Paris – Larousse – 2012 – 224 p.
Cet excellent ouvrage d’un pédopsychiatre parisien mérite d’être lu, connu et intériorisé, car il présente une vision assainie de l’éducation. Ecrit avec une grande simplicité, il montre finement, par des exemples bien choisis, que, malgré une représentation simpliste mais persistante, « la réussite scolaire n’est pas une question d’intelligence » (p. 1)mais bien et d’abord, une « question d’amour » (id.). L’originalité et la pertinence de son approche tiennent à la précision avec laquelle il argumente, sans crainte de s’opposer ainsi au climat pseudo-rationaliste et néo-scientiste de certains courants didactiques. D’inspiration psychanalytique, prenant largement appui sur son expérience de clinicien, il oppose aux éducateurs et enseignants, asservis à une anthropologie fixiste du niveau intellectuel, que le facteur décisif de l’éducation scolaire tient aux conjonctures relationnelles que vit l’élève.
On appréciera particulièrement, dès le début, les pages qui explorent et commentent le sens du prénom que l’enfant a reçu, « pointe émergée de l’immensité des désirs projetés par les parents, consciemment ou non, sur leur enfant » (p.29). L’auteur expose ensuite les dommages qu’entraîne la pauvreté affective d’un climat familial, perturbé par l’attitude indifférente d’une mère incapable de manifester une émotion ou d’instaurer un attachement sécurisant, ou par l’obsession de parents anxieux, qui ne savent parler que de la scolarité et induisent les mauvais résultats que précisément ils redoutent. Si des règles et des limites s’imposent, encore faut-il qu’elles émanent du bon sens. En tout cela, c’est l’affectivité qui est prioritaire et alimente le vouloir-vivre et le vouloir-grandir de l’enfant. Décisive est aussi la confiance qu’on lui accorde et qui induit la sienne sur lui et l’estime de soi. Ainsi, « pour une large part, l’apprentissage scolaire est une question d’émotions et de mécanismes affectifs conscients ou inconscients » (p. 105). C’est ce que confirment les travaux classiques de Spitz sur l’hospitalisme et sur les pseudo-débilités d’origine affective. Enfin, chaque chapitre s’achève par une série de conseils concrets, susceptibles d’aider parents et éducateurs à adopter les attitudes souhaitables.
Le seul regret, c’est que S. Clerget ne développe pas sa pensée sur « les méthodes pédagogiques qui font de l’amour le facteur principal de la réussite scolaire » (p.212).L’on aurait aimé savoir à qui et auxquelles il pense, non sans se demander notamment si Don Bosco est parmi eux… Ce livre ne se réfère en rien à la pédagogie chrétienne ; on n’y trouve aucune allusion à elle. Néanmoins, vu la thèse qu’il adopte et développe, et sans céder à aucune tentative d’annexionnisme ni de récupération, force est de constater une convergence ou une rencontre.
Guy Avanzini