Les écoles catholiques dans le monde – deuxième partie

Défis et engagements

Quentin Wodon*

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Résumé : Comme cela a été montré dans la première partie de cet article, les élèves inscrits dans les écoles catholiques vivent de plus en plus en Afrique et en Asie du Sud. Les réalités au jour le jour de ces élèves sont différentes de celles auxquelles les éducateurs catholiques dans les pays à hauts revenus peuvent être habitués. Les défis liés à la non-scolarité et à la faiblesse de l’apprentissage sont majeurs. Ils affectent tant les écoles catholiques que les autres écoles. En Afrique, aujourd’hui, plus de huit enfants sur dix ne savent pas lire un texte simple à l’âge de 10 ans. Pour explorer ces défis et les réponses qui peuvent y être apportées, l’accent est mis dans la seconde partie de cet article sur la crise de l’apprentissage dont de nombreux élèves sont victimes. Cette crise a été encore davantage exacerbée récemment par la fermeture des écoles suite à la pandémie de la COVID. L’article suggère quelques éléments de réponse pour mettre fin à la crise des apprentissages. Enfin, au-delà de ce qui peut être réalisé au sein des écoles, à la suite de l’appel du pape François pour le Pacte mondial sur l’éducation, l’article note l’importance de la mobilisation des communautés dans leur entièreté en faveur de l’éducation, ainsi que les engagements qui furent proposés pour les écoles catholiques lors du dernier Congrès de l’Office International de l’Enseignement Catholique à New York.

Introduction

La première partie de cet article a considéré l’évolution des inscriptions dans les écoles catholiques de la maternelle au secondaire aux niveaux mondial et régional au cours des quatre dernières décennies sur base des données de l’Église (Secretaria Status, 2020). Six principales conclusions émergent de l’analyse (Wodon, 2021 ; vor aussi Wodon, 2018). Premièrement, le nombre d’élèves dans les écoles catholique a plus que doublé. Deuxièmement, les écoles primaires représentent une part moindre du total des inscriptions, mais elles continuent à dominer en Afrique. Troisièmement, l’Afrique est la région avec la plus forte croissance des inscriptions, et il est probable que son rôle va continuer à s’accroitre au vu de la croissance démographique et des gains de scolarisation que la région connait. Quatrièmement, il existe de grandes différences entre pays quant à la taille des réseaux d’écoles catholiques. Cinquièmement, les inscriptions en maternelle sont en forte croissance, ce qui est une bonne nouvelle. Enfin, la « part de marché » des écoles catholiques est assez stable dans le temps.

Dans la seconde partie de cet article, l’objectif est d’explorer certains des défis auxquels les systèmes éducatifs – dont les réseaux catholiques, sont confrontés et les réponses et engagements qui peuvent être considérés pour y répondre. Ceci inclut en particulier les défis de la scolarité et de l’apprentissage. Pour ce qui est de la scolarité, à l’échelle mondiale, selon les données de la Banque mondiale, neuf enfants sur dix achèvent leurs études primaires, tandis que trois sur quatre terminent leurs études secondaires. Dans les pays à faibles revenus, malgré les progrès accomplis au cours des deux dernières décennies, seuls deux tiers des enfants terminent leurs études primaires et à peine un peu plus de 40 pour cent terminent le premier cycle du secondaire. Près de 260 millions d’enfants et de jeunes âgés de 6 à 17 ans ne sont toujours pas scolarisés (UNESCO Institute of Statistics, 2019), en particulier parmi les populations en pauvreté[1].

Pour ce qui est de l’apprentissage, dans les pays à revenus bas ou moyens, plus de la moitié des enfants de 10 ans ne savent pas lire et comprendre un texte simple (World Bank, 2019a ; voir aussi World Bank, 2018) – la majorité de ces enfants sont en fait scolarisés. En Afrique sub-Saharienne, là où la croissance des inscriptions dans les écoles catholiques est la plus forte, la proportion des enfants qui ne savent pas comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans est de plus de huit sur dix. Même si les élèves qui sont scolarisés dans les écoles catholiques ont des résultats (légèrement) meilleurs, nombreux sont ceux qui souffrent de cette crise (sur la crise des apprentissages et de la scolarité en Afrique, voir Bashir et al., 2018 ; sur les écoles catholiques en Afrique, voir Wodon, 2014, 2015, 2019a, 2020a). Il est donc impératif pour les écoles catholiques comme pour les autres écoles d’y faire face, d’autant plus que les analyses suggèrent des difficultés additionnelles suite à la crise de la COVID.

Les changements que l’on anticipe sur les marchés du travail suite aux nouvelles technologies rendent encore plus nécessaire l’amélioration de l’apprentissage à l’échelle mondiale, et en particulier dans les pays à revenus faibles ou moyens. Les travailleurs du futur devront pouvoir s’adapter à des contextes changeants (World Bank, 2019b). Alors que les compétences dites cognitives mettent l’accent sur la maîtrise des connaissances spécifiques à une matière, les compétences dites socio-émotionnelles sont davantage liées à la façon dont nous nous comportons, y compris la façon dont nous nous motivons et comment nous interagissons avec d’autres. Des compétences tant cognitives que socio-comportementales de haut niveau seront de plus en plus nécessaires pour avoir un bon emploi. Permettre aux enfants et aux jeunes d’acquérir ces compétences nécessite des investissements pour renforcer le « capital humain », y compris dès le plus jeune âge (interventions pendant la petite enfance), en particulier pour l’éducation des groupes défavorisés (World Bank, 2020a).

Les défis liés à la scolarité et à l’apprentissage ne sont pas propres aux écoles catholiques, mais les écoles catholiques doivent y répondre comme doivent le faire les autres écoles. En outre, les écoles catholiques ont une mission particulière liée à leur identité (Congregation for Catholic Education, 1977, 2017). Cela amène à des défis additionnels, mais aussi à des opportunités, car la mission et l’identité des écoles catholiques peut les aider à faire face aux différents défis qu’elles rencontrent.

Pour explorer ces questions, l’accent dans la seconde partie de cet article est mis sur la crise de l’apprentissage auxquels les systèmes éducatifs, y compris les écoles catholiques, sont confrontés et le lien avec la non-scolarité. La section suivante considère l’impact potentiel additionnel généré par la crise de la COVID. Ensuite, sur base des leçons tirées de la littérature académique et en particulier des évaluations expérimentales d’impact, des éléments de réponse sont suggérés sur comment améliorer l’apprentissage. La dernière section considère les enjeux liés à l’identité des écoles catholiques et les engagements qu’elles pourraient prendre pour accomplir leur mission.

Crise de l’apprentissage et lien avec la non-scolarité

Lorsque la Convention relative aux droits de l’enfant fut adoptée il y a environ 30 ans, le niveau d’instruction était très bas dans de nombreux pays en développement, en particulier en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. L’article 28 appelait les États parties à «rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous; et encourager le développement de différentes formes d’enseignement secondaire […]. » Au fur et à mesure que des progrès ont été accomplis, en partie grâce à des initiatives telles que celle de l’Éducation pour tous, la barre a été relevée. La première cible pour l’éducation au titre des Objectifs du développement durable adoptés en 2015 se lit comme suit: «Assurer [d’ici à 2030] l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.» Ce changement au sein de la communauté internationale d’un accent principalement sur la scolarisation vers un accent sur l’apprentissage à l’école était nécessaire.

Comme cela a été mentionné dans l’introduction, outre les faibles niveaux d’instruction dans certains pays, les enfants dans la plupart des pays souffrent d’une crise de l’apprentissage : trop d’élèves n’acquièrent pas les compétences fondamentales – dont la capacité de lecture, que les systèmes éducatifs devraient garantir. Pour mesurer l’ampleur de la crise de l’apprentissage, des données provenant d’évaluations internationales telles que PISA (Programme for International Student Assessment), PIRLS (Progress in International Reading Literacy Study) et TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), ainsi que d’évaluations régionales comme PASEC (Programme d’Analyse des Systèmes Éducatifs de la CONFEMEN) et SACMEQ (Southern and Eastern Africa Consortium for Monitoring Educational Quality) sont utiles. Par exemple, en Afrique de l’Est, trois élèves sur quatre en 3ème année du primaire ne comprennent pas une phrase simple. Dans les zones rurales de l’Inde, trois élèves sur quatre ne peuvent pas résoudre une soustraction à deux chiffres. En moyenne, un élève d’un pays à faibles revenus a de moins bons résultats en lecture et en calcul que neuf élèves sur dix dans les pays à revenus élevés. La situation n’est que partiellement meilleure dans les pays à revenus intermédiaires. Les performances en matière de compétences socio-émotionnelles sont plus difficiles à mesurer, mais si les systèmes éducatifs échouent à transmettre les compétences cognitives de base des élèves, il est peu probable qu’ils parviennent à développer leurs compétences socio-émotionnelles.

La sévérité de la crise mondiale de l’apprentissage au plan mondial peut être illustrée par différentes mesures. Une première mesure est celle de la pauvreté de l’apprentissage (World Bank, 2019a). Cette mesure vise à calculer la part des enfants qui ne savent pas comprendre un texte simple à l’âge de 10 ans. Dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires, comme cela a déjà été mentionné, plus de la moitié des enfants sont dans cette situation, et en Afrique sub-saharienne, la proportion est de près de neuf enfants sur dix. Une autre mesure utile est celle du nombre d’années de scolarité normalisées ou « harmonisées » (pour tenir compte des niveaux d’apprentissage réels dans les écoles) que des enfants peuvent espérer terminer dans chaque pays. Etant donné que l’apprentissage est souvent défectueux par rapport aux normes pour chaque niveau, le nombre d’années de scolarité harmonisées est typiquement inférieur au nombre d’années de scolarité. La différence entre les deux mesures donne une idée e la perte de scolarité que les enfants subissent suite à la faible qualité de l’apprentissage (voir World Bank, 2020a pour les estimations mais surtout pour les stratégies).

Le graphique 1 présente des données pour 173 pays avec sur l’axe horizontal le nombre moyen d’années de scolarité que les enfants des différents pays peuvent en moyenne espérer terminer, et sur l’axe vertical le nombre d’années de scolarité harmonisé ou ajusté pour tenir compte de l’apprentissage qui est effectivement réalisé dans les écoles (l’ajustement est basé sur la performance des pays dans les évaluations internationales des apprentissages des élèves). Les données proviennent de la version 2020 de la base de données de l’indice du capital humain de la Banque mondiale. Dans tous les pays, la mesure ajustée est inférieure à la mesure brute des années de scolarité espérées en raison du fait que de nombreux enfants n’atteignent pas les niveaux de compétence requis. À l’échelle mondiale, en pondérant de manière égale tous les pays, les enfants peuvent espérer terminer 11,3 années de scolarité en moyenne, mais au vu des performances d’apprentissage, ces années de scolarité ne sont valorisées qu’à 7,1 ans selon la mesure harmonisée. En d’autres termes, en moyenne dans tous différents pays, plus d’un tiers (37,2 pour cent) des années de scolarité terminées par les enfants sont «perdues» en raison d’un manque d’apprentissage à l’école (puisque 7,1 / 11,3 = 0,628). Si l’on pondère les pays par le nombre d’enfants, étant donné que de nombreux pays à forte population ont des systèmes éducatifs moins performants, ces différentes valeurs tendent à être plus basses.

Graphique 1: Comparaison internationale des années de scolarité ajustées pour l’apprentissage, 2020

Source: Base des données de l’indice du capital humain de la Banque mondiale.
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Impact potentiel de la crise de la COVID

La crise de l’apprentissage a été encore davantage exacerbée par la pandémie du COVID-19 et la fermeture des écoles (World Bank, 2020b ; voir aussi UNICEF. 2020, et plus généralement sur les impacts de la crise sur les enfants, United Nations, 2020). Afin de mesurer l’impact potentiel de la pandémie, Azevedo et al (2020) utilisent les données sur la scolarité harmonisée mentionnées ci-dessus pour mettre en œuvre trois séries de simulations (la base de données utilisée est la version de 2018 qui couvre 157 pays représentant 97 pour cent de la population des enfants âgés de 4 à 17 ans). Dans le scénario optimiste, les auteurs supposent que les écoles ont é fermées pendant trois mois (par rapport à une année scolaire de 10 mois) et que les gouvernements ont été en mesure de mettre en œuvre des programmes efficaces pour réduire l’impact de la crise, en particulier via l’enseignement à distance. Dans le scénario intermédiaire, les écoles sont fermées pendant cinq mois et les mesures de remédiation ont un niveau d’efficacité moyen. Dans le scénario pessimiste, les écoles sont fermées pendant sept mois et les mesures ont une efficacité faible.

Le tableau 1 présente les principaux résultats des simulations pour les pays selon la région à laquelle ils appartiennent et leur niveau de revenus. L’analyse est menée selon les classifications de la Banque mondiale avec six régions: Asie de l’Est et Pacifique, Europe et Asie Centrale, Amérique latine et Caraïbes, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Amérique du Nord, Asie du Sud et Afrique subsaharienne. En termes de niveaux de revenu, pour l’année fiscale 2021 de la Banque mondiale, les pays à faibles revenus sont ceux dont le produit national brut par habitant calculé selon la méthode de l’Atlas de 1.035 USD ou moins en 2019. Les pays à revenus intermédiaires de la tranche inférieure sont ceux dont le PNB par habitant se situe entre 1.036 $ et 4.045 $. Les pays à revenus intermédiaires de la tranche supérieure sont ceux dont le PNB par habitant se situe entre 4.046 et 12.535 dollars. Enfin, les pays à revenus élevés sont ceux dont le PNB par habitant est égal ou supérieur à 12.536 dollars.

La pandémie pourrait entraîner au niveau mondial une perte de 0,6 année de scolarité ajustée (baisse de 7,9 années avant pandémie à 7,3 années suite à la pandémie). Cela représente une perte de 7,6 pour cent par rapport à la valeur initiale, ce qui est élevé. Dans le scénario optimiste, la perte est moindre, alors qu’elle est plus importante dans le scénario pessimiste. En valeur absolue, les pertes d’apprentissage sont souvent plus élevées dans les pays à revenus élevés et dans les régions aisées car les valeurs de référence sont également plus élevées. Mais proportionnellement aux valeurs de référence, les pertes sont souvent plus importantes dans les pays à faibles revenus et en Asie du Sud et Afrique subsaharienne. Cela s’explique en partie par le fait que les niveaux d’accès à l’apprentissage à distance dans ces pays sont faibles. Le manque de connectivité numérique (et une couverture limitée pour la radio et la télévision) contribuent dans ces pays à des impacts proportionnels plus importants.  Quelles solutions peuvent être adoptées par les pays pour atténuer ces impacts ? Des orientations générales sur le rôle potentiel de l’EdTech dans l’amélioration des systèmes éducatifs sont fournies par la Banque mondiale (2020c), tandis que des orientations plus détaillées sur la manière de faire face aux pandémies sont disponibles dans une série de notes séparées (World Bank, 2020d, 2020e, 2020f).

Tableau 1 : Effet potentiel de la crise de la COVID sur les années de scolarité ajustées


Source : Azevedo et al. (2020).
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Les élèves des écoles catholiques sont eux aussi affectés par la pandémie. Une majorité de ces élèves vivent dans des pays où les systèmes éducatifs ont eu une capacité limitée à limiter les effets négatifs de la crise du COVID-19 sur les résultats d’apprentissage. Ceci est confirmé par l’analyse qui s’appuie en partie sur une enquête rapide mise en œuvre en avril 2020 auprès de représentants des associations nationales d’éducation catholique. Une enquête a été menée avec l’Office international pour l’enseignement catholique et des réponses ont été reçues pour 31 pays qui ensemble représentent six élèves sur dix dans les écoles catholiques dans le monde. Une des questions de l’enquête était de savoir si les réseaux scolaires catholiques avaient été en mesure de mettre en œuvre des solutions d’apprentissage à distance pour leurs élèves et, dans l’affirmative, en utilisant quels médias.

Il s’avère que les réseaux d’écoles catholiques des pays développés ont pu s’appuyer sur Internet, mais les réseaux des pays en développement ont dû s’appuyer sur des médias moins polyvalents ou n’ont pas pu mettre en œuvre un enseignement à distance significatif. Une autre question de l’enquête était de savoir si les réseaux étaient en mesure de planifier l’adaptation de leurs programmes d’études et de proposer des cours de rattrapage pour permettre aux élèves de combler leurs lacunes lors de leur retour à l’école. Là encore, les réseaux des pays en développement et en particulier des pays d’Afrique subsaharienne ont une capacité limitée à le faire. L’enquête a également suggéré qu’en raison de l’impact économique de la crise, les réseaux d’écoles catholiques de nombreux pays s’attendaient à perdre un nombre substantiel d’élèves au cours de la prochaine année scolaire (sur l’impact de la pandémie sur les écoles catholiques, voir Wodon, 2020a, 2020b, 2020c, 2020d).

Réponses potentielles

Que peut-on faire pour améliorer l’apprentissage dans les écoles, qu’elles soient catholiques ou non ? Au-delà de la situation actuelle liée à la pandémie, les leçons de la littérature académique suggèrent – sans surprise – qu’une meilleure pédagogie par les enseignants dans les salles de classe est essentielle. Plus généralement, en octobre 2020, des recommandations pour améliorer l’apprentissage dans les pays en développement ont été proposées par le Global Education Evidence Advisory Panel mis en œuvre avec le soutien de la Banque mondiale et du Bureau britannique des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement. Le mandat de ce panel est de fournir des recommandations succinctes, pratiques et axées sur les politiques publiques pour soutenir la prise de décision quant aux investissements à réaliser pour l’éducation dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires. Dans son premier rapport, le panel a identifié plusieurs classes d’interventions en tenant compte tant de leur efficacité que de leur coût. Quatre groupes d’investissements sont identifiés (World Bank, 2020g) :

  • Excellents investissements – ce sont les interventions les plus rentables, comme par exemple fournir aux familles des informations sur le rendement et la qualité de l’éducation;
  • Bons investissements – ce sont les interventions rentables, telles que la pédagogie structurée combinée à la formation des enseignants et au matériel pour l’apprentissage; les programmes pour enseigner aux enfants selon leur niveau de compétence; et l’éducation pré-primaire;
  • Interventions prometteuses mais avec relativement peu d’évaluations – ces programmes semblent améliorer l’apprentissage, mais il faudrait davantage d’évaluations rigoureuses pour le confirmer – cela inclut la stimulation précoce des jeunes enfants et l’implication des communautés dans la gestion des établissements scolaires;
  • Mauvais investissements – il s’agit d’interventions qui (telles qu’elles sont généralement mises en œuvre) se sont révélées à maintes reprises inefficaces ou non rentables; il s’agit notamment d’investir dans du matériel informatique ou d’autres intrants sans apporter de changements complémentaires comme la formation des enseignants ou une meilleure gestion de l’école pour utiliser ces intrants efficacement.

Certains écoles ou enseignants sont particulièrement aptes à motiver leurs élèves et leur permettre d’apprendre même s’ils n’ont que des moyens limités. A titre d’illustration qui peut inspirer les lecteurs ce cet article, c’est par exemple le cas de Peter Tabichi, le lauréat 2019 du Global Teacher Prize. Tabichi est un Frère franciscain qui enseigne dans une école secondaire publique dans une partie reculée de la vallée du Rift au Kenya. Interrogé dans un entretien sur la manière dont il enseigne, il a répondu : «Il s’agit d’avoir confiance en l’élève. Chaque enfant a un potentiel, un cadeau ou un talent. J’essaie d’impliquer les élèves… Il ne s’agit pas de leur dire «faites ceci» et de s’éloigner. Vous devez travailler en étroite collaboration avec eux » (Tabichi, 2019). En tant que professeur de sciences, Peter a également expliqué que «vous devez également improviser. Les matériaux sont très chers pour les expérimentations. Alors, j’improvise en ramassant des matériaux dans les environs. Si je parle de résistance électrique, je peux montrer une radio ou un autre gadget électrique et expliquer comment cela fonctionne ou ne fonctionne pas pour que les élèves puissent apprécier le fonctionnement des résistances dans la pratique. Cela évite d’apprendre de façon trop abstraite ou conceptuelle. »

Les pratiques illustrées par Peter Tabichi peuvent inspirer tous les enseignants. Mais pour réussir, ils doivent bénéficier d’un soutien adéquat. Sur la base d’une revue des bonnes pratiques, cinq principes ou priorités ont été suggérés pour guider les politiques des systèmes éducatifs par rapport aux enseignants (Béteille et Evans, 2018): (1) Faire de l’enseignement une profession attractive en améliorant son statut, sa rémunération et les structures de progression dans la carrière; (2) Promouvoir une sélection méritocratique des enseignants, suivie d’une période probatoire pour améliorer la qualité du corps enseignant; (3) Veiller à ce que la formation initiale comprenne un stage pratique solide afin que les enseignants soient équipés à faire la transition à la pratique et puissent enseigner efficacement en classe; (4) Fournir un soutien et une motivation continus grâce à une formation continue de haute qualité et un leadership scolaire solide, pour permettre aux enseignants de s’améliorer continuellement; et (5) Utiliser la technologie à bon escient pour améliorer la capacité des enseignants à aider chaque élève, en tenant compte de leurs domaines de force et de développement. Ces principes ont du sens, bien qu’ils aient tendance à mettre davantage l’accent sur la motivation extrinsèque (basée sur des récompenses externes) que sur la motivation intrinsèque, en partie parce que c’est là que l’on peut tirer davantage de leçons de la littérature existante. Bien sûr, la motivation intrinsèque compte aussi, et peut-être même plus, comme le montre l’expérience des écoles catholiques. Cela a été noté entre autres par Grace (2002a, 2002b), mais cela s’applique plus généralement aussi dans les écoles publiques. De nombreuses personnes deviennent enseignantes parce qu’ils sont passionnés par l’éducation.

Un autre aspect important est de donner suffisamment ‘autonomie aux directeurs d’école et de promouvoir une culture scolaire positive pour que les élèves s’épanouissent. L’importance de la façon dont les écoles sont gérées peut être illustrée par le cas des écoles Fe y Alegría en Amérique latine (Parra Osorio et Wodon, 2014 ; voir aussi Wodon, 2019). Selon les résultats de groupes de discussion et d’entretiens, les facteurs contribuant à la bonne performance des écoles Fe y Alegría comprennent un degré élevé d’indépendance pour chaque école pour générer et gérer ses ressources, un climat institutionnel favorable, l’accent mis sur la sélection, le tutorat (mentoring), la supervision et la formation des enseignants, l’autonomie et l’autorité des directeurs d’écoles, et la capacité de s’adapter aux réalités locales. Les directeurs d’école transmettent la mission des écoles afin d’impliquer les élèves, les enseignants et la communauté. Les enseignants sont motivés par cette mission et les enseignants plus expérimentés apprécient l’opportunité d’encadrer ceux qui sont plus jeunes. Ces différents éléments de la culture des écoles se renforcent mutuellement, conduisant à un meilleur enseignement et, finalement, à un meilleur apprentissage des élèves.

Quels engagements pour les écoles et les communautés ?

La crise de l’apprentissage est sévère et les éléments d’analyse présentés ci-dessus s’appliquent tant aux écoles catholiques qu’aux autres écoles, qu’elles soient publiques ou privées. Pour introduire cette dernière section consacrée aux engagements que pourraient prendre les écoles catholiques pour faire face aux défis qu’elles vivent au jour le jour, dont les grandes tendances inégalitaires qui fragilisent souvent non seulement les systèmes éducatifs mais aussi les sociétés dans leur ensemble, deux remarques initiales sont probablement importantes à faire pour cadrer la discussion.

Premièrement, mettre l’accent des politiques publiques ou les efforts à mettre en œuvre par les réseaux d’enseignement catholiques pour l’amélioration de l’apprentissage dans les écoles ne signifie nullement négliger la nécessité de scolariser les enfants qui restent encore exclus de l’école, et en particuliers les plus pauvres. Atteindre les plus pauvres fait partie du DNA des écoles catholiques et de l’Église (Pontifical Council for Justice and Peace, 2004; Francis, 2015, 2020a; McKinney, 2018). Il ne faut pas opposer les enjeux de la non-scolarité et la crise de l’apprentissage car il s’agit en fait de deux facettes d’une même réalité. La scolarisation est nécessaire pour apprendre, mais l’apprentissage est également en pratique nécessaire pour la scolarité. En effet, sans apprentissage, il est très difficile dans les pays à bas revenus pour beaucoup d’enfants de rester à l’école et pour leurs parents de faire les sacrifices financiers nécessaires pour les maintenir à l’école. Dans ces pays, les politiques garantissant une éducation de base gratuite ont permis à davantage d’élèves issus de milieux défavorisés d’être scolarisés, ce qui a été un progrès très important. Cependant, bon nombre d’élèves ne sont pas suffisamment préparés pour l’école, et donc ont besoin de davantage de support pour mieux apprendre lorsqu’ils sont scolarisés. De plus, en raison de la croissance démographique et de l’augmentation des taux de scolarisation, les systèmes éducatifs sont souvent surchargés, y compris dans leur capacité à garantir que les enseignants soient qualifiés et bien formés. Le manque d’apprentissage devient alors une des raisons principales du décrochage et de l’abandon scolaires. Améliorer l’apprentissage à l’école devrait aider à réduire le nombre d’enfants non scolarisés.

Deuxièmement, il est parfois suggéré que l’accent mis sur les performances de l’apprentissage telles qu’elles sont mesurées par des évaluations standardisées nationales ou internationales des élèves, est malvenu, car cela peut conduire à une suraccentuation des compétences cognitives et de la réussite aux examens au détriment de compétences socio-émotionnelles ou d’autres aspects de l’éducation. L’argument est pertinent, ne serait-ce que pour éviter que «l’enseignement aux tests» ne devienne une pratique dominante. Le pape François a dénoncé à de multiples reprises ce qu’il appelle la « dictature des résultats » dans le domaine de l’éducation et sa logique de production et consumérisme. Cette dictature des résultats n’est cependant pas à confondre avec la nécessité de garantir que les élèves puissent effectivement apprendre à l’école, et la nécessité de mettre en œuvre des évaluations systématiques pour s’assurer que c’est bien le cas. Sans compétences fondamentales telles que savoir lire ou calculer, il est très difficile de développer les autres compétences dont les enfants ont besoin dans leur vie. Plutôt que d’opposer un ensemble de compétences à un autre, il faut reconnaître que les deux types de compétences sont nécessaires et peuvent se renforcer mutuellement. Le succès dans un domaine aide souvent les élèves à réussir dans l’autre, et pour savoir s’il y a effectivement succès, il est tout simplement nécessaire de mesurer les progrès des élèves via des évaluations standardisées.

Ceci dit, même si les mesures traditionnelles de performance des systèmes éducatifs sont nécessaires, il faut aller bien au-delà de ces mesures. Quelles pistes les écoles catholiques pourraient-elles suivre, quels engagements pourraient-elles prendre pour répondre aux défis auxquelles elles font face ? Avant le lancement du Pacte mondial sur l’éducation, lors du dernier Congrès de l’Organisation Internationale de l’Enseignement Catholique ou OIEC à New York en juin 2019, le pape François avait déjà proposé des pistes pour les participants au Congrès. Le pape avait dénoncé « la tendance diffuse à déconstruire l’humanisme. L’individualisme et le consumérisme génèrent une compétition qui avilit la coopération, ternit les valeurs communes et mine à la racine les règles les plus élémentaires du vivre ensemble. Même la culture de l’indifférence qui implique les relations entre les personnes et les personnes, ainsi que le soin de la maison commune corrodent le sens de l’humanisme. » Pour lutter contre cette déconstruction, il avait proposé aux éducateurs présents au Congrès de l’OIEC « d’offrir des horizons ouverts à la transcendance, car l’éducation catholique « fait la différence » en cultivant des valeurs spirituelles chez les jeunes » (Francis, 2019).

Le pape avait invité en particulier les écoles catholiques à orienter leur travail « vers les périphéries, les périphéries sociales ainsi que les périphéries existentielles. Par le service, la rencontre et l’accueil, nous offrons des opportunités aux plus faibles et aux plus vulnérables. » Il avait affirmé l’importance d’une large inclusion « qui dépasse les murs d’une école et s’étend, avec sa capacité de transformation, à la société dans son ensemble, favorisant la rencontre, la paix et la réconciliation. » Enfin, il avait encouragé les éducateurs à « apprécier le silence et s’attarder à contempler la beauté de la création, trouver l’inspiration pour protéger notre « maison commune » et développer des initiatives visant à proposer de nouveaux styles de vie dans le respect des générations futures. » Ces thèmes se retrouvent dans le Pacte mondial sur l’éducation proposé par le pape.

Pour le pape, et pour les écoles catholiques, l’éducation a un objectif beaucoup plus large et fondamental que la préparation au monde du travail. Le concept du développement humain intégral se réfère à la personne dans son entièreté, y compris en termes des valeurs qu’elle acquiert. La Congrégation pour l’éducation catholique appelle à une éducation qui mène à un humanisme fraternel et à une civilisation de l’amour. C’était également le thème du Congrès de l’OIEC à New York. Les parents qui envoient leurs enfants dans les écoles catholiques valorisent cet aspect de l’éducation qu’ils reçoivent. Aux États-Unis, une enquête récente a demandé aux parents ce que leurs enfants devraient apprendre à l’école en priorité. Les parents pouvaient sélectionner trois priorités parmi un ensemble de neuf options. Cinq options étaient liées aux compétences, y compris la préparation à l’université et au monde du travail. Les quatre autres options étaient liées aux valeurs et à la foi. Les parents ayant des enfants dans les écoles catholiques accordent une beaucoup plus grande importance aux valeurs et à la foi que les parents qui envoient leurs enfants dans d’autres types d’école (Wodon, 2021b). Cette importance accordée aux valeurs et à la foi représente un atout pour répondre aux défis contemporains.

Dans ce contexte, et compte tenu des recommandations du pape dans son encyclique Laudato Si (l’encyclique Frattelli tutti n’avait pas encore été publiée), lors du Congrès de l’OIEC à New York, neuf engagements furent proposés aux participants, et plus généralement aux écoles catholiques de par le monde. Ces engagements sont repris au tableau 2 et leur texte complet est fourni en annexe Organisation Internationale de l’Enseignement Catholique, 2019). Certains de ces engagements sont particuliers à l’OIEC, par exemple dans son rôle de représentation des écoles catholiques auprès des instances internationales. Mais la plupart s’appliquent aux écoles elles-mêmes.

Tableau 2 : Engagements proposés aux écoles catholiques au Congrès de l’OIEC à New York, 2019

Source : OIEC (2019). Pour le texte des engagements, voir l’annexe.
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Plusieurs des engagements repris dans le tableau 2 pourraient être qualifiés de « classiques » dans l’ethos de l’éducation catholique, et plus généralement dans la tradition chrétienne (les Protestants et les Orthodoxes partagent ces valeurs ; voir par exemple la note jointe de l’OIEC et des écoles protestantes par Barber et al. 2020). Mais certains engagements sont innovants. C’est le cas en particulier des engagements visant à la sauvegarde de la maison commune, un thème mis en exergue par le pape (Francis, 2015) et dont l’urgence n’a été reconnue que relativement récemment. C’est aussi le cas de l’engagement qui appelle à mobiliser les communautés dans l’éducation, au-delà des murs de l’école, non seulement pour atteindre les enfants qui ne sont pas scolarisés, mais aussi pour permettre des synergies entre les modes d’éducation formels et informels. C’est un engagement pour l’éducation de l’ensemble de la communauté qui est proposé, à l’instar de l’expérience de Scholas Ocurrentes.

Comme le note Richard (2020) dans une réflexion sur le Pacte mondial sur l’éducation, dans son message du 15 octobre 2020 pour le lancement du Pacte, le pape n’a pas prononcé une seule fois les mots « école » ou « université ». Richard note que pour le pape, l’éducation ne peut pas être réduite aux limites de la salle de classe. Il s’agirait là d’un élément essentiel de la pensée du pape en matière d’éducation : « Nous sommes bien appelés par lui [le pape] à un déplacement de nos frontières éducatives : l’état du monde devient un objet d’éducation qui l’emporte sur tout projet éducatif particulier, quelle que soit son intérêt. Il convient donc de rechercher les meilleures stratégies éducatives, qui puissent donner une chance à la transformation et surtout à l’humanisation du monde… Certes, nous avons besoin d’écoles…, mais le pape François … ne parle pas d’enseignement, mais d’éducation. »

En guise de conclusion, il semble utile de citer de nouveau le pape dans son discours du 15 octobre 2020 pour le Pacte mondial sur l’éducation. Pour conclure ce discours, le pape (Francis, 2020b) a suggéré sept engagements personnels et communs en faveur de la vision de l’éducation qu’il propose :

« Nous nous engageons personnellement et ensemble : Premièrement, à mettre au centre de chaque processus éducatif formel ou informel la personne, sa valeur, sa dignité, afin de faire émerger sa spécificité, sa beauté, son unicité et, en même temps, sa capacité d’être en relation avec les autres et avec la réalité qui l’entoure, en repoussant les styles de vie qui favorisent la diffusion de la culture du rejet. Deuxièmement, à écouter la voix des enfants et des jeunes à qui nous transmettons des valeurs et des connaissances, afin de construire ensemble un avenir de justice et de paix, une vie digne pour chaque personne. Troisièmement, à favoriser la pleine participation des fillettes et des jeunes filles à l’instruction. Quatrièmement, à voir dans la famille le premier et l’indispensable sujet éducateur. Cinquièmement, à éduquer et à nous éduquer à l’accueil, en nous ouvrant aux plus vulnérables et aux plus marginalisés. Sixièmement, à nous engager à chercher à trouver d’autres manières de comprendre l’économie, de comprendre la politique, de comprendre la croissance et le progrès, pour qu’ils soient vraiment au service de l’homme et de la famille humaine toute entière dans la perspective d’une écologie intégrale. Septièmement, à garder et à cultiver notre maison commune, en la protégeant du pillage de ses ressources, en adoptant des styles de vie plus sobres et visant à l’utilisation complète des énergies renouvelables, respectueuses de l’environnement humain et naturel selon les principes de subsidiarité et de solidarité et de l’économie circulaire. »

Annexe : Texte des engagements proposés aux écoles catholiques lors du Congrès de l’OIEC de 2019

  1. Pour un nouveau format de l’éducation, adapté aux changements, et fondé dans une culture du dialogue. Les réalités contemporaines du monde obligent les éducateurs à s’adapter sans cesse et à formuler des propositions éducatives innovantes. Parmi les réalités que les écoles catholiques s’engagent à prendre en compte, on peut noter : le besoin d’une culture du dialogue, entre élèves issus de différentes religions ; une éducation à la solidarité en lien avec les situations de grande pauvreté ; une éducation au développement durable ; et une éducation à la paix et aux droits de l’homme. Ces innovations doivent aider chaque élève et chaque membre de la communauté éducative à devenir un acteur du changement.
  2. Pour une identité chrétienne de l’école, fondée dans une racine évangélique. L’école catholique est une école qui participe au service public de l’éducation dans chaque pays. Son objectif n’est pas de gagner de l’argent, mais de rendre le service de l’éducation pour tous, dans la tradition des grands éducateurs chrétiens qui ont fondé des congrégations engagées dans le service de l’éducation. Parce qu’elle est catholique, elle est un corps d’espérance, fondé par son attachement à vivre et à témoigner de l’Evangile, et en lien avec l’Eglise locale. Elle doit donc témoigner de cette espérance et s’engager à éduquer chaque élève au sens de sa vie et à la transcendance. Au-delà, il s’agit de reconnaître la nécessité et la poursuite du développement spirituel des adultes. L’école catholique doit former sans relâche les formateurs afin qu’ils puissent promouvoir l’épanouissement humain de tous ceux qui leurs sont confiés.
  3. Pour une école inclusive, ouverte à tous et spécialement aux périphéries. Les écoles catholiques, fortement inspirées par le message de l’Evangile, ont la vocation d’offrir le service éducatif pour tous, et spécialement pour les plus pauvres. Elles s’engagent à développer une attention particulière à chacun, et de partir à la rencontre, parfois à contrecourant, de celles et ceux qui sont issus des groupes les plus vulnérables. Elles s’engagent également à pratiquer l’inclusion et à développer, adapter leurs propres structures éducatives aux besoins des jeunes les plus oubliés, qui vivent dans leur périphérie. L’éducation inclusive touche fondamentalement à la mission de l’école catholique, appelée à offrir un service éducatif complet de qualité, ainsi que l’égalité des chances à tous les enfants et à tous les jeunes du monde. Il y a lieu donc de promouvoir un modèle d’inclusion qui s’engage pour le territoire, l’interculturalité, l’acceptation des différences et l’attention portée à la diversité. Il faut également atteindre les familles par le biais d’itinéraires éducatifs qui accompagnent les parents depuis le préscolaire jusqu’à l’enseignement secondaire.
  4. Pour une formation des dirigeants et des maîtres, adaptée aux réalités éducatives contemporaines. Partout dans le monde, les écoles catholiques doivent rechercher un engagement autour de la formation des maitres et des dirigeants, qui prenne en compte l’éducation dans la réalité contemporaine, et qui produise des stratégies de lutte : contre l’échec scolaire ; contre la déscolarisation précoce ; contre le décrochage scolaire ; contre la désocialisation des adolescents ; contre l’analphabétisme ; contre la violence en milieu scolaire ; et contre le communautarisme au sein de l’établissement. Les centres de formation des maîtres et les Universités catholiques doivent travailler sans relâche à la formation de leaders afin qu’ils soient mieux sensibilisés et surtout mieux outillés face à cette responsabilité éducative. Il est proposé que soit renforcé le partage d’expériences entre instituts de formation et universitaires et formateurs des différents pays, et de favoriser la professionnalisation des maîtres et des dirigeants des écoles catholiques.
  5. Pour une éducation de qualité, inspirée par l’Evangile et orientée sur la sauvegarde de la Maison commune (Laudato Si’). Le monde, notre monde, la Maison commune, est en danger, menacé par de graves dysfonctionnements climatiques et écologiques produits par un développement économique fondé sur une croissance hyperbolique, et peu respectueux de la nature et des activités humaines associées. Les Nations unies ont pris des engagements, les ODD. Le Pape François, dans son Encyclique Laudato Si nous invite à prendre conscience de cette réalité et à agir de manière responsable pour la sauvegarde de la Maison commune. Les écoles catholiques doivent s’engager sans faille pour soutenir les engagements de la communauté internationale, en développant au sein de chaque école, grande ou petite, des projets éducatifs structurants permettant une éducation de qualité (ODD4) et surtout une prise de conscience de chaque élève qu’il peut devenir un acteur de la sauvegarde de la Maison commune. Le développement des programmes I can, ou Planet OIEC au sein de l’OIEC correspond à des débuts de réponse. Ils permettent de mieux élaborer une « éthos » de l’éducation catholique, à travers tous les savoirs disciplinaires, en vue de construire une éthique transdisciplinaire. L’OIEC pourrait également s’engager sur un programme « arbre vert » pour tous les pays du monde.
  6. Pour une présence positive et constructive auprès des organisations internationales. Le droit à l’éducation est un droit de l’homme (article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). Les écoles catholiques sont représentées, par l’intermédiaire de l’OIEC, au sein du système des Nations unies : ECOSOC (Genève et New York) et UNESCO (Paris). Elles sont également représentées au Conseil de l’Europe. Au sein de ces instances, les représentants de l’OIEC agissent en lien avec l’OIDEL, pour soutenir la liberté de l’enseignement d’une part, et pour la défendre, en lien avec d’autres ONG, le droit à l’éducation pour tous d’autre part. Aujourd’hui, la communauté internationale est engagée par un programme Education 2030, que l’OIEC soutient. Il appartient donc aux écoles catholiques du monde de mieux connaitre ce programme et de contribuer davantage au débat sur la formulation des indicateurs d’une éducation de qualité d’une part (ODD4), et des politiques éducatives des Etats d’autre part. L’OIEC s’engage à tout mettre en œuvre pour aider le Forum de Rome dans ce travail de structuration de la représentation des organisations catholiques au sein des organisations internationales.
  7. Pour la conception d’outils et de ressources adaptés à l’objectif de préservation de la Maison Commune inspirés par Laudato Si. L’éducation n’est pas qu’une affaire de principe. Elle repose également sur la production de méthodes, d’outils, et d’édition, au service des objectifs innovants de l’éducation. Les écoles catholiques, compte-tenu de leur responsabilité prophétique quant à l’éducation pour la préservation de la Maison Commune, doivent contribuer à l’expérimentation et à la diffusion de méthodes pédagogiques nouvelles. Elles peuvent le faire avec l’aide des Universités, des congrégations, des centres de recherche pédagogiques, des éditeurs de livres scolaires ou de logiciels.
  8. Pour un travail en réseau, de l’éducation formelle autour de la protection de l’enfant. L’éducation catholique doit être pensée au-delà de l’école. A l’appel du Pape François elle doit rejoindre les jeunes dans leur milieu de vie. En effet, plus de plus de 265 millions d’enfants ne sont actuellement pas scolarisés et 22% d’entre eux (soit 60 millions d’élèves) sont en âge de fréquenter l’école primaire. Ils sont issus des groupes les plus vulnérables, et demeurent exclus chaque année du système scolaire. S’il n’est malheureusement pas possible d’imaginer pouvoir proposer une solution immédiate à tous ces enfants, il est néanmoins indispensable de soutenir les efforts des organisations et des congrégations qui s’engagent sur le terrain pour la protection des enfants. Lorsque des enfants sont en grand danger (mineurs isolés, enfants soldats, réfugiés, travail des enfants, esclavage, prostitution, etc.), l’école catholique doit demeurer préoccupée et mobilisée pour proposer des solutions. Elle se met davantage en réseau avec les organisations et les congrégations qui agissent dans la sphère de l’éducation non formelle. Les écoles catholiques sont donc appelées à travailler dans des processus d’inclusion au-delà de l’école, dans un contexte de mobilité et de grande exclusion dans les projets extrascolaires non formels. Il est indispensable d’intégrer le formel et le non formel. Pour relier le formel et le non formel, il est nécessaire de travailler en réseau et de changer de vision dans nos propositions d’action sociale des centres afin de rendre nos écoles plus inclusives. Chaque école peut générer des projets locaux, nationaux et internationaux dans lesquels sont reliés éducation formelle et non formelle, afin d’élargir la vision d’une éducation au service de la transformation sociale de nos élèves, de nos enseignants et donc de nos familles. Au-delà, il s’agit de favoriser une culture de la rencontre et du dialogue, mais aussi de la conversion, à travers les voyages, la technologie, la compréhension mutuelle et l’attention portée à l’expérience de la pauvreté. Il convient de continuer à sensibiliser les élèves et leurs familles aux violations des droits de l’homme dans le monde d’une manière adaptée à leur âge, afin qu’ils puissent comprendre comment leurs actions peuvent contribuer à créer un monde meilleur.
  9. Défis de la protection de l’enfance et de la lutte contre toutes les formes de maltraitance. L’Eglise traverse aujourd’hui une période difficile liée aux scandales liés à la pédophilie. L’école catholique doit se montrer particulièrement vigilante quant à a protection des enfants contre toute forme d’atteintes ou d’abus, qu’elle ne peut tolérer ou dissimuler en aucun cas si elle souhaite rester exemplaire. Au-delà des seuls abus sexuels, elle doit promouvoir dans chaque pays, pour chaque école, des outils de prévention et protection des mineurs, comme des guidelines, des standards de protection, des outils de formation adaptés des maîtres et une procédure de recrutement des maitres qui soit performante. Elle doit également éduquer les jeunes à une sexualité humaine.

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Pour citer cet article
Référence électronique : Quentin Wodon, « Les écoles catholiques dans le monde. Deuxième partie : défis et engagements », Educatio [En ligne], 11 | 2021. URL : https://revue-educatio.eu

Droits d’auteurs
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* L’auteur est Lead Economist à la Banque mondiale et chargé de mission (pro bono) avec l’Organisation Internationale de l’Enseignement Catholique. L’analyse et les opinions exprimées n’engagent que l’auteur et non pas la Banque mondiale, ses directeurs exécutif ou les pays qu’ils représentent.

[1] Les filles ont rattrapé les garçons pour les taux d’achèvement de l’enseignement primaire dans la plupart des pays, mais elles continuent d’être à la traîne par rapport aux garçons pour le secondaire dans les pays à faibles revenus, en partie en raison de la forte prévalence du mariage des enfants (se marier avant l’âge de 18 ans) et la procréation précoce (avoir un premier enfant avant l’âge de 18 ans) dans ces pays.