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J. ROBIN
Chefs d’établissement. Le Burn-out n’est pas une fatalité !

Editions Le Bord de l’Eau, 2022, 217 p.

L’étude collective orchestrée par Jean-Yves Robin porte sur des établissements catholiques d’enseignement sous contrat d’association avec l’État. Elle ne s’ouvre pas simplement à la complexité du métier de chef d’établissement, elle inscrit la parole des sujets au cœur de l’investigation, et permet à celle-ci d’occuper le texte. La souffrance qui est exprimée n’est pas absolutisée mais continûment rapportée à un contexte académique, administratif, organisationnel et managérial par le collectif (les interlocuteurs de terrain, le commanditaire institutionnel et les chercheurs). Ce travail de contextualisation conduit à ne pas individualiser le burn-out ou le bore-out, à ne pas en faire l’affaire du chef d’établissement, l’affaire (culpabilisante) d’un « je » entrepreneur de lui-même, enjoint de trouver en lui les ressources de son dépassement. Tout au long de cette recherche-action-formation, collégiale et sensible, les « nous » organisationnels et managériaux des chefs d’établissement sont interrogés. Mieux, est également questionné le « nous » des interactions vécues, pendant trois ans, par les acteurs de cette aventure. Car il ne s’agit pas seulement d’établir un diagnostic mais de concevoir et mettre en œuvre une démarche susceptible de soulager la souffrance des chefs d’établissement. Démarche proposant à ces derniers et aux chargés de mission de la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique, des espaces de parole individuels (entretiens cliniques approfondis) mais aussi collectifs d’analyse de la pratique et de l’activité. À la fois « biographisante » et confrontante, elle facilite « un processus de déconstruction-reconstruction au cours duquel les chefs d’établissement finissent par se refaire ». Au sortir de ce bel ouvrage et de l’horizon qu’il offre, je repense à la parole de Bernanos : « La plus haute forme de l’espérance est le désespoir surmonté ».

Bertrand Bergier

 

Introduction

Bertrand Bergier

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Depuis la seconde moitié du XXème siècle, l’éducation scolaire au Brésil est de plus en plus exposée aux rationalités économiques, à un capitalisme oeuvrant pour un nouvel « nouvel ordre éducatif » (Antunes, 2008). Ce n’est pas sans conséquence sur l’école et l’université. Emergent un « capitalisme académique » (Slaughter et Rhoades, 2004 ; Paraskeva et al. 2009)

Les différents articles (Romanowski, Saheb et Martins ; Sanches et Vieira) mettent en lumière les différents défis auquel est confronté le système scolaire et universitaire brésilien : défi relatif à la formation des enseignants de base (Romanowski, Saheb et Martins ; Ens et Nagel ; Sanches et Vieira), défi d’un analphabétisme persistant, défi qu’implique, pour les enseignants et les établissements, des pédagogies marginales-sécantes telle la mise en œuvre de la « classe inversée » (Serqueira, Vosgerau, Kozanitis, Romanowski ), défi d’une tension entre une logique de démocratisation, d’égalité des chances, d’émancipation par la culture et  une logique de modernisation subordonnant la formation et l’action éducative aux exigences du marché (Boneti), défi d’une traduction dans les faits du droit d’accès à l’enseignement supérieur via une élucidation des conditions ayant rendu possible la production d’un tel droit pour la jeunesse brésilienne (Fischer et Gisi).

Le travail de contextualisation au plan politique, économique, social et l’étude soignée de la législation et des instructions officielles dans le champ éducatif permettent de situer et d’amarrer ces défis à une société donnée, à une époque donnée. Est posée la question de la résistance, par-delà la situation brésilienne, à la promotion persistance d’un mode de régulation globalisé et économique.

Jetant des ponts entre les continents, l’article de Mesquida et Fereira risque à sa façon une réponse en mettant en dialogue deux célèbres pédagogues qui ont d’ailleurs échanger de leur vivant dans les années 1960-70 : Paolo Freire et Ivan Illich. Leurs pensées et actions éducatives convergent vers une déscolarisation. Scolarisation et éducation sont, pour ces penseurs, antinomiques. Le premier entendait remplacer l’école par des cercles de culture, d’échanges de savoirs et de savoir-faire, visant l’émancipation d’hommes et de femmes opprimés par le système capitaliste ; le second en appelait à la création de réseaux de communications pédagogiques, d’échanges de connaissances, capables de rapprocher les individus, de développer leur esprit critique – notamment à l’égard du marché – et leur autonomie de pensées et d’initiatives.

Ce numéro dévoile une école et une université réintérrogeant les finalités éducatives, confrontés qu’elles sont à une pensée comptable, à des repères quantitatifs, concurrentiels assujetissant l’éducation scolaire – et ce faisant, la formation des enseignants – aux demandes du marché, à une préparation pragmatique garante de l’insertion des jeunes dans le monde de la production et de la consommation (Quartiero et Bianchetti, 2005 ; Ribeiro et Bianchetti 2012).

 

Antunes F. (2008). A nova ordem educacional. Espaço europeu de educação e aprendizagem ao longo da vida. Coimbra : Almedina.

Paraskeva, J.M. et al., (Org.). (2009). Capitalismo académico. Mangualde : Edições Pedago.

Quartiero E.-M., Bianchetti, L. (Orgs.). (2005). Educação corporativa. Mundo do trabalho e do conhecimento : Aproximações. São Paulo : Cortez ; Santa Cruz do Sul : Editora da UNISC.

Ribeiro Valle, I. & Bianchetti, L. (2012). Éducation et recherche au brésil : du projet nationaliste à la globalisation. Carrefours de l’éducation, 34(2), 61-76.

Slaughter S., Rhoades, G. (2004). Academic Capitalism and the New Economy : Markets, State and Higher Education. Baltimore : John Hopkins University Press.

 

Science et éducation – Enjeux de pouvoirs

Bertrand Bergier*, Philippe Franceschetti**

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Que nous restera-t-il quand tout sera réglé par la science[1] ? C’est ce que les éducateurs peuvent penser aujourd’hui face à l’omniprésence de la justification par « la science » des démarches éducatives actuelles : des évaluations nationales en primaire, collège et lycée qui situent immédiatement l’élève dans une catégorie d’apprentissage ; une orientation post-bac réglée par des algorithmes, un Comité Scientifique de l’Éducation Nationale…

Les enseignants ont-ils alors leur mot à dire si les besoins de l’élève sont définis par l’analyse d’évaluations qu’ils n’ont pas choisies, si les remédiations nécessaires sont indiquées par un comité scientifique et si, enfin, son orientation est déterminée par le croisement des données de son dossier ? Que faire, à part devenir des agents exécuteurs d’ordonnances ?

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Réenchanter l’école

Entre utopie, résistance et régulation

Bertrand Bergier*

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Résumé : Après avoir exploré les apprentissages sociaux de la résistance, de l’utopie et de la régulation, tout en identifiant leurs travers respectifs, l’auteur montre leur interdépendance et les implications au plan éducatif.

Abstract : After exploring the social learning processes of resistance, utopia, and regulation, as well as their shortcomings, the author shows their interdependence and the consequences for education.

Introduction

Comment penser l’action collective ? Comment penser une action collective qui participerait à réenchanter l’école et la société dans laquelle elle prend place ? Il nous semble qu’une telle pensée met en tension – à la fois distingue et articule – trois apprentissages sociaux : celui de la résistance (Roquet-St-Arnaud 2002 ; Villeneuve, 2010), celui de l’utopie (Desroche, 1993 ; Metzger, 2001) et celui de la régulation (Tersac, 2003 ; Laville, 2009). Nous proposons d’illustrer cette mise en tension à partir du texte « Réenchanter l’école. Un horizon partagé pour l’enseignement catholique » (Balmand, 2016). Continuer la lecture

Exploration de l’imaginaire des professeurs des écoles : déploiement méthodologique

Marie-Cécile Charrier*, Bertrand Bergier**

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Résumé : Cet article déploie une réflexion sur les fondements épistémologiques et méthodologiques d’une recherche intitulée « Imaginaire des professeurs des écoles et apprenance » (Auteur, 2012), laquelle se veut qualitative et compréhensive. L’imaginaire, en tant que fond commun de l’humanité, réservoir inépuisable de représentations susceptibles de résoudre l’angoisse du temps linéaire et fatal (DURAND G., 1992), y apparaît comme une source particulièrement riche « d’informations » sur les comportements humains, dont l’apprenance est un exemple. Les recherches en sciences humaines présentent parfois un complexe de subjectivité que le monde des images ne soulage pas. Cependant, avec le langage, système à la fois fermé dans les règles de la linguistique (de Saussure) et ouvert grâce à la multivocité des symboles, le chercheur peut espérer trouver un peu de crédibilité. Ainsi, en combinant, pour chaque sujet, un outil d’investigation très normé tel que l’Archétype-Test à 9 éléments (DURAND Y., 1988, 2005) et l’analyse du symbolisme des termes d’un entretien semi-directif sur la formation, il peut espérer harmoniser structuralisme et herméneutique au service du portrait d’un héros contemporain.

Mots-clés : Epistémologie, méthodologie, herméneutique, structuralisme, langage, imaginaire, symbole, mythe, Archétype, Test à 9 éléments, Structures Anthropologiques de l’Imaginaire, entretien, apprenance

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Editorial

Parole et liberté de parole

Bertrand Bergier

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Entre d’une part, les injonctions au silence et la culpabilisation de la parole d’une tradition autoritaire, et d’autre part, le « tout à l’égo » et une certaine logorrhée d’une société individualiste, faut-il et peut-on éduquer à une parole ? Quelle place donner pédagogiquement à ce « geste sonore » consubstantiellement lié aux gestes mentaux, d’où émerge la pensée réfléchie (cf. l’article de Christian Troël sur l’anthropologie de Marcel Jousse) ?

Michel Soëtard s’appuyant sur les intuitions des pères fondateurs, Rousseau et Pestalozzi qui l’un comme l’autre se sont intéressés de près à la parole à la fois dans son surgissement et dans son développement, plaide pour une pédagogie de la parole attentive à l’outil langagier, à son usage social et à sa pointe morale, celle d’un « tenir parole ». De son côté, puisant dans le mouvement de l’Education nouvelle, et s’attardant sur la dimension sociale et citoyenne, Ségolène Le Mouillour montre comment Célestin Freinet a su encourager l’apprentissage du débat argumenté et l’expression des élèves dans une démarche globale de coopération.

Donner la parole à l’élève peut donc, dans les faits, se traduire de manière très diverse. Guy Avanzini recense les divers accueils réservés à la parole de « l’apprenant » à travers l’histoire de l’Ecole. Joël Molinario lui fait écho, dans le champ spécifique de la catéchèse, en repérant les évolutions pédagogiques mais aussi théologiques de la Parole enseignée.

Entre une parole attendue, sous contrôle, induite par le modèle vertical descendant de la « pédagogie traditionnelle » et une parole « conquise » « libérée », « faussement émancipatrice » d’un modèle vertical ascendant, Jean-Pierre Gaté explore les propositions pédagogiques formulées par Antoine de La Garanderie en faveur d’une parole au service de l’apprentissage et du développement personnel de l’élève.

Pour sa part, Myriam Martin éprouve auprès d’enfants de petite et moyenne sections, dans le cadre d’une activité à visée philosophique, un « savoir parler pour penser ». C’est sur ce même terrain, celui de la discussion à visée philosophique –à l’école primaire cette fois -, que Pierre Usclat ayant dénoncé les écueils d’une parole enseignante prisonnière d’une rationalité étriquée et obnubilée par les compétences, pratique une pédagogie de l’alliance, un dialogue gommant l’asymétrie entre ce qu’expriment les élèves et auxquels les enseignants sont sensibles et ce que ces derniers mettent en place et auxquels les élèves accordent du crédit.

Toujours sur le terrain, conflictuel celui-ci, Randall Butler expose les conditions et les vertus d’un dialogue entre des juifs et des musulmans, dialogue qui permet aux uns et aux autres de mettre en mot et à distance leur réalité, de symboliser leur existence, d’exprimer la part intime du vivant humain sans pour autant céder aux passions et tumultes intérieurs. La parole de prière, cette forme de relation avec Dieu, évoquée par François Chirpaz fait elle aussi rupture avec la violence, celle du sacrifice, et a, elle aussi, besoin de passer par le porche du silence, le silence de l’intime.

Affectivité et relation éducative

Bertrand Bergier, Véronique Margron*

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Résumé : Dans la relation éducative, l’affectivité peut être aveuglante, manipulatrice, perverse, se réduire à une course au plaisir. Mais elle peut aussi donner de la confiance tout en permettant de faire l’expérience d’accrocs dans la relation, offrir de la sécurité tout en permettant au jeune de se risquer. Cet article explore les conditions éducatives d’une affectivité qui « fait grandir ».

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