Bertrand Bergier
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Depuis la seconde moitié du XXème siècle, l’éducation scolaire au Brésil est de plus en plus exposée aux rationalités économiques, à un capitalisme oeuvrant pour un nouvel « nouvel ordre éducatif » (Antunes, 2008). Ce n’est pas sans conséquence sur l’école et l’université. Emergent un « capitalisme académique » (Slaughter et Rhoades, 2004 ; Paraskeva et al. 2009)
Les différents articles (Romanowski, Saheb et Martins ; Sanches et Vieira) mettent en lumière les différents défis auquel est confronté le système scolaire et universitaire brésilien : défi relatif à la formation des enseignants de base (Romanowski, Saheb et Martins ; Ens et Nagel ; Sanches et Vieira), défi d’un analphabétisme persistant, défi qu’implique, pour les enseignants et les établissements, des pédagogies marginales-sécantes telle la mise en œuvre de la « classe inversée » (Serqueira, Vosgerau, Kozanitis, Romanowski ), défi d’une tension entre une logique de démocratisation, d’égalité des chances, d’émancipation par la culture et une logique de modernisation subordonnant la formation et l’action éducative aux exigences du marché (Boneti), défi d’une traduction dans les faits du droit d’accès à l’enseignement supérieur via une élucidation des conditions ayant rendu possible la production d’un tel droit pour la jeunesse brésilienne (Fischer et Gisi).
Le travail de contextualisation au plan politique, économique, social et l’étude soignée de la législation et des instructions officielles dans le champ éducatif permettent de situer et d’amarrer ces défis à une société donnée, à une époque donnée. Est posée la question de la résistance, par-delà la situation brésilienne, à la promotion persistance d’un mode de régulation globalisé et économique.
Jetant des ponts entre les continents, l’article de Mesquida et Fereira risque à sa façon une réponse en mettant en dialogue deux célèbres pédagogues qui ont d’ailleurs échanger de leur vivant dans les années 1960-70 : Paolo Freire et Ivan Illich. Leurs pensées et actions éducatives convergent vers une déscolarisation. Scolarisation et éducation sont, pour ces penseurs, antinomiques. Le premier entendait remplacer l’école par des cercles de culture, d’échanges de savoirs et de savoir-faire, visant l’émancipation d’hommes et de femmes opprimés par le système capitaliste ; le second en appelait à la création de réseaux de communications pédagogiques, d’échanges de connaissances, capables de rapprocher les individus, de développer leur esprit critique – notamment à l’égard du marché – et leur autonomie de pensées et d’initiatives.
Ce numéro dévoile une école et une université réintérrogeant les finalités éducatives, confrontés qu’elles sont à une pensée comptable, à des repères quantitatifs, concurrentiels assujetissant l’éducation scolaire – et ce faisant, la formation des enseignants – aux demandes du marché, à une préparation pragmatique garante de l’insertion des jeunes dans le monde de la production et de la consommation (Quartiero et Bianchetti, 2005 ; Ribeiro et Bianchetti 2012).
Antunes F. (2008). A nova ordem educacional. Espaço europeu de educação e aprendizagem ao longo da vida. Coimbra : Almedina.
Paraskeva, J.M. et al., (Org.). (2009). Capitalismo académico. Mangualde : Edições Pedago.
Quartiero E.-M., Bianchetti, L. (Orgs.). (2005). Educação corporativa. Mundo do trabalho e do conhecimento : Aproximações. São Paulo : Cortez ; Santa Cruz do Sul : Editora da UNISC.
Ribeiro Valle, I. & Bianchetti, L. (2012). Éducation et recherche au brésil : du projet nationaliste à la globalisation. Carrefours de l’éducation, 34(2), 61-76.
Slaughter S., Rhoades, G. (2004). Academic Capitalism and the New Economy : Markets, State and Higher Education. Baltimore : John Hopkins University Press.