Paris, éditions du Cerf, 2021, 360p.
Le centenaire du scoutisme, notamment catholique, a été marqué par son éclatement institutionnel et la rupture conflictuelle de son unité. C’est ce phénomène complexe et ses raisons qui ont fait l’objet du minutieux travail d’un historien dominicain qui en a scrupuleusement reconstitué les épisodes. Mais, dès l’introduction, il propose une hypothèse audacieuse, selon laquelle cette explosion apparemment étonnante était en réalité prévisible dès l’origine : « Depuis ses premiers pas, le scoutisme catholique français portait les germes de débats irrésolus et probablement insolubles » (p.8). Pour l’auteur, en effet, trois ambiguïtés majeures n’étaient pas surmontées, et devaient nécessairement engendrer la discorde : d’abord, fondée à Paris en 1920, l’Association Catholique des Scouts de France laissait dans l’incertitude l’identité claire de l’autorité religieuse dont elle relevait. Quels sont, en la matière, les pouvoirs de l’évêque local ? En outre, quel est le rôle de l’aumônier : est-il le directeur ou l’animateur spirituel ? Enfin, quelle est la finalité du mouvement : éducation générale, ou évangélisation ? Il y avait là, d’emblée, trois sources de divergences. A mesure que le mouvement se développe, ces ambiguïtés deviennent plus gênantes et s’imposent dans le débat.
Dans un style à la fois clair et détendu, le Père Combeau rend intelligible un objet complexe et multiforme, que sa finesse dérobe à l’analyse. Il montre comment, selon les périodes, les risques de désaccords s’intensifient, jusqu’à entrainer la division et l’instauration de groupes distincts.
L’on regrettera seulement que l’étude des relations entre le scoutisme et l’Épiscopat français n’ait pas été plus approfondie, de même que celle des rapports avec l’Action Catholique Spécialisée. Par ailleurs, les trois hypothèses posées initialement structurent tout le développement et lui donnent son unité. On aurait cependant souhaité qu’elle n’ait pas été plus systématiquement formalisée et rappelée aux différentes étapes. Elles sont comme un peu étouffées par une recherche que l’abondance de sa documentation rend difficile à maitriser.
Il s’agit cependant d’un beau travail, publié très opportunément et susceptible d’aider à l’établissement de relations pacifiées entre des institutions dont chacune porte un dynamisme original. C’est donc de tout cela que le Père Combeau doit être chaleureusement félicité.
Guy AVANZINI