Joël Molinario
Joseph Colomb et l’affaire du Catéchisme progressif : un tournant pour la catéchèse

Paris – Desclée de Brouwer – 2010 – 496 p.

En cette année 2017, qui marque le 60ème anniversaire de « l’affaire du catéchisme » en 1958, sans doute est-il opportun de présenter, bien qu’elle ait été soutenue en 2008 et publiée en 2010, la thèse de doctorat en théologie que lui a consacrée Joël Molinario, directeur de l’ISPC à l’Institut Catholique de Paris. L’auteur s’est en effet attaché à explorer une problématique épineuse, spécialement pour le Père Joseph Colomb, que l’évolution socioreligieuse d’alors avait convaincu de proposer un renouveau de la catéchèse des enfants, donc de la pratique du catéchisme classique.

La première partie du livre reconstitue minutieusement la genèse de « l’affaire », c’est-à-dire des désaccords entre le prêtre lyonnais et ses adversaires : certains français d’inspiration intégriste et, surtout, le Saint-Office, en la personne du Cardinal Ottaviani son pro-secrétaire. Il apparut vite, en effet, que « les oppositions sur la méthode du catéchisme correspondent en réalité à des divergences profondes, d’ordre anthropologique et théologique » (p. 15), faussées par l’inégalité statutaire et canonique des intéressés ; leur élucidation s’accompagna de malentendus, d’incompréhensions et d’équivoques, comme si la gravité des enjeux amenait les uns à la redouter au mépris de la clarté, et les autres à la dramatiser au détriment de la justice. S’y ajoutèrent des confusions d’ordre terminologique, par exemple entre catéchèse « progressive » et « progressiste ». De même, en quelle acception faut-il entendre la notion « d’expérience religieuse ? » Aussi bien, l’introduction des « méthodes actives », n’alla pas non plus sans dévaluer mémorisation et récitation, ni accroître la perplexité dues à des notions plus ou moins polysémiques, spécialement celle d’action ? En définitive, comment assumer la différence entre un « catéchisme » inventé pour et enseigné à des enfants qui vivent dans un environnement globalement chrétien, et celui qui l’est dans un milieu pluri-culturel et déchristianisé ? Quel est, au total, l’idéal du chrétien, le chrétien type : un sujet instruit des vérités de la religion, ou celui qu’anime une foi vive et vivante en dépit d’un contexte inégalement favorable ? Et, dans le second cas, que devient le rôle de la doctrine et de son enseignement ? Le défaut d’explicitation des griefs respectifs ne manqua pas d’induire un climat de malaise et, comme le dit l’auteur, de donner le sentiment « d’un procès qui n’a pas eu lieu » (p.223).

Débordant le registre historique, la seconde partie, quant à elle, porte sur le fond, en comparant la théologie du Saint-Office avec celle de l’Abbé Colomb. Selon le Cardinal Ottaviani, l’Église, de droit porteuse de vérité, exerce légitimement sa magistrature d’enseignement, notamment pour déceler et prévenir les erreurs dues au pêché ; Elle énonce aussi la pensée de l’Église. Certes le Concile allait contester et combattre cette interprétation exclusiviste et la situer comme « celle d’une école particulière mais non pas la Tradition authentique de l’Eglise » (p.330). Cependant, en 1957, Joseph Colomb était-il en mesure de soutenir sa propre théorisation, celle dont traitent les chapitres suivants, qui l’exposent minutieusement, ainsi que ses conséquences sur la formation du clergé et des catéchistes ?

Au terme de cette confrontation, J. Molinario n’entend nullement attribuer ou refuser à qui que ce soit un prix d’orthodoxie, susceptible de ranimer les rancœurs et l’amertume de 1957. Plus profondément, il montre en réalité que l’intensité de la mutation culturelle de la fin du XXème siècle a déstabilisé tant les finalités d’une formation chrétienne que l’anthropologie de ses destinataires, de sorte que l’invention propre à les prendre en compte demeure prématurée et se dérobe encore à une maîtrise satisfaisante, si bienvenu que soit l’effort de ceux qui ont eu la lucidité de l’apercevoir et le courage de risquer des innovations appropriées.

Sans doute regrettera-t-on un plan peu touffu et redondant, comme une référence un peu rapide aux travaux et à l’influence de Maria Montessori et d’Hélène Lubienska de Lenval. Mais il faut surtout féliciter l’auteur de ce travail qui, en étudiant un épisode douloureux de l’histoire de la catéchèse propose une belle recherche sur les problématiques de la transmission de la foi.

Guy Avanzini