Réflexion sur la vocation avant de devenir cadre intermédiaire de l’action sociale et médico-sociale

Présentation d’une action de sensibilisation aux notions de « vocation » et de « mission de vie » à l’intention de professionnels de l’action sociale pressentis pour devenir cadres intermédiaires

Alexis Poujade

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Résumé : L’action relatée a été réalisée au sein d’une grande association d’action sociale d’inspiration chrétienne de France, et plus particulièrement au sein d’une des régions regroupant plusieurs dizaines d’établissements et services. Depuis plusieurs années, cette région organise un parcours d’aide au discernement pour des professionnels en poste, identifiés comme de potentiels cadres intermédiaires (chefs de service…). Au sein de ce parcours, une journée a été proposée cette année autour des notions de « vocation » et de « mission de vie ». Le présent texte se propose de présenter cette initiative en exposant dans ses grandes lignes, ses finalités, son déroulement, son contenu, et de premiers constats sur sa réalisation. Quelques perspectives d’améliorations concluront cette présentation.

Mots clés : vocation, mission de vie, émergence, personne, action sociale, éducateurs, personnalisme, discernement, cadre intermédiaire, choix

Brève présentation du contexte

L’action relatée a été réalisée au sein d’Apprentis d’Auteuil, fondation catholique reconnue d’utilité publique de France, et plus particulièrement au sein d’une des régions de cette fondation, la région Ile-de-France, regroupant plus de 110 établissements et services dans le champ de la jeunesse et de protection de l’enfance.

Depuis plusieurs années, cette région organise un parcours d’aide au discernement pour des professionnels en poste, identifiés comme de potentiels cadres intermédiaires (chefs de service, responsable de vie scolaire). Ce parcours de 6 jours, intitulé « Parcours Boussole », proposé à une dizaine de professionnels chaque année, s’étale sur 8 à 9 mois. Il contient à la fois des journées d’information et des journées d’immersion en situation, auprès de chefs de service expérimentés.

Au sein de ce parcours, il a été décidé cette année de proposer une journée de sensibilisation sur les notions de « mission de vie » et de « vocation ». Cette journée intitulée « Ma vocation et ma vie professionnelle » a été vécue par 11 professionnels (éducateurs spécialisés, éducateurs scolaires,)

Le présent texte se propose d’exposer succinctement cette initiative en décrivant :

  • les finalités et modalités de déroulement de cette action,
  • le contenu proposé aux participants,
  • une brève évaluation et quelques perspectives que l’institution et l’intervenant envisagent pour les années à venir.

Finalités et modalités de déroulement de l’action

Les finalités de l’action

La responsable de la mise en œuvre de cette formation (du service Ressources Humaines de la région) et l’intervenant ont identifié ensemble quatre finalités à cette journée. Ils les ont formulées de la manière suivante :

1) Permettre aux participants de mieux percevoir ce que sont les notions de projet de vie, de vocation, de discernement, de mission de vie… éventuellement d’engagement ; à la fois pour eux-mêmes et pour leur posture de supérieur hiérarchique potentiel ;

2) Permettre à chaque participant d’inscrire son choix d’évolution professionnelle (devenir chef de service) dans le sens d’un déploiement de soi-même au service d’autrui ;

3) Permettre aux participants d’avancer davantage dans leur réflexion sur leur engagement comme cadre dans le champ de l’action sociale ;

4) Leur permettre de se poser quelques questions concrètes susceptibles de les aider à poursuivre leur réflexion et à affirmer leur choix. Sans prétendre remplacer un accompagnement au discernement personnel, il s’agit plutôt de leur donner quelques éléments sur ce que veut dire faire un choix professionnel pour devenir davantage soi-même, au service des autres.

Les modalités de déroulement de l’action

Plusieurs éléments ont été évoqués dans la construction de cette journée : la place de l’intervenant, le type de contenu, la manière d’approcher les contenus, les méthodes de formation (andragogie) employées.

Tout d’abord, il apparaissait important que cette journée soit assurée par un intervenant extérieur à l’institution. Le parcours est assuré par divers intervenants, internes le plus souvent. La présence de ces intervenants internes permet aux participants de mieux appréhender le projet de l’institution, ses enjeux et la place de chacun des acteurs, et d’abord celle des cadres intermédiaires. Sur cette journée, le choix de faire appel à un intervenant extérieur répondait à une double raison :

  • l’institution est déjà fortement présente à la fois dans le « repérage » de ces potentiels futurs cadres et dans leur mise en réflexion par l’inscription dans ce parcours. Il était important qu’elle ne s’immisce pas davantage dans leur réflexion, leur discernement voire leur choix, surtout dans une dimension si personnelle qui représente la réflexion sur sa vocation propre, sur sa « place » dans le monde, sur sa mission de vie.
  • la compétence se trouvait être en « externe », un intervenant (non salarié de l’institution mais proche d’elle) ayant travaillé cette notion de vocation dans le cadre d’un Master 2 en Sciences de l’éducation.

Ensuite, la journée devait intégrer à la fois des apports de contenu (par l’intervenant lui-même) avec ou sans l’appui de textes, des temps de réflexion sur et pour soi-même, des temps de discussion entre pairs pour favoriser la mutualisation et l’ouverture à d’autres conceptions.

Le déroulement prévisionnel intégrait :

  • Une introduction : présentation des finalités, du déroulement, du cadre de l’intervention
  • La présentation par chaque présentation de l’état de sa réflexion
  • Un travail sur les représentations des participants concernant la notion de vocation
  • L’évocation de la vocation sous l’angle de la philosophie personnaliste
  • L’évocation de la mission de vie sous l’angle de la psychologie humaniste (d’inspiration jungienne)
  • Un travail de réflexion personnelle et collective à partir de textes divers d’auteurs divers.
  • Une présentation de quelques axes de réflexion concernant les étapes ou les outils du discernement
  • Une évaluation de la journée.

La grande diversité des points du vue présentés dans cette journée nous paraissait être un bon moyen de rejoindre les préoccupations diverses des participants, plus ou moins sensibilisés ou habitués à ces différentes approches (philosophie, psychologie).

Par ailleurs, la pluralité des méthodes utilisées (topo par l’intervenant, échanges/débat entre pairs, lecture de texte…) nous paraissait permettre à chacun de s’inscrire, acteur, dans le déroulement de cette journée.

Il nous semble important désormais d’évoquer plus particulièrement le contenu proposé aux participants lors de cette journée.

Quelques éléments du contenu de la journée

La « vocation » selon l’approche personnaliste en philosophie

L’approche philosophique apparaissait importante à être évoquée pour donner une structure générale à la réflexion. Il s’agissait notamment de relier notre réflexion à un regard sur la personne humaine, unique, de pouvoir évoquer sa fin, ses aspirations.

L’approche personnaliste fut proposée à la fois parce qu’elle rejoignait le projet de l’institution, explicitement d’inspiration chrétienne ; à la fois parce que cette philosophie propose un regard très riche sur cette notion.

Pour présenter la notion de vocation selon l’approche personnaliste nous avions prévu de nous appuyer sur deux textes ou extraits que nous présentons ici succinctement :

  • un extrait intitulé « L’émergence de la personne » de Marie-Louise Martinez ;
  • un extrait intitulé « La vocation » d’Emmanuel Mounier.

 

L’émergence de la personne (selon Marie-Louise Martinez)[1]

« L’émergence est bien l’apparition inouïe dans une plus grande plénitude, mais de ce qui était déjà là, dans sa singularité, potentiellement, en germe, et pourtant totalement à advenir dans la surprise. La personne émerge par appel et vocation, elle s’incarne par la rencontre avec l’autre, (l’Autre). La personne est là depuis l’origine jusqu’à la mort, quel que soit son état de conscience ou de santé. Elle émerge dans sa plénitude avec le temps ».

Ce court extrait d’un ouvrage collectif coordonné par Marie-Louise Martinez permettait, en quelques mots, de poser le « processus » par lequel advient une personne humaine, tout en le reliant à la notion de vocation. Des échanges, à partir des réactions des participants, ont permis aisément de revenir, bien que trop brièvement, sur la conception de la personne que cela suppose : « on ne nait pas achevé », « une personne nait individu puis advient peu à peu avec le temps et dans la relation »…

S’ensuit un second temps, articulé au texte de Marie-Louise Martinez, par lequel fut approfondit la notion de vocation, à partir d’un extrait d’Emmanuel Mounier

La vocation (selon Emmanuel Mounier)[2]

« La vocation. – Se ramassant pour se trouver, puis s’étalant pour s’enrichir et se trouver encore, se ramassant à nouveau dans la dépossession, la vie personnelle, systole, diastole, est la recherche jusqu’à la mort d’une unité pressentie, désirée, et jamais réalisée. Je suis un être singulier, j’ai un nom propre. Cette unité n’est pas l’identité morte du rocher qui ne naît, ni ne bouge, ni ne vieillit. Elle n’est pas l’identité d’un tout que l’on embrasse dans une formule : des abîmes de l’inconscient, des abîmes du surconscient, du jaillissement de la liberté, mille surprises la remettent sans cesse en question. Elle ne se présente à moi ni comme un donné, tel que mes hérédités ou mes aptitudes, ni comme pure acquisition. Elle n’est pas évidente : mais n’est pas évidente non plus au premier regard l’unité d’un tableau, d’une symphonie, d’une nation, d’une histoire. Il faut découvrir en soi, sous le fatras des distractions, le désir même de chercher cette unité vivante, écouter longuement les suggestions qu’elle nous chuchote, l’éprouver dans l’effort et l’obscurité, sans jamais être assuré de la tenir. Cela ressemble plus qu’à rien d’autre à un appel silencieux, dans une langue que notre vie se passerait à traduire. C’est pourquoi le mot de vocation lui convient mieux que tout autre. Il a son sens plein pour le chrétien qui croit à l’appel enveloppant d’une Personne. Mais il suffit pour définir une position personnaliste de penser que toute personne a une signification telle qu’elle ne peut être remplacée à la place qu’elle occupe dans l’univers des personnes. Telle est la magistrale grandeur de la personne, qui lui donne la dignité d’un univers ; et cependant son humilité, car toute personne lui est équivalente dans cette dignité, et les personnes sont plus nombreuses que les étoiles. Il est évident qu’elle n’a rien à voir avec les pseudo « vocations » professionnelles, qui suivent trop souvent la pente du tempérament ou du milieu.

L’incessant déchiffrement par une personne de sa vocation brisant incessamment toute visée plus courte : intérêt, adaptation, réussite, on peut dire en ce sens que la personne est la gratuité même, cependant que chacun de ses actes est engagé et voué. Elle est ce qui dans un homme ne peut être utilisé. C’est pourquoi, même dans la vie collective, le personnalisme donnera toujours le primat aux techniques d’éducation et de persuasion sur les techniques de pression, de ruse ou de mensonge : car l’homme ne va bien que là où il va avec tout lui-même. L’unité d’un monde de personnes ne peut s’obtenir que dans la diversité des vocations et l’authenticité des adhésions. C’est une voie plus difficile et plus longue que les brutalités du pouvoir. Il serait utopique de penser qu’elle puisse être toujours gardée. Du moins doit-elle commander les lignes directrices de l’action. Le totalitarisme est l’impatience des puissants »

 

Ce texte est souvent considéré comme ardu par les lecteurs. Sans doute est-ce parce qu’il est à la fois très riche et très imagé. Plusieurs lectures et un long temps d’échange ont été nécessaires pour permettre une appropriation par strate aux participants. Ce texte a permis de revenir sur un certain nombre d’éléments essentiels concernant la notion de vocation : « la vocation ne se réduit pas à l’orientation professionnelle », « la vocation personnelle se découvre lentement, toute une vie durant », « la dignité de chaque personne est intimement en lien avec son unicité et ce qu’elle a à offrir au monde ; donc sa vocation »…

Le but de la vie et la « mission de vie » selon la psychologie humaniste

Un second temps de la journée a permis d’évoquer, avec le soutien de la psychologie, des notions connexes à celle de « vocation » :

  • La question du but de la vie, avec l’apport d’un texte de Carl Rogers intitulé « Être soi-même : les buts personnels vus par un thérapeute »,
  • La notion de « mission de vie » avec une présentation de l’intervenant à partir des apports de Jean Monbourquette, lui-même s’inspirant de Carl G. Jung.

Ces deux apports ne pouvant être développés ici (le texte de Carl Rogers, remis aux participants, est trop long ; le schéma représentant l’apport de Monbourquette et Jung nécessite des commentaires), je me propose de n’en faire qu’une présentation synthétique et d’en mentionner les références.

En 1961, Carl R. Rogers (1902-1987) réunit dans l’ouvrage On Becoming a Person (Le développement de la personne, traduit en 1968 en français), plusieurs articles écrits par lui. L’un de ces articles, intitulé « Être soi-même : les buts personnels vus par un thérapeute » [3], évoque la thématique des finalités de la vie.

Carl Rogers débute son texte, en s’appuyant sur une étude[4], certes un peu ancienne mais relativement ample, qui recense les différents buts que se donnent des personnes à travers le monde. En identifiant les valeurs sous-jacentes à ces buts, l’étude propose cinq tonalités de valeurs : la vie responsable et la transmission de l’héritage de l’humanité, le bonheur par l’action énergique et la résolution de problème, la vie intérieure riche…

En tentant de dépasser ces conceptions, l’essentiel de l’apport de Rogers consiste à préciser que, selon lui et en s’appuyant sur les mots de Soeren Kierkegaard, le but de la vie est : d’« être vraiment soi-même » ; et d’explorer les conséquences de cette affirmation. Plus précisément, Carl Rogers évoque le fait que la personne est invitée à devenir elle-même, « au-delà des façades », « au-delà des ‘je devrais’ », « par-delà ce qu’on attend d’[elle] », « par-delà le devoir de faire plaisir aux autres »… Autrement dit :

« (…) L’individu se dispose à être, en toute connaissance de cause, le processus qu’il est véritablement en profondeur. Il renonce à être ce qu’il n’est pas (…). Il est de plus en plus attentif à ce qui se passe dans les profondeurs de son être physiologique et émotif, et se trouve de plus en plus enclin à être, avec toujours plus de précision et de profondeur, ce qu’il est le plus véritablement. » [5]

L’intérêt de cette approche est d’offrir aux participants un regard global sur les buts de la vie et de leur permettre de se réapproprier, sous l’angle de la psychologie, le propos de Marie-Louise Martinez lorsqu’elle évoque « l’émergence de la personne. »

Dans une approche de la psychologie plus engagée du point de vue de la foi chrétienne et très orientée par la psychanalyse de Carl Jung, Jean Monbourquette (1933-2011) écrit en 1999 un ouvrage intitulé : « A chacun sa mission » [6].

Dans son texte, Jean Monbourquette utilise le terme mission pour désigner « le besoin ressenti de s’épanouir dans un agir correspondant à son identité, au service d’une communauté. » Selon lui :

« La mission personnelle revêt divers déguisements : un idéal à poursuivre, une passion, un but important à atteindre, un désir profond et persistant, une inclination durable de l’âme, un enthousiasme débordant pour un genre d’activité, etc. » [7]

Monbourquette relie cette approche à la proposition que réalise Jung concernant la distinction entre le persona (rôle), l’ego (moi conscient), l’ombre (refoulé dans l’inconscient) et le Soi (principe organisateur, au cœur notre personnalité, reflet de Dieu en nous) [8].

L’apport de Monbourquette est très précis sur la question de la « mission de vie ». Cette notion, en même temps qu’elle marque par la simplicité apparente de sa définition, permet aux participants de se poser la question fondamentale de leur finalité. Et même si c’est l’aboutissement de tout un cheminement que de réussir à l’identifier, une fois découverte, cette mission de vie peut-être un véritable point de référence dans le discernement et les choix personnels.

À partir de chacune de ces deux présentations succinctes, un échange fut proposé aux participants afin d’affiner leur compréhension de ces approches et de tenter de percevoir en quoi ces approches les rejoignaient dans leur propre conception des choix qu’ils avaient à réaliser.

Une réflexion personnelle puis collective sur les notions de vocation et de mission de vie

Un troisième temps de la journée a été consacré à une réflexion personnelle à partir de textes. M’appuyant sur la proposition d’animation évoquée par Laurent Falque dans l’article : « Discernement et pratiques de décision » [9] il a été proposé aux participants de prendre un temps de réflexion et d’échanges en trois séquences consécutives :

1er temps : une réflexion personnelle sur « sa vocation » ou « sa mission de vie » :

Chacun des participants, seul, choisit un texte, le lit, identifie une phrase qui retient son attention et écrit le premier souvenir qui lui vient à l’esprit ou l’expérience personnelle que la phrase lui évoque. Puis, chacun, écrit :

  • l’écart entre ce que lui inspire le morceau choisi et le souvenir de son expérience ;
  • ce qui l’a touché positivement et
  • là où « ça a grincé » en lui/elle.
  • au final, chacun écrit ce à quoi l’invite ce texte.

L’exercice dure 20 minutes.

2ème temps : un échange collectif

Après quoi, les participants se réunissent et l’intervenant organise un tour de table où chacun est tenu de dire au minimum :

  • « J’ai choisi telle phrase dans tel texte…
  • … j’ai réfléchi sur telle expérience…
  • … et je vous donne au moins le dernier point. » (ce à quoi m’invite ce texte)

Le reste relève de l’expérience intime de chacun.

3ème temps : une interpellation mutuelle

Enfin, les participants s’interpellent mutuellement : « Voilà à quelle question ce qui a été dit me renvoie et voilà la question que j’aimerais poser ».

Les textes proposés étaient volontairement très divers, les auteurs évoquant tous cette question du sens du travail, de la vocation ou de la mission de vie. Les trois textes proposés étaient :

  • « Le sens de la vie » selon Viktor Frankl[10]
  • « Les particularités de la mission personnelle » selon Jean Monbourquette[11],
  • « Devenir soi » selon Jacques Attali[12].

L’ambition de ce temps était donc de vivre un échange et un débat de fond, ensemble, sur ces sujets. Ces échanges ont inscrit ainsi les participants dans une dimension collective, où ils n’étaient plus tout à fait seuls dans leur réflexion ; ils ont expérimenté le soutien de pairs susceptibles de les aider à gagner en liberté pour la décision qu’ils étaient invités à prendre et pour des décisions ultérieures.

Quelques pistes pour prolonger la réflexion à l’aide d’outils

Le quatrième temps de la journée a été consacré à l’évocation de réflexions sur les étapes du discernement et du choix ; ainsi qu’à des propositions d’exercice, à réaliser en dehors de cette journée.

À partir d’ouvrages tels que ceux de Christoph Theobald « Vous avez dit vocation », de Jean-Luc Bernaud et Lin Lhotellier « Psychologie de l’accompagnement », de Jean Monbourquette « A chacun sa mission de vie » ou encore d’Etienne Perrot « Le discernement managérial », il a été proposé :

  • Quelques pistes de réflexion regroupées dans un document intitulé : « Quelques éléments clefs du discernement de sa vocation ou de sa mission de vie ». Ce document, remis aux participants a été le support d’un exercice de réflexion personnelle : A quoi dois-je être vigilant dans le discernement que j’ai à mener ? En quoi devrai-je demander conseil ? Comment dégager des alternatives dans mon choix ? Comment être plus au clair sur ma « finalité » ?
  • Quelques « outils » pour permettre aux participants de prolonger leur réflexion à l’issue de leur journée. Voici quelques-uns de ces « outils » :
  • la distinction entre choisir, décider et agir (Perrot, 2012)
  • quelques éléments clefs du discernement (Theobald, 2010)
  • le tableau des valeurs professionnelles les plus importantes pour une personne (Bernaud et Lhottelier,2015)
  • les étapes de la recherche de sa mission de vie (Monbourquette, 2018)
  • l’exercice « les deux parcours », permettant de se projeter dans les deux parcours différents que le choix du participant pourrait provoquer (Bernaud et Lhottelier, 2015)

Conscient que ces quelques apports ne pouvaient se substituer à un accompagnement personnalisé dans le temps, il ne s’agissait pas de prétendre à l’exhaustivité des démarches et des outils pour répondre à la totalité des questions potentielles des participants. Ces quelques propositions participaient, avec d’autres, à éveiller les participants à l’ampleur d’un choix tel que celui qu’ils étaient invités à poser.

Brève évaluation et perspectives

Évaluation de fin de journée

A l’issue de cette journée intitulée « Ma vocation et ma vie professionnelle », proposée pour la première fois dans le cadre de ce parcours, deux temps d’évaluation ont été proposés :

  • une évaluation écrite individuelle à partir d’une fiche d’évaluation synthétique à compléter ;
  • une évaluation orale collective à partir de trois questions : Comment qualifieriez-vous le pas que vous avez fait aujourd’hui ? Comment comptez-vous profiter des quelques mois à venir pour mûrir votre réflexion ? Quel discernement spécifique concernant « l’art de conduire des hommes et des femmes » ?

Les réponses des dix candidats aux évaluations écrites ont permis de confirmer l’intérêt de cette initiative pour les participants : l’« impression générale » déterminée par deux items (« Votre appréciation globale » et « le style d’animation ») a été satisfaisante voire très satisfaisante[13].

Dans ces mêmes évaluations, les mots ou expressions utilisés pour qualifier cette journée, deux registres nettement distincts apparaissaient :

  • celui de la richesse des apports : intéressant, enrichissant, épanouissant, stimulant…
  • celui de la confirmation dans la réflexion : confirmer, affiner, me projeter davantage…

Du point de vue des améliorations, ont été suggérées :

  • par 3 participants : plus de concret, de mise en situation…
  • par 3 participants : plus de temps, collectifs ou individuels sur ce sujet,

Du point de vue de l’intervenant, un point d’amélioration important a été noté : la place des émotions, de la créativité, du corps dans cette journée. En effet, la journée a été très orientée sur la réflexion par le dialogue, le débat, la lecture… sans doute une dimension plus incarnée par d’autres types d’exercices (théâtre forum, séquences mise en scène, mise en situation…) permettrait de vivre davantage dans son corps cette idée de vocation et de mission de vie…

Une évaluation dite « à froid » serait sans doute nécessaire d’être réalisée entre 3 à 6 mois après le déroulement de la journée, pour préciser un certain nombre d’éléments. Cette évaluation pourrait permettre de recenser leurs réponses à des questions du type :

  • en quoi cette journée a-t-elle confirmé ou influencée la vision des participants sur la notion de vocation et sur le discernement concernant leur propre vocation ?
  • en quoi cette journée a-t-elle participée à la réflexion personnelle des participants ?
  • en quoi cette journée peut-elle devenir un appui dans les échanges entre les participants et leur supérieur hiérarchique ou la fonction RH dans la poursuite de leur réflexion ?

D’autres questions mériteraient d’être évoquées pour la suite :

  • À quel type de dispositif d’accompagnement (personnel, collectif…) ce type de sensibilisation peut-il s’adjoindre pour prolonger la réflexion des participants ? et doit-il l’être ? est-ce une responsabilité de l’employeur de le proposer ou doit-il rester une responsabilité du salarié ?
  • N’est-ce pas trop tard d’évoquer ces notions avec des quarantenaires ? Ou du moins, ne serait-il pas nécessaire que ces notions soient évoquées plus tôt dans les parcours scolaires ou de formations antérieures (collège, lycée, études supérieures) ?

 

Enfin, un bilan réalisé avec la responsable de ce « Parcours Boussole » a permis d’identifier deux pistes d’évolution pour l’année suivante :

  • D’une part rapprocher deux journées pour les articuler et les rendre cohérente : cette journée sur la vocation et la journée sur le « management » considérant que la place de l’art de conduite des hommes et des femmes est tout à fait primordiale dans le discernement pour devenir chef de service ;
  • D’autre part, axé l’une ou l’autre de ces journées (ou un temps en dehors de ces journées) sur la connaissance de soi à partir d’approches ou d’outils pertinents.

Bibliographie

ATTALI Jacques, Devenir soi, Éditions Fayard, Paris, 2014.

BERNAUD Jean-Luc et LHOTTELLIER Lin, Psychologie de l’accompagnement : concepts et outils pour développer le sens de la vie et du travail, Dunod, Paris, 2015.

BOUGON Bernard, et FALQUE Laurent. « Discernement et pratiques de décision », Le journal de l’école de Paris du management, vol. 74, no. 6, 2008, pp. 27-35.

FRANKL Viktor E., Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, Edition J’ai Lu, Paris, 2014.

MARTINEZ Marie-Louise, L’émergence de la personne, Edition L’Harmattan, Paris, 2002.

MOUNIER Emmanuel, Le Personnalisme, Edition PUF, Que sais-je, Paris, 1949.

MONBOURQUETTE Jean, A chacun sa mission, Edition Bayard, Montrouge, 2018

MONBOURQUETTE Jean, Apprivoiser son ombre, Éditions Bayard, Paris, 2011.

PERROT Etienne, Le discernement managérial : entre contraintes et conscience, Edition Desclée de Brouwer, Paris, 2012.

ROGERS Carl R., Le développement de la personne, Dunod, Inter-Éditions, Paris, 2005.

THEOBALD Christoph, Vous avez dit vocation ?, Edition Bayard, Paris, 2010.

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Pour citer cet article
Référence électronique : Alexis Poujade, « Réflexion sur la vocation avant de devenir cadre intermédiaire de l’action sociale et médico-sociale : présentation d’une action de sensibilisation aux notions de « vocation » et de « mission de vie » à l’intention de professionnels de l’action sociale pressentis pour devenir cadres intermédiaires », Educatio [En ligne], 9 | 2019. URL : https://revue-educatio.eu

Droits d’auteurs
Tous droits réservés

[1] L’émergence de la personne, MARTINEZ Marie-Louise, Edition L’Harmattan, Paris, 2002, page 9.

[2] Le Personnalisme, MOUNIER Emmanuel, Edition PUF, Que sais-je, Paris, 1949, p 53-54.

[3] Le développement de la personne, ROGERS Carl R., Dunod, Inter-Editions, Paris, 2005, pages 113 à 128.

[4] Étude de Charles Morris datant de 1956 et présentée par Rogers dans le texte précédemment évoqué.

[5] Le développement de la personne, ROGERS Carl R., Dunod, Inter-Editions, Paris, 2005, page 123

[6] A chacun sa mission, MONBOURQUETTE Jean, Edition Bayard, Montrouge, 2018

[7] idem, p 22.

[8] Cf. A chacun sa mission et Apprivoiser son ombre, MONBOURQUETTE Jean, Editions Bayard, Paris, 2011.

[9] « Discernement et pratiques de décision », BOUGON Bernard, et FALQUE Laurent. Le journal de l’école de Paris du management, vol. 74, no. 6, 2008, pp. 27-35.

[10] Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie, FRANKL Viktor E., Edition J’ai Lu, Paris, 2014, pages 131-132.

[11] Idem, 27-30.

[12] Devenir soi, ATTALI Jacques, Éditions Fayard, Paris, 2014, p 151-153.

[13] Sur 10 évaluations, compte tenu des 4 niveaux de satisfaction (++, +, -, –), à propos de leur « appréciation globale », 7 participants ont noté ++ et 3 ont noté +. Pour l’item « le style d’animation », les appréciations sont les mêmes bien qu’elles ne soient pas nécessairement attribuées par les mêmes participants.