Traduit de l’arabe par Nadia Yamulki. Paris – Cerf – 2013 – 176 p.
L’Ordre dominicain ne s’est pas fondé en vue de l’éducation scolaire. Mais, au fil des siècles, plusieurs des congrégations féminines qui s’y sont agrégées ou affiliées se sont constituées autour d’un projet d’enseignement ou y on été conduites et y sont demeurées fidèles ; tel est le cas des Dominicaines de Ste Catherine de Sienne de Mossoul, dont ce livre récent étudie la genèse et la situation contemporaine.
Ancienne prieure générale, Mère Marie-Thérèse Hanna, annonce d’emblée qu’elle n’est « ni écrivain, ni historienne » (p. 11) ; et sans doute, de fait, regrette-t-on une présentation un peu confuse de certaines données canoniques, quelques redondances ou, à l’opposé, des informations de moindre intérêt, peu d’indications sur la pédagogie et un manque de synthèse. Mais ces lacunes sont secondaires au regard de la densité spirituelle de l’ouvrage.
Si les Pères Dominicains sont arrivés à Bagdad dès le 13ème siècle et ont ensuite diffusé en Mésopotamie, c’est au XIXème que les Dominicaines de la Présentation de Marie Poussepin y sont venues de Tours ; et c’est à leur ombre qu’un groupe de jeunes irakiennes s’est formé en 1877 pour ouvrir des écoles, tant à la campagne qu’en ville. Au terme des délais et malgré les obstacles habituels, il a obtenu sa reconnaissance canonique en 1927 et son affiliation à l’Ordre Dominicain. L’originalité de cette nouvelle congrégation était d’accueillir des postulantes des divers rites orientaux, donc de célébrer la liturgie selon la spécificité de ceux-ci.
A travers les épisodes de son existence, comment ne pas remarquer et admirer cette perception universelle de la responsabilité éducative de l’Eglise qui, sur tous les continents et en dépit des pires tribulations, voire du martyre, suscita des initiatives tenaces et obstinées, capables de survivre aux vicissitudes ; les persécutions liées aux conflits inter-religieux et aux guerres locales ne leur furent pas épargnées, notamment en 1915, lors de « la marche de la mort », pendant laquelle beaucoup de sœurs disparurent ou furent massacrées ; à notre époque, elles subissent douloureusement les conséquences de l’invasion américaine. Cependant, résistant aux destructions, ces religieuses ne cessent d’entreprendre la reconstruction et de se développer. Avec le souci de la progression de leur propre niveau culturel, elles ouvrent des écoles primaires, puis secondaires, comme des orphelinats pour les enfants victimes de la guerre, en même temps qu’elles agissent dans le secteur de la santé, gèrent des œuvres sociales et fondent aussi des couvents dans les pays voisins. C’est un singulier exemple d’inventivité, de fidélité et de résilience, qui mérite singulièrement d’être connu au moment où l’on a tant de raisons de craindre l’affaiblissement des communautés chrétiennes au Moyen Orient.
Ainsi s’exerce courageusement la charité éducative, et la pédagogie chrétienne déploie son inventivité.
Guy AVANZINI