Orienter les jeunes dans le contexte des changements climatiques

Contributions de l’approche basée sur les forces et sur la psychagogie des valeurs

Christian R. Bellehumeur[1], Cynthia Bilodeau[2] et Marquis Bureau[3]

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Résumé : Cet article s’inscrit dans une perspective chrétienne de l’orientation des jeunes dans le contexte de la crise du climat. En parallèle à l’encyclique Laudato Si’, deux approches complémentaires sont présentées : l’approche (empirique) basée sur les forces personnelles et la psychagogie des valeurs comme mode d’accompagnement. Le tout vise à sensibiliser les éducateurs aux liens entre la foi et l’éducation au vivant.

Mots-clés : orientation chrétienne des jeunes, Laudato Si’, forces personnelles (psychologie positive), psychagogie (clarification) des valeurs, éducation relative à l’environnement et au vivant (biosphère)

Abstract: This article takes a Christian perspective on youth orientation in the context of the climate crisis. In parallel to the encyclical Laudato Si’, two complementary approaches are presented: the (empirical) strengths-based approach and values psychagogy as a mode of guidance. We aim to sensitize educators to the links between faith and life education.

Key words: Christian orientation of young people, Laudato Si’, personal strengths (positive psychology), psychagogy (clarification) of values, environmental and life education (biosphere)

Les changements climatiques inquiètent et irritent les jeunes (pensons à l’influence de Greta Thunberg). Selon une enquête récente auprès de 10 000 jeunes (âgés de 16 à 25 ans) de 10 pays (d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique), 60 % des jeunes se disent très, voire extrêmement, inquiets des changements climatiques, et 45 % estiment que cette inquiétude a des conséquences néfastes dans leur vie quotidienne[4]. Ce phénomène mondial interpelle les leaders d’églises chrétiennes[5], mais aussi les parents et les éducateurs : comment répondre aux inquiétudes des jeunes face à cette crise environnementale? Parce que cette crise a de quoi bousculer l’orientation scolaire et professionnelle, voire le sens de la vie et du bien-être[6] des jeunes, qui doivent découvrir leur voie, faire leur choix de carrière. Or, la voie des jeunes s’exprime par la découverte et la pratique des forces personnelles et des valeurs profondes. Ils doivent faire leur place sur le marché du travail dans un contexte déjà compétitif, changeant et instable – et maintenant aussi dans un monde menacé par une crise climatique. Tous ces défis s’ajoutent à l’incertitude et l’insécurité, affectant les valeurs, la santé et le bien-être des jeunes.

Pour favoriser le bien-être et soutenir l’espérance des jeunes, nous proposons deux approches pédagogiques pouvant les appuyer dans leur quête de sens et de travail dans ce contexte complexe, incertain et préoccupant. Ces deux approches jugées prometteuses sont : l’approche basée sur les forces personnelles[7], et la psychagogie des valeurs comme mode d’accompagnement[8]. Nous discuterons ensuite de la complémentarité de ces deux approches en lien avec une perspective chrétienne de l’orientation afin de conscientiser les éducateurs et accompagnateurs aux liens entre la foi et l’éducation au vivant[9].

Le contexte des changements climatiques

Les répercussions de la pandémie de COVID-19 laissent présager celles d’une autre crise plus structurelle et permanente : la crise du climat[10]. Les incidents météorologiques extrêmes se multiplient (feux de forêt, sécheresses, pluies torrentielles, inondations, tornades et ouragans) et s’intensifient tout autour du globe[11]. Les indicateurs scientifiques confirment une détérioration graduelle de la planète (réchauffement climatique lié au gaz à effet de serre ; érosion de la biodiversité)[12], ce qui a mené à de multiples rencontres internationales visant à lutter contre les changements climatiques : le protocole de Kyoto (1997), la conférence de Copenhague (2009), l’Accord de Paris (2015), et récemment à Glasgow (COP 26).

Au fil des ans, les rapports du GIEC n’ont cessé d’affirmer l’importance d’agir rapidement pour faire face aux changements climatiques. Deux chantiers[13] sont proposés : (1) l’atténuation afin de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ; (2) l’adaptation pour modifier les modes de vie (et transformer les infrastructures) en prévision des nouvelles conditions du climat. Or, s’engager dans ces champs d’activités s’impose puisque les conséquences des changements climatiques sur le bien-être et la santé physique et mentale sont aussi importantes[14]. Les événements météorologiques extrêmes et le réchauffement de la planète peuvent engendrer ou aggraver des problèmes communautaires et sociaux (pauvreté, désordres civils, famine et manques d’eau potable, dommages structurels), avec des répercussions sur la santé physique (survie) et mentale (détresse psychologique et troubles mentaux : anxiété, dépression, trouble de stress post-traumatique)[15]. Bien qu’il existe une gamme d’émotions découlant des préoccupations liées aux changements climatiques, soulignons au passage l’éco anxiété et l’écocolère[16]. Les conséquences traumatiques liées aux événements météorologiques extrêmes peuvent même être transmises ultérieurement aux générations suivantes[17]. L’omniprésence des changements climatiques dans les médias peut aussi affecter les perceptions des risques physiques et sociétaux[18]. Mais un manque de compréhension du problème peut mener à l’inaction ou au maintien d’habitudes amplifiant le phénomène[19] : soit à l’image des perceptions quant à la sévérité et/ou l’urgence d’agir[20].

Selon plusieurs chercheurs en éducation relative à l’environnement, la crise du climat actuelle résulte en partie des attitudes héritées du 20e siècle qui encore aujourd’hui opposent l’approche scientifique[21] aux préoccupations écologiques actuelles. Cette opposition affecte aussi l’éducation relative à l’environnement puisque le premier pôle prédominant en éducation est celui de l’anthropocentrisme[22] : par opposition, un deuxième pôle, dit éco centriste, envisage l’environnement comme un éco-sociosystème[23]. Selon cette perspective, l’interdépendance entre tous les êtres vivants est au cœur de l’environnement, perçu comme : « (…) une matrice de vie partagée à l’intérieur de la biosphère. (…), C’est-à-dire de son lien fondamental d’apparentement à la nature (…) »[24].

Force de constater que lutter à la fois contre les changements climatiques et les inégalités sociales vont de pair[25]. Cette manière de concevoir la complexité des enjeux interreliés fait écho à une perspective chrétienne de l’environnement, de l’éducation et de l’environnement.

Une perspective chrétienne de l’orientation face à la crise du climat

En lien avec l’approche écologique, percevoir la dimension sacrée de la nature (c.-à-d. émerveillement, transcendance) peut mener les gens à adopter des comportements écoresponsables[26], particulièrement lorsque des entités religieuses mettent l’accent sur les liens d’interdépendance entre les humains et la nature qui stimulent des sentiments d’espoir et de bien-être. Soulignons toutefois que dans le paradigme judéo-chrétien, ces liens (c.-à-d. dimension sacrée) varient : certains chrétiens adoptent des croyances eschatologiques soutenant le déni, la résignation et/ou la déresponsabilisation face à la crise actuelle[27]. En revanche, des prises de position officielles telles que le « Envangelical Call to Action »[28], ou le Laudato Si’ de l’Église catholique[29], font appel au devoir des chrétien(ne)s de venir en aide aux plus démunis : des préoccupations de justice sociale qui s’alignent avec le souci environnemental (par exemple, les gens de pays pauvres n’ayant accès qu’aux combustibles fossiles pour leur survie).

Laudato si’ plaide en faveur du développement durable et des actions climatiques basées sur les principes de précaution et de responsabilité commune, mais différenciée, qu’il considère comme des obligations morales. L’encyclique nous enjoint de passer d’une relation de domination envers la nature à une de fraternité, à la manière de Saint François d’Assise, patron de l’écologie. On y propose une conversion écologique inspirée de la Trinité (et ouverte aux dimensions spirituelle, culturelle, individuelle et communautaire)[30]. En somme, l’encyclique Laudato Si’, dans sa critique morale des sociétés occidentales post-modernes, fait écho aux propos des chercheurs en éducation de l’environnement[31].

Or, l’affirmation de l’Anthropocène requiert un récit réinventé de l’espérance chrétienne[32]. Les récits d’espoir dans la littérature environnementale récente et dans les formulations chrétiennes traditionnelles reposent, l’un sur la foi en la volonté politique et l’innovation technologique, l’autre sur un souverain divin omnipotent pouvant intervenir et sauver. Force de constater que ces deux positions sont insuffisantes, il importe ainsi de promouvoir un engagement individuel et collectif[33] à agir avec réalisme et lucidité.

Bref, c’est en étant plus conscientisés, informés et responsabilisés face aux conséquences possibles des changements climatiques sur la vie humaine[34], que les divers intervenants sociaux pourront mieux soutenir et favoriser le bien-être des individus et des communautés[35].

La psychologie positive et l’approche basée sur les forces

La psychologie positive (PP) influence de nombreux domaines, tels que la gestion, le développement personnel, la santé, le leadership, le coaching et l’éducation[36]. La PP[37] connaît une ascension fulgurante depuis plus de 20 ans, attirant dans son sillon des milliers de chercheurs et de cliniciens. Elle a été créée sous l’impulsion de Martin Seligman, désenchanté par la façon dont la psychologie, et la psychologie clinique en particulier, se concentrait sur les dysfonctionnements sociaux, les troubles mentaux et la détresse psychologique des individus. Le discours prononcé par Seligman en 1998, à la tribune du 107e Congrès annuel de l’Association Américaine de Psychologie (APA), critiqua ainsi la psychologie (clinique et en général, de cette époque) qu’il jugeait trop centrée sur la souffrance et la maladie mentale – au mépris du bien-être et du bonheur.

La PP[38] représente, sinon un changement de paradigme en psychologie, clairement un renouveau au sein de la communauté scientifique. Au lieu d’étudier surtout les difficultés humaines (ou psychopathologies), on a cherché à systématiser et à regrouper les recherches empiriques portant sur les forces, les aptitudes et l’épanouissement personnel et collectif. En choisissant de mettre l’accent sur les aspects positifs de l’existence des personnes et des groupes, la PP remet à l’avant-plan des domaines essentiels au bonheur humain, trop longtemps négligés[39]. La PP se définit comme : « l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions »[40].

En plus de l’étude du bonheur, et en réaction à la tendance « psychopathologisante » du DSM-5 (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), des chercheurs[41] ont proposé une classification de six vertus et de 24 forces personnelles correspondantes basées sur leur étude des principales religions et traditions philosophiques du monde[42] selon une douzaine de critères. Parmi ces six vertus, on retrouve : (1) la sagesse (et le savoir) ; (2) le courage; (3) l’humanisme (et l’amitié); (4) la justice; (5) la modération; et (6) la transcendance. Ces six vertus sont universellement partagées depuis des millénaires. Étant trop abstraites pour être étudiées empiriquement, elles ont été associées à un ensemble précis de forces de caractère favorables au développement de mesures psychométriques telles que : Values in Action[43]. Les personnes sont appelées à identifier jusqu’à cinq principales forces personnelles (sur 24), constituant la « signature de l’individu »[44]. Ces cinq forces peuvent appartenir à n’importe lequel des six champs de vertus. Parmi ces 24 forces, on retrouve cinq forces appartenant à la vertu de la sagesse (et du savoir): (1) la  créativité; (2) la curiosité; (3) le jugement (pensée critique); (4) l’amour (désir) d’apprendre; (5) la perspective (sagesse); quatre forces correspondantes à la vertu du courage : (6) la bravoure; (7) la persévérance; (8) l’intégrité; (9) l’enthousiasme; trois forces répertoriées dans la vertu de l’humanisme (et l’amitié): (10) la gentillesse; (11) la capacité d’aimer/se laisser aimer; (12) l’intelligence sociale; trois forces appartenant à la vertu de la justice : (13) l’esprit (travail) d’équipe; (14) l’équité; (15) le leadership; quatre forces correspondantes à la modération : (16) le pardon; (17) l’humilité; (18) la prudence; (19) la maîtrise de soi; et enfin, cinq forces répertoriées dans la vertu de la transcendance : (20) l’appréciation de la beauté et de l’excellence; (21) la gratitude; (22) l’espérance; (23) l’humour; (24) la spiritualité (et religiosité).

Longtemps étudiées et appliquées dans le domaine de la santé, certains travaux de recherche[45] ont commencé à appliquer les forces de caractère au domaine de l’orientation : on vise à encadrer l’accompagnement pour promouvoir ces forces (c.-à-d. ressources psychologiques)[46] et les appliquer aux opportunités de croissance personnelle et professionnelle.

La psychagogie des valeurs comme mode d’orientation

La psychagogie[47] des valeurs : Symbolique et imaginaire en éducation[48] présente une approche d’accompagnement de la dynamique de l’imaginaire profond, testée avec des étudiant.e.s en formation à la dynamique de groupe[49], et proposée à des éducateurs en formation morale ou en animation spirituelle[50], et pour encadrer le développement d’enfants de 6 à 11 ans[51]. Elle émerge d’un croisement entre d’une part la théorie de Gilbert Durand sur Les structures anthropologiques de l’imaginaire[52], corroboré en psychologie par le test projectif sur l’imaginaire « AT.9 », créé par Yves Durand[53], et d’autre part, l’approche pratique de la « Clarification des valeurs » de pédagogues américains[54]. À sa façon, la psychagogie participe au « souhait » de Gilbert Durand que s’institue « une éducation fantastique à l’échelle de tous les fantasmes de l’humanité »[55] en vue d’éveiller un imaginaire porteur de l’ « affirmation mythique d’une Espérance »[56].

En tant que cadre conceptuel au potentiel heuristique[57] considérable, la théorie des structures anthropologiques de l’imaginaire[58] conçoit l’être humain comme un être symbolique (homo symbolicus), et l’ensemble du monde symbolique de celui-ci constitue sa capacité d’imaginer « l’Univers humain tout entier »[59]. Préconisant une vision holistique de l’être humain, Durand soutient que le trajet anthropologique de l’être humain est un continuel va-et-vient entre les influences bio neurologiques et les influences socioculturelles[60]. Il existe, à l’origine des cultures humaines, des réservoirs d’images et de symboles qui ne cessent de façonner nos manières de penser, d’agir et de rêver. C’est en faisant appel à une approche interdisciplinaire que Gilbert Durand[61] a maintes fois démontré ̶  à travers la littérature, la musique, les courants philosophiques et religieux, les mythologies, les écoles de sciences humaines, l’herméneutique des sciences appliquées  ̶  que toute activité humaine se déploie en deux grands régimes (ou polarités) mythiques complémentaires de l’imaginaire (diurne et nocturne). Ces deux régimes se déploient en trois galaxies symboliques (ou structures) à partir d’images archétypales polarisantes se disséminant d’allégories en signes jusqu’aux gestes concrets quotidiens. Ces régimes de l’imaginaire fondent des visions opposées du monde, l’une identifiée à des structures « héroïques et puristes » (associées aux actions de combattre, distinguer et séparer) et l’autre à des structures « intimistes (mystiques) et fusionnelles » (associées aux actions pacifiantes ou euphémisantes ou de blottissement). Seule une troisième catégorie de structures « synthétiques ou systémiques » peut faire en sorte que les régimes opposés de l’imaginaire parviennent à une saine harmonie l’un face à l’autre sans volonté d’exclusion. La troisième structure est « conciliatrice »[62] en apaisant à sa façon une guerre des dieux[63] se déroulant entre les deux premières. La résolution des tensions entre les deux polarités, état intérieur de sagesse, a démontré sa fécondité en santé mentale[64].

Alors qu’une croissance hypertrophiée (ou survalorisée) de l’un des régimes (diurne ou nocturne) entraîne une vision déformante de la réalité, l’actualisation de la structure mythique systémique (ou synthétique) permet la coexistence des contraires nécessaire à un état d’équilibre favorable à l’optimisation de la santé mentale et du bien-être[65]. La théorie durandienne de l’imaginaire est appuyée par le test AT.9[66]. Selon l’auteur de l’AT.9, le psychologue Yves Durand, lorsqu’un pôle mythique est entièrement manifeste et actualisé (le seul visible), l’autre demeure présent que dans sa potentialité, mais continue d’exister (plus inconsciemment). Pour favoriser un accompagnement sur le chemin vers soi des jeunes, l’éducateur faisant appel à la psychagogie des valeurs vise à l’équilibration du complexe imaginaire[67] des jeunes. Il pourrait examiner dans un premier temps, à l’aide de l’AT.9, la configuration mythique du jeune. Il pourrait ainsi se poser les questions suivantes : est-elle surpolarisée, sur-héroïque, ou sur-mystique/intimiste ? Est-elle plutôt plus proche d’une harmonisation recherchée (soit l’univers systémique constituée des deux polarités de l’imaginaire coexistantes) ?

À l’imaginaire s’ajoute la « Clarification des valeurs », processus pédagogique découlant du concept de valeur [68], dans le cadre d’un accompagnement visant à développer l’autonomie individuelle. Soit la pratique d’une écoute active basée sur les sept composantes d’une valeur résultant (1) d’un libre choix (2) fait parmi plusieurs options (3) analysées quant à leurs conséquences (4) et ce choix estimé (5) au point de pouvoir en témoigner (6) et de le mettre en œuvre de façon répétitive dans sa vie (7) pour qu’il devienne une habitude. Des grilles complémentaires facilitent l’orientation sans jugement de la personne aidée : par exemple pour explorer la liberté de choix (face à ceux de son entourage), ou pour clarifier des critères, significations, indices et/ou paroles pouvant révéler les valeurs (buts, intentions, aspirations)[69]. Ces axes fondamentaux de la psychagogie des valeurs dessinent un trajet anthropologique applicable à l’éducation à la vie spirituelle[70].

Discussion

Revenons au contexte de la crise du climat, source entre autres d’anxiété et de colère chez les jeunes. Selon un rapport de l’UNESCO[71], l’année 2020 a été la plus chaude jamais observée; et selon les experts, un million d’espèces sont présentement menacées d’extinction. On parle de développement durable ̶  économique, écologique et social  ̶  alors que le style de vie occidental semble plus difficilement soutenable à long terme pour tous les humains[72]. Dans ce rapport de l’UNESCO[73] (décrivant les résultats d’une étude récente examinant l’intégration des questions environnementales et climatiques à l’éducation dans 93 pays), on constate que 45 % des documents éducatifs ne les mentionnent pas, ou très peu.

En marge de l’encyclique Laudato Si’, une perspective chrétienne de l’orientation se doit soutenir l’espoir tout en encourageant les jeunes à faire fructifier leurs talents, dons et forces naturelles, soit en les aidant à clarifier leurs valeurs afin de mieux orienter leurs choix personnels et professionnels tout en tenant compte des défis auxquels ils auront à faire face, dont celui de la crise du climat.

L’une des principales contributions de la PP[74] est l’approche empirique basée sur les forces personnelles[75], laquelle s’enracine en partie dans l’éthique des vertus[76] d’Aristote. Cette approche fait écho au counselling pastoral qui vise à reconnaître et mobiliser les dons de l’esprit, dans une perspective holistique, voire une exhortation au salut[77]. La psychagogie des valeurs, une approche plus phénoménologique et symbolique, est une autre manière de considérer l’essence même des jeunes, à l’écoute de leur dynamisme profond incarné dans leurs valeurs (et les choix qui en découlent).

Les deux approches pédagogiques proposées ici s’inscrivent dans une perspective chrétienne. L’approche basée sur les forces personnelles, issue de la psychologie positive, vise à identifier objectivement les forces déjà socialement actualisées chez les jeunes, et qui les animent selon leur signature personnelle (5 forces dominantes – ou dons particuliers – parmi les 24 répertoriées). Cette approche peut aider les jeunes, en quête de validation identitaire, à mieux se connaître, s’apprécier, et s’accepter, et de mieux discerner leurs choix selon leurs forces personnelles. Mais ce regard extérieur peut s’avérer insuffisant sans la psychagogie des valeurs pour sonder l’intériorité des jeunes. Cette approche phénoménologique, examinant l’imaginaire profond (plus inconscient), puis la clarification des valeurs, demeure plus subjective, contemplative et intérieure. Elle vise à accompagner les jeunes pour l’aider à se conscientiser à l’importance de cheminer vers un équilibre plus harmonieux des deux polarités diurne et nocturne, tout en explorant et clarifiant les valeurs qui animent en profondeur les jeunes dans leur unicité – afin de mieux les comprendre avant de les orienter.

Tout ce travail d’orientation des jeunes implique que les éducateurs comprennent bien l’acte d’accompagner[78]. L’accompagnateur n’est pas un guide qui s’impose à l’autre, en raison de son savoir et son expertise, car il importe d’abord : « (…) [d’] aider l’autre à clarifier son propre système de valeurs »[79].

Nous avançons que le choix de carrière et de vocation des jeunes pourrait davantage englober le contexte environnemental, qui peut s’arrimer[80] étroitement avec le domaine religieux, spirituel, et chrétien. Nous sommes des êtres spirituels incarnés dans un corps physique lui-même issu de la nature qui nous lie à la « Terre Mère »[81]. C’est en cultivant un regard contemplatif, appréciatif et sacré de la vie sous toutes ses formes que nous arrivons à mieux reconnaître nos forces et nos limites, notre pleine humanité en toute humilité (du latin humus, terre) de par notre appartenance à la nature à titre d’êtres spirituels incarnés.

Cette quête d’harmonisation de notre être avec la nature nous permet aussi de clarifier nos valeurs, et de mieux apprécier notre dignité parmi la Création. Cette expérience nous rend plus aptes à respecter la nature dont nous faisons intimement partie.

« Lorsque nous faisons l’expérience de la nature, nous développons un profond sentiment d’empathie et d’amour pour elle, et lorsque nous aimons quelque chose, nous en prenons soin, nous le conservons et nous le protégeons. Une grande partie du mouvement environnemental actuel est motivée par la peur du malheur et du désastre. Cela ne peut être la bonne motivation pour un avenir véritablement durable. L’amour et la vénération pour la Terre entraîneront automatiquement la durabilité, la cohérence et l’harmonie »[82].

Aider les jeunes à identifier leurs forces et à clarifier leurs valeurs profondes, tout en étant soucieux de leurs préoccupations actuelles (dont notamment l’éco anxiété et l’écocolère), est une approche empathique à entreprendre auprès d’eux sur le chemin de l’espérance. Une perspective chrétienne de l’orientation – dans le contexte actuel – doit donc aider les jeunes à développer un regard bienveillant envers la nature afin de mieux préserver l’espérance malgré les adversités, l’incertitude, et la menace d’une catastrophe climatique. Cette perspective doit être incarnée dans l’humilité de notre réalité corporelle née de la biosphère. Si cette terre est le paysage externe, l’âme humaine est le reflet intérieur[83] de la création dite à l’image et à la ressemblance d’un Dieu d’amour et d’espérance. Or, les éducateurs, les enseignements, les adultes et les mentors de jeunes pourront aussi mieux transmettre la foi en ce Dieu d’amour s’ils demeurent à l’écoute des préoccupations des jeunes envers l’avenir du climat.

Une perspective chrétienne de l’orientation des jeunes ne peut donc passer sous silence les défis découlant des changements climatiques. Selon les sondages, nous l’avons souligné, les jeunes sont inquiets pour leur avenir lié au climat[84] : leur enlever l’avenir est leur enlever l’espoir – y compris en tout Dieu, quel qu’il soit. L’encyclique Laudato Si’ adopte une position claire contre une vision anthropocentrique excessive qui place l’être humain au centre de la création. L’auteur de l’encyclique[85], comme bien d’autres intellectuels chrétiens et non chrétiens, des Saints de l’Église catholique (St-François), et des théologiens (Bonaventure), ont proposé de voir la création comme un don et non pas comme un bien à dominer[86]. Orienter chrétiennement les jeunes doit donc les inviter à réfléchir sur liens avec la terre, leurs forces personnelles et valeurs qu’ils peuvent incarner dans des choix vocationnels signifiants pour eux et pour le bien de la société et de la maison commune. Les parents, les enseignants, les éducateurs (toutes et tous appelé.e.s à devenir des « passeurs d’imaginaires[87]»), peuvent ainsi accompagner les jeunes dans la découverte de leurs dons, et leurs talents, afin qu’ils puissent en retour les partager avec les autres et éventuellement les transmettre aux futures générations[88].

Laudato Si’ présente le projet de l’écologie intégrale, laquelle nous permet ainsi de nous interroger sur notre manière de vivre ces relations fondamentales : avec soi-même, les autres, la création (nature, cosmos) et le Transcendant (Dieu trinitaire). Elle est vue comme un lieu de vie et d’espérance[89] capable de vivifier et dynamiser le cœur et l’esprit des êtres humains afin de vivre aussi en communion avec la biodiversité. De même, nous devons trouver des façons d’imaginer encore les possibles via les potentialités à découvrir et faire fructifier (et donner des fruits en abondance)[90], de concert avec les valeurs profondes propres à notre volonté, notre cœur, notre intelligence, et notre sensibilité. C’est que les jeunes ont besoin d’être accompagnés (et parfois orientés) vers un double mouvement d’accueil empathique des souffrances d’autrui et des leurs, afin de les assumer pleinement pour les transcender. Enfin, la perspective chrétienne de l’orientation n’est pas celle de la peur, mais de l’engagement par amour (et non pas par une quelconque obligatoire de préserver la nature).

En somme, en orientant chrétiennement les jeunes à l’ère de la crise du climat, il importe de les accompagner dans leur capacité d’apprendre à aimer aussi la nature comme eux-mêmes et les autres, et Dieu, en les invitant à mettre leurs forces, leurs dons, au service de l’humanité et du respect et de la sauvegarde de la maison commune. C’est ainsi qu’ils pourront pleinement s’épanouir, ayant découvert leur propre nature – essence ou identité – pour mieux choisir leur vocation.

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Pour citer cet article
Référence électronique : Christian Bellehumeur, Cynthia Bilodeau et Marquis Bureau, « Orienter les jeunes dans le contexte des changements climatiques : contributions de l’approche basée sur les forces et sur la psychagogie des valeurs », Educatio [En ligne], 13| 2022. URL : https://revue-educatio.eu

Droits d’auteurs
Tous droits réservés

[1] Professeur titulaire, psychologue et psychothérapeute autorisé, École de counselling, psychothérapie et Spiritualité, Université Saint-Paul (Ottawa, Ontario, Canada).

[2] Professeure agrégée, psychothérapeute autorisé, École de counselling, psychothérapie et Spiritualité, Université Saint-Paul (Ottawa, Ontario, Canada).

[3] MA, coach humaniste, professeur à temps partiel, et doctorant (recherche interdisciplinaire en enjeux sociaux contemporains), Université Saint-Paul (Ottawa, Ontario, Canada).

[4] Marks, E., Hickman, C., Pihkala, P., Clayton, S., Lewandowski, E., Mayall, E. E, Wray, B., Mellor, C., & van Susteren, L. 2021. Young People’s Voices on Climate Anxiety, Government Betrayal and Moral Injury: A Global Phenomenon. Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3918955. Selon un autre sondage réalisé auprès de plus de 28 000 personnes vivant dans 14 pays, dont le Canada, 71 % des gens interrogés considèrent les changements climatiques comme une crise aussi grave que la COVID-19. Comparés aux Américains âgés de 50 ans et plus, ceux de 18 à 29 ans les perçoivent davantage comme une menace sérieuse. Voir : Ipsos (2020, April). Earth Day 2020. How does the world view climate change and COVID-19? https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2020-04/earth-day-2020-ipsos.pdf; Funk, C. & Tyson, A. (2020, June 24). Millennial and Gen Z Republicans stand out from their elders on climate and energy issues. [Survey for Pew Research Center. Science and Society]

https://www.pewresearch.org/fact-tank/2020/06/24/millennial-and-gen-z-republicans-stand-out-from-their-elders-on-climate-and-energy-issues/

[5] La Presse, 2021; Pape François (2015), Lettre encyclique Laudato si’ du Saint-Père François sur la sauvegarde de la maison commune, [En ligne] URL : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/
documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html.

[6] Rousseau, N. et Espinosa, G. (2018). Le bien-être à l’école. Enjeux et stratégies gagnantes.
Presses de l’Université de Québec.

[7] Peterson, C., & Seligman, M. E. P. 2004. Character strengths and virtues: A handbook and classification. American Psychological Association; Oxford University Press.

[8] Laprée, R. 2000. La psychagogie des valeurs. Symbolisme et imaginaire en éducation. Montréal, Canada : Éditions Logiques; Laprée, R. et S. Blouin, 2020. « La psychagogie comme mode d’accompagnement », Éducation et socialisation [En ligne], 56 | 2020, URL : http:// journals.openedition.org/edso/12003

[9] Le terme « Vivant » est pris ici au sens d’animal, végétal et unicellulaire. Voir : Dell’Angelo-Sauvage, M., Bernard, M. & de Montgolfier, S. (2016). Analyse des enjeux relatifs au vivant dans les programmes scolaires français et québécois. Spirale – Revue de recherches en éducation, 58, 35-52. https://doi.org/10.3917/spir.058.0035; Boelen, V. (2020a). Réflexion sur une approche holistique d’éducation au vivant intégrant la dimension spirituelle du sujet. Éducation relative à l’environnement : Regards, Recherches, Réflexions, 15 (2). https://doi.org/10.4000/ere.5667.

[10] Bourgon, J., 2020, Jun 3. COVID-19 and Climate Change: A Foretaste of Public Service in the 21st Century. Digital Issue 6. https://www.csc.gov.sg/articles/covid-19-and-climate-change-a-foretaste-of-public-service-in-the-21st-century

[11] Cianconi, P., Betrò, S. & Janiri L. (2020). The Impact of Climate Change on Mental Health: A Systematic Descriptive Review. Front. Psychiatry 11:74. doi: 10.3389/fpsyt.2020.00074

[12] Voir les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/

[13] Bimont, A. et J. Decq, 2021. Écologie : Mieux comprendre… Pour tout changer! Larousse.

[14] Bélanger, D., Gosselin, P., Bustinza. R. et C. Campagna, 2019. Changements climatiques et santé. Prévenir, soigner et s’adapter. Québec : Presses de l’Université Laval.

[15] Clayton, S., Manning, C. M., Krygsman, K., & Speiser, M. 2017. Mental Health and Our Changing Climate: Impacts, Implications, and Guidance. Washington, D.C.: American Psychological Association, and ecoAmerica; Mullins, J. T., & White, C. 2019. Temperature and mental health: Evidence from the spectrum of mental health outcomes. Journal of health economics, 68, 102240. https://doi.org/10.1016/j.jhealeco.2019.102240

[16] Selon G. Albrecht, l’écoanxiété se réfère au sentiment d’anxiété ou préoccupation vécu par une personne concernant les conséquences perçues et appréhendées des changements climatiques. Albrecht, G. (2011). Chronic environmental change: Emerging “psychoterratic” syndromes. In I. Weissbecker (Ed.), Climate change and human well-being: Global challenges and opportunities (pp. 43–56). New York, NY: Springer. Selon Stanley et ses collègues, appliquée à la crise climatique, l’inquiétude quant à l’avenir de la planète peut également se manifester sous la forme d’une colère écologique, laquelle est dirigée vers ceux et celles tenus responsables de l'(in)action sur le changement climatique (ex. les dirigeants des industries polluantes, les leaders politiques). Comparativement à l’écoanxiété, l’écocolère est par ailleurs susceptible de déclencher un plus grand engagement de la part des citoyens, à la fois individuellement (adoption de comportements écoresponsables) et collectivement (implication dans des mouvements proclimat). Stanley, S.K., Hogg, T.L., Leviston, Z. & Walker, I. 2021. ‘From anger to action: Differential impacts of eco-anxiety, eco-depression, and eco-anger on climate action and wellbeing’. The Journal of Climate Change and Health, available at https://doi.org/10.1016/joclim.2021.100003

[17] Cianconi et al., 2020; Les changements climatiques menacent aussi le développement durable, la santé et la qualité de vie, voire même la survie des futures générations. (Bélanger et al., 2019), car ses conséquences exacerbent les inégalités socio-économiques.  Bathiany, S., V. Dakos, M. Scheffer, and T.M. Lenton, 2018. Climate models predict increasing temperature variability in poor countries. Science Advances, 4(5). eaar5809, doi:10.1126/sciadv.aar5809; Nielsen, K. S., Clayton, S., Stern, P. C., Dietz, T., Capstick, S., & Whitmarsh, L. 2020. How psychology can help limit climate change. American Psychologist. Advance online publication. https://doi.org/10.1037/amp0000624

[18] O’Neill, S., & Nicholson-Cole, S. 2009. “Fear Won’t Do It” Promoting Positive Engagement With Climate Change Through Visual and Iconic Representations. Science Communication, 30, 355–379; Schmidt, A., A. Ivanova, and M. S. Schäfer. 2013. Media attention for climate change around the world: A comparative analysis of newspaper coverage in 27 countries. Global Environmental Change, 23, 1233-1248.

[19] Koh, H. 2016, January 19. Communicating the Health Effects of Climate Change. JAMA : the Journal of the American Medical Association, pp. 239–240.

[20] Funk et Tyson, 2020; Reinhart, R.J. 2018, May 11. Global Warming Age Gap: Younger Americans Most Worried. https://news.gallup.com/poll/234314/global warming-age-gap-younger-americans-worried.aspx

[21] Selon Boelen, l’approche scientifique face à la vie met l’emphase sur la puissance de transformation des humains sur la nature, notamment en raison de l’émergence des biotechnologies et nanotechnologies. Cette tendance reflète un désir de contrôle sur l’environnement, mettant les humains à distance, voire en rupture face à la nature. Voir : Boelen, V. 2020. Réflexion sur une approche holistique d’éducation au vivant intégrant la dimension spirituelle du sujet. Éducation relative à l’environnement : Regards, Recherches, Réflexions, 15 (2). https://doi.org/10.4000/ere.5667. Toutjours selon Boelen, se référant à Naess, l’approche écologique conçoit le rapport des humains face au vivant selon une perspective systémique; on parle d’une éthique environnementale reconnaissant une valeur intrinsèque à la nature. « L’approche scientifique est considérée comme réductionniste, associée à un esprit mécaniste et à une méthodologie analytique, l’approche écologique du vivant se vit comme relation, privilégiant une posture phénoménologique (…) dans le rapport expérientiel au vivant » (Boelen, 2020, p. 2); Næss, A. 2008. Écologie, communauté et style de vie. Paris : Éditions MF.

[22] Boelen, V. (2020). Réflexion sur une approche holistique d’éducation au vivant intégrant la dimension spirituelle du sujet. Éducation relative à l’environnement : Regards, Recherches, Réflexions, 15 (2). https://doi.org/10.4000/ere.5667. Boelen souligne que : « (…) l’être humain prime et les entités naturelles ne sont considérées qu’au regard de leur valeur instrumentale selon une perspective utilitariste, opérant une désolidarisation entre l’être humain et son milieu de vie naturel. » (p. 2).

[23] Boelen, V. 2020.

[24] Boelen, V. 2020, p. 3.

[25] Pape François, 2015.

[26] Niemiec, R. M., Russo-Netzer, P., & Pargament, K. I. (2020). The Decoding of the Human Spirit: A Synergy of Spirituality and Character Strengths Toward Wholeness. Frontiers in psychology, 11, 2040. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2020.02040; Zelenski, J. M., & Desrochers, J. E. (2021). Can positive and self-transcendent emotions promote pro-environmental behavior?. Current opinion in psychology, 42, 31–35. https://doi.org/10.1016/j.copsyc.2021.02.009

[27] Sachdeva, S. (2016), Religious Identity, Beliefs, and Views about Climate, Climate Science: Oxford Research Encyclopedias Change, DOI: 10.1093/acrefore/9780190228620.013.335

[28] Goodstein, Laurie (February 8, 2006). « Evangelical Leaders Join Global Warming Initiative ». The New York Times.; Lampman, Jane (March 12, 2008). « Southern Baptist leaders urge climate change action ». The Christian Science Monitor.

[29] Pape François, 2015.

[30] Crabbé, P. 2016. « Laudato si’», une responsabilité cosmique de la maison commune. VertigO, 16(2). On constate aussi que l’encyclique fait référence aux quatre piliers de la spiritualité chrétienne, décrits par R. Rolheiser : (1) la prière et la morale privée; (2) la justice sociale; (3) la bienveillance et l’esprit; et (4) la communauté comme élément constitutif du vrai culte. Rolheiser, R. (2014). The Holy Longing: The Search for a Christian Spirituality. P. Kindle Edition. P.257.

[31] Boelen, 2020. En effet, «Abandonner l’actuel paradigme techno-scientifique pour adopter l’écologie intégrale demande donc de relever un véritable ‘défi éducatif’ d’une ampleur de premier ordre » (Franceschetti, 2021, p. 1). «Le Pape donne pour mission aux différents acteurs éducatifs de ne pas se limiter à informer ou à se satisfaire de l’existence des lois écologiques et de leur respect, mais, par leurs démarches propres, critiquer les mythes de la modernité et éduquer aux différents niveaux d’équilibres écologiques (avec soi-même, avec les autres et avec Dieu) pour faire éclore un nouveau style de vie » (Franceschetti, 2021, p. 1). P.  Franceschetti, « Le défi éducatif de Laudato Si’ », Educatio [En ligne], 11 | 2021. URL : https://revue-educatio.eu

[32] Robinson T. 2020. Reimagining Christian Hope(lessness) in the Anthropocene. Religions; 11(4):192. https://doi.org/10.3390/rel11040192

[33] Dans son ouvrage, Ingrid Burkett traite de l’importance pour un organisme communautaire de préciser son « cadre d’engagement » par rapport aux systèmes dominants. Elle identifie cinq options : être victime du système ; accepter le système ; s’opposer au système ; s’engager à modifier le système ; construire des alternatives en dehors du système. Burkett, I., 2011. Organizing in the new marketplace: contradictions and opportunities for community development organizations in the ashes of neoliberalism. Community Development Journal, 46(suppl 2): ii111–ii127. <doi: 10.1093/cdj/bsr002

[34] Clayton et al., 2017; Swim, J. K., Stern, P. C., Doherty, T. J., Clayton, S., Reser, J. P., Weber, E. U., Gifford, R., & Howard, G. S. 2011. Psychology’s contributions to understanding and addressing global climate change. The American psychologist, 66(4), 241–250. https://doi.org/10.1037/a0023220

[35] Swim et al., 2011; Clayton et al., 2017.

[36] Martin-Krumm, C. & Tarquinio, C. 2011. Traité de psychologie positive. Bruxelles : De Boeck;

Rousseau et Espino, 2018.

[37] Le terme « psychologie positive » est apparu initialement en 1954 dans le dernier chapitre du livre « Personnalité & motivation » d’Abraham Maslow. Voir : Bellehumeur, C.R. (2019). Psychologie positive et psychothérapie positive : un bilan synthèse des contributions majeures (chapitre 2). Dans C.R. Bellehumeur, J. Malette, J. (dir.) Psychologie positive et spiritualité en psychothérapie : Fondements, Recherches et Applications. (pp. 41-69). Québec : Presses de l’Université Laval.

[38] Bellehumeur, C.R. 2019.

[39] Bellehumeur, C.R. 2019.

[40] Gable, S.L. et J. Haidt. 2011. Qu’est-ce que la psychologie positive (et pourquoi) ? Dans C. Martin-Krumm et C. Tarquinio (dir.), Traité de Psychologie Positive. Fondements théoriques et implications pratiques, Bruxelles, De Boeck : 29-40.

[41] Peterson et seligman, 2004

[42]  L’étude est centrée sur « les traditions les plus influentes de la pensée dans l’histoire humaine », y compris le Confucianisme, le Taoïsme, le Bouddhisme, l’Hindouisme, la Grèce antique (philosophie), le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. Dahlsgaard, K., Peterson, C., & Seligman, M. E. P. (2005). Shared Virtue: The Convergence of Valued Human Strengths across Culture and History. Review of General Psychology, 9(3), 203–213. https://doi.org/10.1037/1089-2680.9.3.203

[43] Le test VIA-IS s’appuie sur la croyance que les forces sont la manifestation réelle des vertus et sont associées au bien-être. L’outil regroupe 240 items (10 pour chaque force) sur une échelle de Likert en 5 points. Le VIA-IS a été traduit en 39 langues. McGrath, R. E. 2019. Technical report: The VIA Assessment Suite for Adults: Development and Initial Evaluation Revised Edition. https://www.viacharacter.org/pdf/Technical%20Report%20Revised%20Edition%202019_1.pdf

[44] Selon Peterson et Seligman, 2004, une fois ces forces identifiées, leur utilisation régulière permet d’atteindre les vertus connexes, et ainsi d’augmenter le bien-être et se protéger des troubles mentaux.

[45] Littman-Ovadia, H., Lazar-Butbul, V., Benjamin, B. A. 2014. Strengths-based career counseling: Overview and initial evaluation. Journal of Career Assessment, 22, 403–419; Mollen, D., Ethington, L. L., Ridley, C. R. 2006. Positive psychology: Considerations and implications for counseling psychology. The Counseling Psychologist, 34, 304–312; Owens, R. L., Flores, L. Y., Kopperson, C., Allan, B. A. 2019. Infusing positive psychological interventions into career counseling for diverse populations. The Counseling Psychologist, 47, 291–314.

[46] Gelso, C. J., Williams, E. N., Fretz, B. 2014. Counseling psychology (3rd ed.). Washington, DC: American Psychological Association.

[47] Le mot psychagogie se compose de deux racines grecques « agogie » (action de mener, conduire et de guider) et « psycha » (âme) Laprée, R. 2017. La sagesse des 9-12 ans – Accompagner l’autre sur le chemin vers soi. Paris, France : Hermann Éditeurs, p. 137.

[48] Laprée, R. 2000.

[49] Laprée, R. (2004). Un test archétypal pour rééquilibrer le sens. Dans I. Grellier, H. Strub et E. Genre (dir.), Tradition chrétienne et créativité. Quand les arts stimulent le dialogue œcuménique. Zurich, Suisse : Édition S.I.T.P., p. 199-212.

[50] Laprée, R. 2004, 2017.

[51] Laprée et Blouin, 2020; Laprée (2017) traite des jeunes âgés de 9 à 12 ans.

[52] Durand, G. 2016. Les structures anthropologiques de l’imaginaire: Introduction à l’archétypologie générale. 12ième Edition. Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.duran.2016.01

[53] Durand, Y., 1988; 2005.

[54] Laprée, R. 2000.

[55] Durand, 2016, p. 462.

[56] Durand, 1964, p. 126.

[57] Wunenburger, J.-J. 2013. L’anthropologie de l’imaginaire selon Gilbert Durand : Contextes, options, enjeux. Dans R. Laprée et C.R. Bellehumeur (éditeurs). L’imaginaire durandien – Enracinements et envols en Terre d’Amérique. (pp. 3- 17). Québec : Presses de l’Université Laval. Soulignons que la perspective anthropologique de l’imaginaire développée par Gilbert Durand, a été appliquée à la psychologie, l’éducation, la philosophie, la théologie et aux sciences religieuses.

[58] Durand, 1960 (première édition), (12ième ed., 2016).

[59] Durand, G. 1979. Figures mythiques et Visage de l’œuvre: De la mythocritique à la mythanalyse. Paris: Berg International, p. 23.

[60] Durand, G. 2016.

[61] Durand, G. 1960; 2016.

[62] L’expression conjunctio oppositorum ou coincidentia oppositorum, chère à Jung et à Eliade, traduit autrement le dilemme humain évoqué ici, voir Laprée, R. 2000.

[63] Utilisant l’expression wébérienne de « polythéisme des valeurs », G. Durand qualifie ainsi cette dynamique ultime en l’être humain (Laprée, R. 2000, pp. 361-403 : « La notion de valeur chez G. Durand »).

[64] voir la préface de Gilbert Durand dans Durand, Y.1988. L’image et l’imaginaire Yves Durand L’exploration de l’imaginaire : introduction à la modélisation des univers mythiques. Paris : Éd. L’espace bleu.

[65] Durand, G. (1980). L’Ame tigrée, les pluriels de Psyché, « Médiations », Paris, France : Denoël et Gonthier; Laprée, R. 2000.

[66] L’AT.9 (« Test Anthropologique de l’imaginaire à 9 éléments ») demande au participant de dessiner, puis d’expliquer par écrit neuf éléments imposés (chute, épée, refuge, monstre dévorant, quelque chose de cyclique, personnage, eau, animal, feu) pouvant constituer une mise en scène archétypale ou univers mythique correspondant à l’une ou l’autre polarité décrite précédemment. L’analyse pointue du test identifie des nuances à l’intérieur de ce classement général, fournissant ainsi un portrait de l’imaginaire de l’individu. Ce test a été appuyé empiriquement auprès de milliers de participants dans plusieurs pays (France, Brésil, etc); Durand, Y. (2005) Une technique d’étude de l’imaginaire : L’AT.9. Paris : Harmattan.

[67] « Toute expérience [que le jeune] faite constitue du matériel à fabriquer des images intérieures, donc à meubler même inconsciemment son espace imaginaire. C’est à la proportion de matériel activé dans l’une et l’autre polarité que l’éducateur ou l’éducatrice doit porter attention : Ce jeune vit-il quelque équilibre intérieur, cette autre vit-elle une surcharge polaire? Qui dit surcharge d’un côté dit automatiquement carence du côté opposé, puisque la santé de l’imaginaire est constituée de la tension bien nourrie entre les polarités diurne et nocturne en présence. Visant l’équilibration du complexe imaginaire, l’acte psychagogique consistera à favoriser l’accès à la polarité en carence par la mobilisation d’une partie de l’énergie du jeune vers une activité du type opposé, qu’il exploite peu. » (Laprée, R. 2017, pp. 138-139). Par exemple, pour accompagner les jeunes de 9 à 12 ans (et ces activités pourraient bien s’appliquer ou être adaptées pour des jeunes adolescents), Laprée propose que dans le contexte éducatif, l’acte psychagogique des éducateurs peut faire appel à une gamme variée d’activités permettant à chaque jeune d’expérimenter des bienfaits parmi une gamme de ressources répertoriées en cinq grandes catégories (la gestuelle, la perception sensitive, la parole, l’évocation et l’action).

[68] Pour approfondir le concept de valeur, voir Laprée, 2000, chapitre 1.

[69] Fortin, G., Laprée, R., & Malette, J. 2011. Le modèle de la clarification des valeurs: Son application dans la mise à jour des valeurs en counselling, Counselling and Spirituality / Counseling et spiritualité, 30(2), 161–178.

[70] Laprée et Blouin, 2020, proposent une synthèse éclairante des liens entre ce trajet anthropologique et la vie spirituelle. L’imaginaire, est perçu comme la faculté première, essentiellement créatrice de sens (en lien avec l’axe de transcendance) chez l’homo sapiens : l’inconscient des profondeurs, source autonome d’énergie archétypale, insuffle un désir d’accomplissement individué (influence jungienne). En résumé, ce trajet naît d’une herméneutique instaurative de sens (G. Durand, 2016) qui rejoint d’abord les interprétations psychanalytiques de l’éducation à la vie spirituelle. Puis il s’accorde avec les interprétations éducatives contextuelles et se déploie dans un pluralisme symbolique cohérent, dont diverses interprétations développementales en constituent une trajectoire linéaire non exclusive.

[71] UNESCO, 2021. « Learn for our planet: a global review of how environmental issues are integrated in education. ». Rapport publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

[72] Bimont, A. et Decq, J. 2021.

[73] UNESCO, 2021.

[74] De nombreux concepts de la PP prennent racine dans les valeurs chrétiennes. Voir : The Gospel of Happiness: Rediscover Your Faith Through Spiritual Practice and Positive Psychology, NY, USA, Random House USA Inc.; Moschella, M.C. (2011). Positive Psychology as a resource for pastoral theology and care: A preliminary assessment. The Journal of Pastoral Theology, 21, 5-1-5-17.

[75] Peterson et Seligman, 2004

[76] L’auteure Anne Corvellec propose, en vue d’une éducation durable et éthique, de cultiver des « vertus écologiques » (LS, 88) telles que la patience, l’humilité, la tempérance, l’hospitalité, la justice. Anne Corvellec, « Pour quoi avons-nous besoin de cette terre ? », Educatio [En ligne], 11 | 2021. URL : https://revue-educatio.eu

[77] Saint-Arnaud, Y. 2005. La relation d’aide pastorale. Novalis.

[78] M. Paul, 2012, se réfère à la définition commune du verbe « accompagner », qu’elle définit par le fait de : « Se joindre à quelqu’un/pour aller où il va/en même temps que lui », p. 14, voir : Paul, M. 2012. L’accompagnement comme posture professionnelle spécifique : L’exemple de l’éducation thérapeutique du patient. Recherche en soins infirmiers, 110, pp. 13-20. Elle définit aussi l’accompagnement à partir d’une matrice sémantique tripartite : guider (orienter, conseiller), escorter et conduire, qui fait en sorte que celui ou celle qui accompagne est en veille (veille sur, surveille et éveille) l’autre personne. Paul, M. 2004. L’accompagnement : une posture professionnelle spécifique », Recherche et formation [En ligne], 52 | 2006, URL : http://journals.openedition.org/rechercheformation/1242

[79] Paul, 2004, p. 233.

[80] G. Deschênes, 2007. Le loisir : une quête de sens. Essais de théologie pratique. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007, xv-288; Boelen, V., 2020. En effet. la nature peut servir de lieu de refuge rassurant, et de ressourcement, loin du stress urbain, et propice à l’appréciation de la beauté de la création et de ses rythmes naturels sereins, vivifiants et régénérateurs. Hars, M. (2021, mars 19). La nature comme refuge. Radio-Télévision Belge Francophone. https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_monique-hars-la-nature-commerefuge ?id=10723. Pareil contact peut favoriser l’expérience spirituelle, au sens qu’elle incite à y vivre une forme de rencontre avec le Transcendant, Dieu. Bischoff, J. L. (2017). Penser la notion de rencontre. L’Harmattan.

[81] Pape François, 2015. Soulignons aussi que les liens entre la spiritualité (l’expérience du Divin) et l’écologie (l’expérience de la nature) nous invitent à prendre conscience que la foi et l’éducation au vivant sont toutes deux porteurs de fruits en abondance (cf. St Jean, 15, 7-11, dans TOB. Collectif (trad. de l’hébreu), La Bible, Traduction œcuménique, Villiers-le-Bel/Paris, Bibli’O – Société biblique française — Les éditions du Cerf, 2010, 2079 p.

[82] Kumar, S. (2015). Soil, Soul, and Society, a new trinity for our time. Kindle Edition, p. 232

[83] Kumar, S. (2015), p. 232

[84] Marks et al., 2021.

[85] Geoffrey Legrand propose une relecture intéressante du chapitre 6 de Laudato Si’ mise en perspective avec le « Pacte éducatif mondial », en soulignant quatre points de la réflexion du Pape. Laudato Si’ considère très clairement la nature comme un lieu de spiritualité. « L’éducation environnementale a progressivement élargi le champ de ses objectifs. Si au commencement elle était axée sur l’information scientifique ainsi que sur la sensibilisation et la prévention des risques environnementaux, à présent cette éducation tend à inclure une critique des ‘mythes’ de la modernité (individualisme, progrès indéfini, concurrence, consumérisme, marché sans règles), fondés sur la raison instrumentale; elle tend également à s’étendre aux différents niveaux de l’équilibre écologique : au niveau interne avec soi-même, au niveau solidaire avec les autres, au niveau naturel avec tous les êtres vivants, au niveau spirituel avec Dieu »  G. Legrand. « Rédiger de nouveaux projets éducatifs inspirés par Laudato Si’ », Educatio [En ligne], 11 | 2021. URL : https://revue-educatio.eu (210).

[86] À l’instar de St-François d’Assise, nous croyons que la beauté de la création va de pair avec la compassion face à la souffrance humaine : non pas dans un état d’esprit alarmiste ou un volontarisme zélé d’engagement écologique, mais plutôt en cultivant un regard de bienveillance et de compassion envers la vie sous toutes ses formes, dans un esprit d’interdépendance. Pape François (2015).

[87] Durand, G. 1960

[88] TOB, 2010, Rm 8, 18-22

[89] TOB, 2010, Ps 103

[90] TOB, 2010, Jn 15