Documents de l’Episcopat – n° 10 – 2015 – 87 p.
Bien qu’il s’agisse, comme le titre l’indique, d’un « défi urgent », le problème de la pastorale des « jeunes de milieu populaire » n’est pas souvent méthodiquement traité. C’est le mérite de ce dossier d’en rassembler certaines données et de susciter une réflexion à son propos.
Ainsi que l’indique Sœur Nathalie Becquard dans une fine et dense analyse, la population concernée est d’abord, et d’emblée, affectée par une série de déconvenues et d’échecs : carence et dépréciation familiales, échec scolaire, décrochage, d’où chômage et précarité, voire addiction et délinquance, d’où fatalisme, marginalité, mésestime de soi, rejets divers. En outre, son hétérogénéité ethnique et culturelle, d’où il résulte, au minimum, un vivre-ensemble aléatoire. A cela, cependant, s’opposent, au moins chez certains, une volonté de vivre, un dynamisme, des projets ; quant aux chrétiens, a fortiori les catholiques, ils sont plus que minoritaires, en revanche, majoritaires sont désormais les musulmans et, de plus en plus nombreux, les Evangéliques, résolus, actifs et dynamiques. Mais, chez tous, même implicitement ou confusément, dans la dérive, l’oisiveté ou la révolte, se pose le problème du sens : que faire ? Que devenir ? Que vouloir ? Où et vers qui ou quoi aller ?
C’est là que se situe le rôle de la Pastorale, tout se passant paradoxalement comme si l’absence d’horizon favorisait la perméabilité au message d’un Christ Sauveur, parce qu’il ouvre à une expérience de la fraternité. Dès lors « devant une situation que nous qualifions d’urgence éducative, sociale et spirituelle, l’appel et la formation de nouveaux missionnaires à envoyer auprès des jeunes de milieu populaire devient cruciale » (p. 17).
C’est à cette fin que Monseigneur Brunin, évêque du Havre, propose certaines initiatives et précise que leur réceptivité passe par le partage d’un « parcours de vie » (p.23), c’est ce qui permettra de découvrir « le chemin que la Parole de Dieu est capable d’ouvrir pour eux » (p.23). On discerne la qualité de l’accompagnement requis pour que surgissent de véritables communautés d’Eglise. Et l’on voit aussi que « la mission n’est plus une activité parmi d’autres dans l’Église ; elle est constitutive de l’Église. » (p.25). Alors, on peut constater, avec Xavier de Palmaert, que les jeunes migrants « prennent conscience de leur identité profonde » et « se découvrent frères de tous en humanité » (p.35).Et l’on peut constater, avec le Père Chavane, que la rencontre de musulmans « entraîne les jeunes chrétiens au partage » (p.40)et induit même, chez certains, le goût de la théologie.
Evidemment sensible aux difficultés et exigences de cette urgence apostolique, ce texte s’avère, en profondeur, plutôt optimiste. Il ne cache pas les obstacles mais il met en évidence la possibilité d’un apostolat efficace. Il n’exclut pas, ici ou là, « la joie de la conversion » (p.72). Sans doute regrettera-t-on que les critères de l’identification du « milieu populaire » ne soient pas suffisamment élucidés, sans en ignorer la difficulté dans notre société mouvante mais, davantage, on félicitera les auteurs de ce dossier bienvenu, qui met en évidence le bien-fondé de l’annonce explicite de la Parole.
Guy Avanzini