, ne peuvent rester murés dans leur tour d’ivoire, et puisque la démocratie est souvent citée par tout un chacun, la prise en compte de la parole publique.

L’incidence des préjugés

Les préjugés qui entourent l’instruction hors école découlent généralement d’une totale méconnaissance du terrain. Selon les acteurs concernés et leur degré de pouvoir, ils peuvent avoir une incidence importante sur la vie des familles.

Le gouvernement et les élus : parlementaires et sénateurs. Ils affichent une volonté d’impressionner l’opinion publique par du buzz médiatique en ajoutant, entre autre, une législation à celle qui existe déjà, en dramatisant une situation, ce qui est clairement perceptible à l’audition des discussions à l’Assemblée nationale et au Sénat, en légiférant sur des chiffres non rendus publics, donc forcément suspects.

Les personnels de l’Education nationale : inspecteurs et conseillers pédagogiques chargés du contrôle de l’instruction. Non formés au unschooling, voire aux pédagogies dites alternatives, déroutés par le discours des familles pour certains, ou au contraire, ouverts, intéressés et porteurs de conseils judicieux pour d’autres, leur pratique a été analysée dans une enquête interne aux trois associations nationales : LED’A – Les Enfants D’Abord – CISE – Choisir d’Instruire Son Enfant – LAIA – Libre d’Apprendre et d’Instruire Autrement – en 2010 auprès de 320 familles, «Les contrôles pédagogiques. Etat des lieux.».Les résultats montrent un triste climat. 90 % des familles se disaient insatisfaites de la façon dont ces contrôles se déroulent et 75 % réclamaient des améliorations.

A cela s’ajoutent les personnels municipaux, chargés de l’enquête de la mairie, souvent confondue avec une enquête à caractère social. Cette confusion pouvant mener à des signalements qui mettent les familles en contact avec des travailleurs sociaux et des juges qui ne connaissent pas non plus ce mode d’instruction.

La difficulté des relations entre les familles et l’Education nationale se traduit par une judiciarisation accrue et le départ à l’étranger d’un nombre croissant de familles. Il semblerait que le contenu du décret du 30 octobre 2016[8] manifesterait l’espoir du gouvernement de limiter cette judiciarisation, favorable aux familles. Au Québec où une démarche étatique similaire a été observée, le Protecteur du Citoyen[9] a tiré la sonnette d’alarme face aux résultats obtenus, à l’inverse de ce qui était espéré. Désormais, le gouvernement s’appuie sur les travaux de chercheurs[10] avant de légiférer arbitrairement. Car une loi peut aussi être basée sur la connaissance du terrain et la confiance réciproque entre les acteurs concernés.

La France n’en est pas là, n’ayant pas encore pris la pleine mesure des dégâts causés par la suspicion à l’encontre de la différence pédagogique, qu’elle émane des familles non sco ou des établissements hors contrat, qui accueillent nombre d’enfants qui ne trouvent pas leur place à l’école publique et dont les parents n’envisagent pas l’instruction hors école. L’Education nationale oppose une obligation de résultats aux autres acteurs éducatifs, obligation dont elle s’exonère étonnement.

Alors, utopie ou dystopie ? Le unschooling est-il le remède à tous les maux et la voie royale vers un monde idéal car ne formant que des individus parfaits ? Loin s’en faut, d’autant que trouver une formulation idéale de la perfection est une gageure.

Force est de constater néanmoins que les principes mis en œuvre dans le unschooling diffèrent fortement des rapports de force et de domination – notamment de l’adulte à l’enfant – exprimés dans notre société.

Les publications universitaires, dignes de ce nom, sur l’instruction hors école en France sont très peu nombreuses. Celles sur le unschooling sont encore plus rares. Une seule chercheuse maîtrise ce sujet, Mélissa Plavis[11], dont les travaux s’orientent maintenant sur le lien entre douance et unschooling. Il ne s’agit pas pour elle d’affirmer que tous les enfants non sco, et spécifiquement les unschoolers, sont des enfants à haut potentiel. Elle s’interroge sur leur fréquence élevée. Elle a en effet remarqué que nombre de familles, dont les enfants scolarisés étaient en souffrance, les ont fait tester et n’ont eu d’autres alternatives que la déscolarisation. Certaines sans y être préparés, ni psychologiquement, ni pédagogiquement. Selon ses mots, les enfants sont passés «de la survie, à la vie». Interpellées, les familles tentent de réaménager leur vie, professionnellement, financièrement, affectivement. Pour les familles qui d’emblée ont choisi de ne pas scolariser leurs enfants, qu’ils soient à haut potentiel ou non, le parcours est différent, mais, d’après mes observations, mène au même point.

Témoignage anonyme recueilli auprès d’une famille non sco unschooler) :

« Pourquoi ne pas scolariser juste parce que on a envie :

  • de prendre son temps, de prendre du temps, de découvrir, de voyager, d’apprendre ce qui nous intéresse, de jouer, de rire, de discuter, de rencontrer, de collaborer, de penser par soi-même, de rêver, d’imaginer, de créer, de bouger ou de ne rien faire.
  • de pouvoir choisir, apprendre à se connaître, garder sa confiance en soi et son désir d’apprendre et de découvrir.
  • bref, de vivre pleinement.»

C’est peut-être alors en cela que la non sco, et tout particulièrement le unschooling, sont porteurs d’une autre vision du monde. Un monde dans lequel l’instruction peut avoir lieu de pair à pair, en tout lieu, à toute heure, individualisée selon les besoins de chacun. Ce qui ressemble à s’y méprendre aux descriptions des prospectivistes Jeremy Rifkin, Heidi & Alvin Toffler entre autre.

Un monde dans lequel les valeurs humaines sont à l’origine d’un modèle social basé sur la collaboration plutôt que sur la compétition, incluant d’autres notions que le déclassement et la course au profit monétaire comme le remarque avec émotion, la chercheuse britannique Helen E.Lees, Newman University, Birmingham dans le film documentaire Etre & Devenir, déjà cité.

«People are talking about how, once they’ve entered the world of Home Education their idea of success changes drastically and it takes the idea of success away from qualifications and the gaining of them the making of money and the accumulation of it to ideas and questions that are much more centered on the balance and the well being of the self. Yes, a completely different concept of success operates, it seems, in Home Education.»[12]

De même, un jeune adulte, qui en famille à travers le monde durant toutes des années, et a commencé l’école au niveau du lycée, confie se sentir «extrêmement chanceux d’avoir eu cette vie-là».

Puisque l’école forme les citoyens de demain et que les citoyens forment la société, changer l’école signifie changer les individus et donc la société. Le développement des TICE, du télétravail, de la robotisation – qui entraîne la disparition d’emplois peu tout autant que très qualifiés – sont quelques-uns des paramètres qui modifient profondément le monde du travail et la société dans son ensemble. Comment l’école pourrait-elle rester à l’écart d’une telle métamorphose ?

Bibliographie

Bellar, C. (2014). Etre & Devenir, film documentaire     http://www.etreetdevenir.com/EED.fr.html

Brabant, C. (2013). L’école à la maison au Québec. Québec: Presses de l’Université du Québec.

Dia, A-D, (dir.) 2015, L’école du futur C’est déjà aujourd’hui. Paris. Editions L’Harmattan

Guegen, C. (2014). Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau. Paris : Editons Robert Laffont.

Koscinski, D. & De Oliver A. (2015). L’enquête de la mairie. Lorsque les enfants s’instruisent hors école. Petit guide de survie à l’usage des familles et des professionnels. Dourdan, Editons L’instant présent.

Nozarian, B. (2016). Acquisition et évaluation des compétences des enfants instruits hors institution scolaire. Education et socialisation, 41 – 2016 https://edso.revues.org/1745

Thomas, A. & Pattison, H. (2013). A l’école de la vie. Dourdan: L’Instant present.
Wagenhofer, E. (2013). Alphabet. Film documentaire http://www.alphabet-film.be/fr/

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Pour citer cet article :
Référence électronique: Bernadette Nozarian, « Sortir des cadres… », Educatio [En ligne], 6 | 2017. URL : https://revue-educatio.eu

Droits d’auteurs
Tous droits réservés

[1] Professeur Alan Thomas, in Etre & Devenir, version anglaise.
Version française : « Je suis fasciné par l’apprentissage informel, naturel, autonome – quel que soit le terme que l’on veuille utiliser. En fait, cela a vraiment été l’expérience intellectuelle la plus stimulante de ma vie. Et cela défie toute la sagesse conventionnelle. (…) En effet. J’en discute sans cesse avec ma collègue Harriett Pattison – chaque fois que nous revenons à parler de l’apprentissage informel, on le voit avec une autre perspective. C’est tellement difficile de mettre le doigt dessus et pourtant, ça marche ».

[2]https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=9DFDBC0A5757F7BE2826203D278A04C3.tpdila21v_1?idSectionTA=LEGISCTA000006166564&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20161120

[3] Giolitto. P. (2003), Histoire de l’école : Maîtres et écoliers de Charlemagne à Jules Ferry Broché – 12 septembre 2003 Paris, Imago

[4] « Une instruction dans les familles encadrée par la République : 1882 -1910 », André D. Robert et Jean-Yves Seguy (ECP, Lyon 2, St-Etienne)
https://www.u-cergy.fr/fr/laboratoires/ema/actualites/seminaires/homeschooling-2016-2017.html

[5] MIVILUDES Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (rapport annuel 2006, p 257)          http://www.derives-sectes.gouv.fr/sites/default/files/publications/francais/rapport_miviludes_2006.pdf

[6] http: //www.education.gouv.fr/cid103081/garantir-le-droit-a-l-education-pour-tous-les-enfants.html

[7] https://www.u-cergy.fr/fr/laboratoires/ema/actualites/seminaires/homeschooling.html

[8] https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/10/28/MENE1624093D/jo

[9] https://protecteurducitoyen.qc.ca/fr/enquetes-et-recommandations/rapports-annuels

[10] Communication personnelle de Christine Brabant

[11] Après plusieurs mémoires en philosophie et anthropologie, elle prépare un livre «Apprendre par soi-même avec les autres et dans le monde : L’expérience du unschooling » à paraître aux Editons Myriadis en mars 2017

[12] Version française : « Les gens disent qu’une fois qu’ils sont entrés dans le monde de l’instruction en famille leur idée du succès change radicalement et l’idée du succès s’éloigne des qualifications du fait de les obtenir du fait de gagner de l’argent et de l’accumuler pour aller vers des idées et questions qui ont beaucoup plus à voir avec l’équilibre et le bien-être de la personne. Oui, un concept complètement différent du succès semble être en vigueur dans l’instruction en famille ».