Paris – Ed. Lethielleux – 2015 – 386 p.
Le « Chef » d’un établissement catholique d’enseignement est un personnage complexe : au regard du droit civil et en tant que directeur d’une instance privée, il est celui par qui celle-ci peut exister ; face au droit canonique, et en tant que chargé d’une école catholique, il tient sa fonction de l’autorité de l’Évêque, par qui ou avec l’accord de qui, il y a été nommé ; aux yeux de l’État et en tant que responsable d’un établissement éventuellement sous contrat, il est astreint aux stipulations de la loi de 1959, tout en devant satisfaire simultanément aux exigences d’un « caractère propre » défini par sa référence à l’Evangile. Tout cela ne va pas de soi et justifie d’éclairer les modalités d’articulation de ces diverses données. Tel est précisément l’objet de cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat en sciences de l’éducation, qui cherche « en quoi consiste la mission du chef d’Etablissement Catholique d’enseignement en France » (p. 26).
A cette fin, M. de Bannes expose les modalités d’élaboration et les principales dispositions du Statut de l’Enseignement Catholique, promulgué en juin 1973. Il rappelle opportunément que, tout en constituant une exigence légale, l’accueil d’élèves de toutes origines, dans l’entier respect de la liberté des consciences, est d’abord et surtout une volonté pastorale délibérée de l’Église, qui veut offrir à tous la possibilité de vivre dans un climat chrétien et de connaître Jésus-Christ (pp. 81-82-83). Et ce n’est point là une offense à la liberté, car un choix éclairé des valeurs est subordonné à une information minimale, de sorte que celle-ci, loin de menacer la liberté, en est au contraire la condition.
Sur de nombreux points, l’ouvrage apporte des données importantes et ouvre des voies pertinentes de réflexion. En particulier, il met bien en relief le renouveau de l’intérêt pour l’Ecole, notamment de la part de l’Episcopat, après l’éclipse due aux événements de 1968 : elle est en effet redécouverte en tant que lieu de l’action pastorale. M. de Bannes souligne ici l’exigence d’un référentiel chrétien explicite, que d’aucun auraient tendance à négliger, voire à scotomiser, au bénéfice d’un alignement sur la pédagogie officielle. Il note aussi l’évolution de l’attente familiale, plus sensible à la qualité relationnelle qu’à la donnée proprement religieuse, et les ajustements que cela requiert.
La 4ème partie est centrée sur la finalité de l’Ecole Catholique, qui est nécessairement la promotion de la personne humaine et son « éducation intégrale » qui -faut-il le rappeler ?- comporte d’honorer sa dimension spirituelle. Ces pages sont bienvenues, car il est devenu opportun de localiser avec précision le -ou les- sens de ces formules, que l’on mobilise volontiers mais en négligeant de s’interroger sur leur signification précise comme sur les modalités de leur mise en œuvre. On regrettera seulement que ces chapitres soient trop longs et débordent leur objet par des développements qui s’en écartent abusivement ; ainsi en va-t-il du passage sur St Ignace de Loyola, si intéressant soit-il intrinsèquement.
Aussi bien cette remarque porte sur tout l’ouvrage. L’auteur semble redouter tellement d’être mal compris qu’il multiplie les explications, les précautions de forme, les justifications et les redites, et cela dans un style pesant, qui perturbe la lecture et adoptant un ton trop « scolaire ». Cela est dommage car cette publication s’inscrit dans une démarche d’appropriation du nouveau Statut, auquel il apporte néanmoins une contribution qu’une écriture plus dynamique aurait accrue. Il reste que, dans une société dont, après tant d’autres, il dit le déclin et la tendance proprement dépressive, M. de Bannes rappelle avec clarté quelles finalités donnent sens à l’Ecole Catholique et, plus largement, à l’éducation.
Guy Avanzini