Sr Marie-France Carreel, r.s.c.j.,
Sainte Philippine Duchesne : aller semer l’Evangile par de-là les frontières

Editions jésuites – Paris – 2017 – 78 p.

C’est l’intrépidité d’une religieuse missionnaire vouée à l’éducation des indigènes que, dans l’attachante collection Fidélité, expose Sr Marie-France. Elle-même docteur en sciences de l’éducation avec une thèse sur Sophie Barat, elle restitue ici, avec maîtrise, l’aventure de SaintePhilippine Duchesne qui, voilà exactement 200 ans, embarqua pour l’Amérique avec quatre autres religieuses, afin de christianiser les filles indiennes.

Issue de la meilleure bourgeoisie dauphinoise, cette jeune grenobloise, née en 1769, commence ses études chez les Visitandines du célèbre monastère de Sainte Marie d’en Haut, qui domine l’Isère. Et là, toute jeune, elle rêve déjà d’aller catéchiser les indigènes, voire de subir le martyr. A 18 ans, elle entre au noviciat, mais bientôt, en 1793, la communauté est dispersée. Ne pouvant faire profession, elle s’emploie à aider les détenus de la Terreur puis s’adonne à l’éducation de quelques « enfants des rues », dont la rusticité ne manque pas de lui être pénible… Elle peut enfin, en 1801, retourner au couvent et y installer un petit pensionnat de filles ; mais son statut demeure précaire et indécis. Néanmoins, elle apprend providentiellement que Sophie Barat prenait à Amiens l’initiative d’une Congrégation, dans laquelle elle entre en 1804 et au sein de laquelle elle fait profession perpétuelle dès 1805.  Son désir demeurait cependant d’aller parmi les « infidèles ». Du fait de divers circonstances, ce n’est qu’en 1818, âgée déjà de 49 ans, qu’elle peut enfin partir pour l’Amérique, où l’Evêque de la Louisiane, Mgr Dubourg, souhaitait ouvrir une école. Toutefois, après plusieurs mois de voyages éprouvants, les déconvenues se multiplièrent : difficultés d’ordre pratique, imprévisibilité de certaines décisions épiscopales, oppositions d’origines inégalement chrétiennes, immensité du pays, lenteur des communications avec la Maison-Mère ; souvent, un an s’écoule entre l’envoi d’une demande et la réception d’une réponse. Mais la pire déception tient à ce que les écoles qu’elle ouvre ne peuvent d’abord scolariser que des américaines, cela la démoralise, même si elle trouve du réconfort dans la prière.  Et de fait, les 6 établissements qu’elle parvient à créer entre 1819 et 1826, voient arriver quelques païennes, à qui elle peut annoncer Jésus Christ. Et leur proportion ne va cesser de croître.

On lit avec intérêt et émotion ces pages qui restituent de manière dense et précise l’effort incessant d’une missionnaire que le zèle des âmes ne cesse de motiver. En particulier, le 5ème chapitre présente la spiritualité adoratrice d’une religieuse qui voulait faire partout connaître l’amour du cœur de Jésus, qui l’a elle-même saisie. Certes, au premier regard, « il semble que Philippine Duchesne se soit livrée à un vrai parcours d’obstacles » (p. 57). Mais l’on admire la fécondité et la courageuse ténacité d’une démarche, qui prolonge à sa manière celle de Marie de l’Incarnation. Aussi doit-on être reconnaissant à Sœur Marie-France de ce beau petit livre, solidement référencé et documenté.

Ajoutons que l’auteur et Sœur Carolyne Osiek, également r.sc.j., viennent de publier – Philippine Duchesne, pionnière de la frontière américaine 1769-1852 – Œuvres complètes. Ed. Brepols – Turnhout (Belgique) – 2 vol. – 1750 p.  – Ces volumes, qui rassemblent 656 lettres et divers textes de Ste Philippine, apportent de nombreuses informations sur sa vie et son action.

Guy Avanzini