Paris, Salvator, 2020, 240p.
Face à l’imprévisibilité du monde à venir, l’incitation adressée aux adolescents de « choisir » leur avenir pourrait prendre l’allure d’un défi ou d’une provocation : comment opter au sein de l’indiscernable ? Quelle pertinence accorder à une aspiration affectée de tant de facteurs aléatoires ? N’est-ce pas là une situation impossible, propre à induire le désarroi, sinon la colère, ou l’ironie, la déception, voire la dépression ? Ne sont-ce pas là les effets prévisibles d’une incitation qui peut sembler ironique ? N’est-elle pas une raison suffisante pour susciter ou accroître le découragement, le désintérêt scolaire, sinon le « décrochage » ? Mais, sans s’abandonner au pire, le risque majeur est celui d’un avenir affecté d’un poids de déterminants sociaux et socio-économiques insurmontables. Cela ne rend-il pas absurde l’idée de choix ? Quel sens prend en effet, dans cette situation, l’expérience d’une motivation ou d’un désir dont le contexte compromet l’obtention ?
Cependant, voici que, récemment, l’horizon semble commencer à se dégager ; cela est dû à diverses initiatives qui ont renouvelé les problématiques de l’orientation. Le signe en est donné, notamment, par diverses publications (cf. par exemple celle de : M. Chevreul. Ta vie est une mission. Paris, éditions Emmanuel, 2020, 178p.) et celle de Madame Degez, qui ont réhabilité une sphère de liberté pour l’orientation : ils n’y voient plus seulement la recherche d’une correspondance, plus ou moins garantie, entre une formation et un métier ; ils y voient, au contraire, le lieu possible de réalisation d’une « vocation » impliquant de considérer le choix professionnel comme voué à la réalisation d’un désir, comportant lui-même de fortes dimensions éthiques. Dans la même perspective, on voit émerger et se développer la notion de coach, impliquant la légitimité d’une aide à porter à un sujet pour faciliter son adaptation et favoriser sa réussite. Dans le même sens la diffusion, parfois abusive et insuffisamment maîtrisée, de la notion d’accompagnement qui, rigoureusement entendue, valorise le soutien à la réalisation d’un projet que son auteur ne parviendrait pas à faire aboutir seul, mais qu’il mènerait à bien avec un soutien approprié. Tout cela implique la reconnaissance d’une certaine liberté de jeu, et non l’acceptation aveugle de l’évolution socio-économique.
Pour Madame Degez, il ne s’agit pas « d’être orienté », c’est-à-dire d’apprendre d’un testing ce dont on serait capable, et d’y adhérer docilement, mais de travailler à son accomplissement.
A cet égard, la démarche à laquelle Madame Degez invite est celle d’une démarche active de toute la famille, qui réfléchit, avec l’intéressé, de son orientation. Nous sommes, ici, dans une attitude radicalement opposée à celle qui consiste à consulter « l’orienteur », plus encore « l’orientateur ». L’objectif est de réagir à certains critères susceptibles d’aider l’adolescent à identifier son portrait : quels sont ses goûts et ses points forts et, inversement, ses faiblesses ? quels sont, également, ses désirs et ses craintes ? Quelles sont, enfin, ses possibilités objectives et son propre contexte ? C’est l’ensemble des conclusions dégagées de cette réflexion qui le conduira à une réflexion saine susceptible d’aboutir à une décision délibérée, source de liberté.
Guy Avanzini