Les enfants acteurs de leur développement : ATD Quart Monde et l’Institut Supérieur Maria Montessori, regards croisés sur l’éducation

Revue Quart Monde n° 27 – 2017 – 164 p.

Le texte est trop long, dilué, redondant. Et cependant, il mérite éminemment d’être lu et connu. Il rend compte, en effet, (trop) minutieusement d’une recherche active exemplaire, menée depuis 2011 en commun par ATD Quart Monde, dont on sait l’intense préoccupation éducative, et l’Institut Supérieur Maria Montessori, à l’intention d’enfants de 3 à 6 ans issus de milieux marqués par la détresse de la grande pauvreté. Forts de leur expérience, tous deux savent le triste sort de ceux « que l’Ecole ne sait pas prendre en charge » (p.7), et dont l’adaptation à l’Ecole Maternelle puis au CP est très aléatoire, car ils sont « les plus éloignés de l’Ecole » (p.149),vu le fossé entre les exigences de celle-ci et leur propre culture. Quoi qu’à des niveaux divers de théorisation, ATD et le mouvement Montessori constatent aussi la proximité de leurs valeurs respectives : prévenir l’échec et favoriser une réussite non pas seulement scolaire, mais humaine, en vue d’une société juste et pacifique, telle que le préconise la finalité politique globale de l’Ecole Nouvelle(cf. p. 36). Ils observent la proximité de leurs représentations de l’enfant : tous deux affirment son éducabilité et font confiance à son potentiel. Le constat de cette double convergence aboutit à la mise en place d’une structure commune, d’une « alliance » : l’Atelier des 3-6 ans, au sein du Centre de Promotion Familial, social et culturel de Noisy le Grand. Deux fois par semaine, les enfants volontaires -que l’on va chercher et raccompagner chez eux pour ménager un contact avec leurs parents- participent à des activités liées à leurs besoins et à leurs attentes, tels que les conçoit la théorie Montessorienne. On en lira le détail dans le texte, ainsi que les solides études de cas, qui mettent en évidence le processus d’auto-construction de la personne. Soulignons seulement que l’objectif n’est pas de former un écolier modèle, mais un homme autonome. D’où un heureux rejet de l’idée selon laquelle il faudrait surtout développer des « compétences » ; (p.150)qui risquaient de fractionner les apprentissages et de « perdre de vue l’enfant dans sa globalité, dans sa singularité » (p.15).Les adultes, quant à eux, se réunissent régulièrement chaque semaine, pour exercer la réflexion qui institue une vraie recherche-action.

Ainsi s’illustre et se vérifie la structure triangulaire de l’acte éducatif : nécessairement finalisé et dynamisé par une axiologie qui explicite son idéal, il comporte ensuite une anthropologie qui statue sur la réceptivité, l’éducabilité et le potentiel du sujet (cf. pp.36-150) ; enfin le paramètre pédagogique invente une articulation des deux premiers : « l’histoire de la pédagogie, c’est d’abord l’histoire de ces pédagogues qui prennent le risque… d’essayer quelque chose. Et cette même histoire d’invention ou de réinvention se répète en permanence, parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de faire de la pédagogie (p. 11).

Cette collaboration exemplaire et officielle entre deux institutions comporte une originalité qui mérite d’être saluée et félicitée : l’on souhaite la poursuite féconde de leur coopération, en désirant seulement qu’une version abrégée et plus lisible facilité l’accès à une démarche féconde. Peut-être pourrait-on souhaiter aussi que leur commune origine chrétienne fût explicitement énoncée.

Guy Avanzini