François Hochepied
Athlètes de Dieu : naissance de l’UGSEL

Biarritz : Ed. Atlantica, 2011, 96 p.

L’année 2011 a vu le centenaire de l’UGSEL, fondée le 11 février 1911 à l’initiative et sous l’impulsion de la FGSPF, qu’avait en 1897 créée Paul Michaux[1] (1). A cette occasion, François Hochepied, connu pour ses travaux sur l’histoire de l’éducation physique et sportive, a publié un ouvrage, concis mais dense et très bien informé, qui reconstitue les circonstances de son début et le premier demi-siècle de son développement, en situant notamment le rôle moteur et décisif de Mgr Barbier de La Serre, qui y fut actif dès le début et l’a présidée vigoureusement de 1923 à 1957[2], en s’efforçant de lui donner de l’impulsion.

Ces pages relatent ainsi l’émergence de l’éducation physique et sportive dans l’Enseignement Catholique au XXème siècle et de la formation d’équipes locales dans les établissements, comme l’organisation de l’ILEPS. Elles soulignent la tension entre deux stratégies : celle qui conseillait des rencontres sportives au sein du seul réseau chrétien, et celle qui préférait des relations avec l’OSSU. Elles disent quelles difficultés l’UGSEL dût surmonter, pour se faire reconnaître, notamment par l’Episcopat, comme l’interlocuteur privilégié et normal en la matière. A cet égard, F. Hochepied indique très clairement que Mgr de La Serre, valorisant et acceptant exclusivement le « sport amateur », pressentit vite et condamna d’emblée les dangers et excès de l’idolâtrie des performances, du sport spectacle, de l’esclavage financier ridicule des joueurs et champions. Même si la notion ambiguë de « sport catholique » s’avère désormais désuète, l’UGSEL eut le mérite de préconiser et de théoriser une conception de l’éducation physique et sportive dont les corruptions actuelles mettent en vive lumière la pertinence.

Enfin, sans le traiter de manière exhaustive, ce livre illustre la conception pastorale à l’origine de l’UGSEL comme, plus largement, des patronages : celle d’institutions chrétiennes explicites et déclarées qui, au moment d’un dur affrontement entre l’Eglise et l’Etat, affirment le droit de la première à s’occuper de l’éducation et à offrir un milieu à la fois protecteur et formateur.

D’autres visions ont ensuite prévalu : celle de l’Action Catholique et du témoignage de chrétiens en milieu non religieux, voire celle de « l’enfouissement » dans les contextes les plus divers. L’objet n’est évidemment pas, ici, de juger de leurs mérites respectifs, mais seulement de mettre en évidence des visions de l’éducation chrétienne et de la pastorale qui donnèrent lieu à des paris controversés.

Enfin, au-delà de ces aspects évènementiels, la naissance et l’implantation de l’UGSEL manifestent, dans l’histoire de l’éducation chrétienne en France, l’opportunité d’un regard nouveau et plus approfondi, d’ordre anthropologique. Dans une Ecole que domine la vision intellectualiste d’un rôle centré sur la transmission des disciplines de l’esprit, son objectif, qui n’alla pas sans réticences ni résistance, est de mettre en œuvre la formation plénière de l’être humain créé à l’image d’un Dieu incarné, qui a pris corps en Jésus-Christ ; cela en implique une « bonne éducation physique », intégrée à une saine hiérarchie des valeurs. Mais, en dépit du prestige du modèle anglais de l’Ecole Nouvelle, la méfiance fut longue à se dissiper vis-à-vis d’une discipline neuve, longtemps soupçonnée de pouvoir détourner de la culture classique.

L’on doit donc savoir gré à F. Hochepied d’avoir si bien présenté les problématiques qui ont marqué les cinquante premières années d’une association dont on souhaite vivement qu’il écrive aussi la suite, jusqu’à sa  situation présente.

Guy Avanzini

 


[1] G.Avanzini, A.M. Audic, R.Cailleau, P.Penisson, Dictionnaire historique de l’éducation chrétienne d’expression française, Éditions Don Bosco, 2010.

[2] F. Hochepied – Mgr René Barbier de La  Serre (1880-1969), un éducateur conservateur et novateur, Cerf, 2009.