Philippe Maxence
Baden-Powell

Paris – Ed. Perrin – 2016 – 500 p.

L’essor rapidement mondial du scoutisme, sa compatibilité avec les contextes socioculturels et socio-éducatifs les plus variés et sa vitalité qui demeure depuis plus d’un siècle justifient de se demander à quoi cela est dû. C’est la question que l’on se pose à nouveau à l’occasion de la parution de ce volumineux ouvrage. Comment expliquer le paradoxe d’un mouvement de jeunesse qui résiste au bouleversement de nos sociétés ?

Si ce n’est pas explicitement à cette question qu’il répond, du moins M. Maxence ne manque-t-il pas de l’éclairer par cette approche biographique très informée, approfondie et minutieuse, qui reconstitue dans le détail la vie de Baden-Powell, tout en signalant au fil des pages les traits et les valeurs qui préfigurent ceux que devait bientôt promouvoir le scoutisme. « Sa scolarité est médiocre » (p.581),et déjà émergeait un certain anti-intellectualisme, que la suite confirmera. A défaut, « il progresse au football » (p.57)… et se découvre de plus en plus homme d’action, voire hyperactif. Cela autorise à dire que, « avant d’être une pédagogie écrite et formalisée, le scoutisme a été vécu par son fondateur » (p. 64). Adulte, il entre dans l’armée et devient officier, ce qui l’amène à de nombreux séjours outre-mer, spécialement, en Inde et en Afrique du Sud, et à alterner les périodes monotones de la vie de garnison -dont il se distrait par la chasse au sanglier- et les épisodes de combat, vu les guerres coloniales que menait alors la Grande-Bretagne. Du moins critique-t-il la discipline imposée et « l’encadrement militaire » (p.122) ;Mais, fort de batailles qui lui assurent du prestige ; Il est promu général à 43 ans et, en 1903, est nommé Inspecteur Général de la Cavalerie.

A la page 289 de l’ouvrage, on arrive à la seconde  période de sa vie , celle qui est marquée par la fondation et le développement du scoutisme ; en 1906, il entreprend la rédaction d’un ouvrage, vite devenu célèbre, sur l’éducation des garçons par le scoutisme, et, en mai 1907, il se risque à abandonner ses fonctions dans l’armée pour se consacrer exclusivement à la direction et à l’animation du mouvement, dont le fameux camp inaugural allant vérifier et valider la formule. Il s’agit alors désormais, pour lui, de veiller à une unité d’inspiration et de pensée que pouvaient néanmoins compromettre dissidences, jalousies, rivalités et contre-sens. Il s’agit notamment de réagir aux tentations -ou aux accusations- de militarisme et aux « exercices abêtissants »(p. 320)que préconisent, notamment, les régimes totalitaires. Ce sont sa résolution, sa fermeté, son autorité propre qui permettent de sauver l’idéal d’une « virilité chrétienne » (p.284)vécue au quotidien, et pas seulement « professée le dimanche » (p.360).

Au terme de la lecture, on ne peut qu’admirer l’érudition de M. Maxence et sa méticuleuse restitution d’une histoire dense et complexe. Les annexes, le glossaire et la bibliographique de et sur Baden-Powell seront aussi justement appréciés : l’information ainsi réunie favorisera la compréhension de ce phénomène social que constitue le scoutisme. Force est cependant de regretter  l’absence d’une reconstitution de sa pédagogie. Si ses traits majeurs ont été identifiés et signalés, aucune synthèse n’en est esquissée. Et pourtant, toutes les données requises sont présentes : ce mouvement procède d’une axiologie originale, d’une anthropologie qui ne l’est pas moins et d’une inventivité spectaculaire. On aimerait aussi voir étudier ses liens avec les théoriciens de l’Education Nouvelle, comme avec les Eglises. Et il serait souhaitable de préciser également dans quelle mesure et en quel sens il s’agit d’une pédagogie chrétienne.

Guy Avanzini