Archives de l’auteur : Avanzini Guy

Xavier de Verchère, sdb
Toi qui cherches le bonheur- L’Évangile, une ressource pour affronter les crises

Paris, Salvator, 2021, 166 p.

C’est avec un vif intérêt que l’on accueille cet ouvrage : il pose en effet des problèmes de la plus grande importance, mais aussi d’une difficulté considérable.

L’auteur part d’un postulat central : tous les hommes cherchent le bonheur. Mais cette affirmation initiale s’accompagne aussitôt du constat de la confusion de ce souhait : il désigne en effet aussi bien ceux qui cherchent le bonheur du côté des satisfactions les plus avilissantes que de ceux qui la situent dans la recherche délibérée du don de soi. Le problème moral est donc de tenter de conduire les premiers vers la conviction des seconds. C’est ici que les uns et les autres rencontrent l’Évangile, dont on postule qu’il peut les soutenir également dans leur réflexion. Xavier de Verchère postule que cette recherche peut opportunément s’effectuer par la connaissance et l’approfondissement de l’Écriture Sainte. On saisit par exemple combien la rencontre du « Sermon sur la montagne » peut, par son étude approfondie, conduire à la découverte des problèmes sociaux et politiques les plus variés et nourrir le dessein de travailler dans les champs d’activités correspondants. Pour prendre un autre exemple, celui de Bartimée amène à rencontrer les problèmes sociaux et sanitaires et peut également susciter des engagements correspondants. Ainsi, ces textes « offrent un bonheur inversé par rapport à nos représentations habituelles…non pas un état de bien-être, mais un dynamisme pour la justice » (p.27). Ces exemples sont analysés avec beaucoup de rigueur, en des pages exigeantes, dont le haut niveau est fonction, évidemment, de son objet. La méthode de formation consiste alors à passer de l’observation des phénomènes psychologiques et sociaux du temps présent à l’identification de leur signification et de leur exigence essentielle.

Au fond, cette démarche représente et reproduit celle des disciples d’Emmaüs, lors de leur rencontre imprévue avec un inconnu : ils s’engagent alors sans le savoir dans un processus de type catéchétique. Au terme de leur déplacement, ils se trouvent paradoxalement dans l’attitude de celui qui est croyant sans savoir qu’il l’est, mais qui découvre avec joie qu’il l’est devenu.

Guy Avanzini

Yves REUTER
Comprendre les pratiques et pédagogies « différentes »

Paris, éditions Berger-Levrault, 2021, 170 p.

Inventées surtout en vue de remédier à l’échec scolaire, plusieurs pédagogies dites « différentes » ou « alternatives » se sont élaborées et diffusées. Encore faut-il en évaluer les résultats aussi objectivement que possible, avant de pouvoir éventuellement en recommander l’usage, pour en recueillir les bénéfices. Tel est ici l’objectif de l’auteur, et l’on ne peut que le louer de cette volonté d’évaluation, qui doit se substituer à des enthousiasmes prématurés ou peu justifiés. A cette fin, il procède à une analyse très minutieuse et approfondie, en définissant avec soin les concepts et notions mobilisés par les pédagogies concernées.

Il est dommage néanmoins que M. Reuter soit, en quelque manière, pris à son propre piège. Il étudie, en effet, toutes ces données d’une façon si minutieuse et détaillée que la lecture du texte devient extrêmement pénible et que le souci du détail évacue le discernement des grandes lignes.

Les « pédagogies différentes » ne comportent pas seulement des pratiques ; elles sont animées par des principes et un esprit qui leur confèrent force et éventuelle efficacité. On regrettera que cette dimension psychosociale ne soit pas exactement prise en compte et ne soit pas l’objet d’une évaluation spécifique. Celle-ci serait en effet très utile à l’appréhension plénière de pédagogies qui, précisément, entendent souvent ne pas se définir autour de données un peu étriquées mais, au contraire, par une référence explicite et ouverte à des finalités qui leur assurent leur portée.

De plus, si intéressantes que soient l’école Freinet de Marc-en-Bareuil et celle de La Vitruve, on peut néanmoins mettre en question leur représentativité. Sans doute ne constituent-elles pas une base suffisante à des conclusions sur la pertinence des « pédagogies différentes ».

Guy AVANZINI

J. RAVENSTEIN, C. LADAGE, C. HACHE
L’échec scolaire

Edition Retz, 2020, 192 p.

L’on sait bien les conflits, voire les drames, que l’échec scolaire soulève dans une famille. L’on sait aussi combien il préoccupe la société globale et l’École. C’est sa gravité qui amène la publication de tant de textes qui essaient, trop souvent en vain, d’y remédier. Tel est aussi l’objectif de cet ouvrage, solidement informé et écrit. D’emblée, il prend acte de la polysémie d’une notion trop souvent objet de conceptualisations hâtives. C’est pourquoi ils évacuent certains simplismes, par exemple la croyance dans l’incurabilité du cancre ou de celui qui est mystérieusement dépourvu des « dons » indispensables aux apprentissages. Il revient à chacun des co-auteurs d’inventer les pratiques pédagogiques et didactiques susceptibles d’y faire face.

On regrettera une référence trop rapide au freudisme, malgré l’importance décisive des données d’ordre affectif et relationnel dans la genèse de l’échec. On rappellera, en évoquant à nouveau la référence psychanalytique, que sa thérapeutique de l’échec ne saurait se dispenser de deux données fondatrices et conjointes : d’une part, la postulation de l’éducabilité de l’élève et, d’autre part, le rôle de la confiance qui doit lui être accordée. Si importantes soient-elles, les données scientifiques ne sauraient méconnaître ces deux exigences fondamentales. Il importerait de leur accorder davantage d’attention.

Au total, voici un ouvrage un peu déroutant : faute de problématiques précises et explicites et de références à un modèle scientifique approprié, on voit mal quelle interprétation précise est donnée à l’échec et quelles remédiations préconiser. En définitive, quelles en sont, pour les auteurs, les raisons précises et les remèdes appropriés ?

Guy AVANZINI

Anne-Marie AUDIC
Pierre Faure sj 1904-1988

Paris, éditions Don Bosco et AIRAP, 2021, 312p.

En octobre 2020, l’AIRAP a célébré le 50ème anniversaire de sa fondation et, parmi les manifestations de celui-ci, a fait rééditer la thèse de doctorat de Sciences de l’éducation soutenue par Anne-Marie Audic en 1997. Nul, on le sait, n’était plus qualifiée que celle-ci pour analyser et formaliser la genèse de l’AIRAP et la pensée pédagogique du Père Faure, qui en a été le principal artisan. Par son positionnement dans l’histoire du mouvement comme par ses qualités propres, Anne Marie Audic présente une recherche qui dispose d’un statut privilégié, en ce qu’il constitue un vrai référentiel pour l’identification de la pédagogie personnaliste et communautaire. Il s’agit, en définitive, de mettre en évidence le mode de construction d’une pédagogie chrétienne, susceptible d’être authentiquement considérée comme telle. Cela tient à la façon dont elle a su en identifier les trois paramètres fondamentaux : ses finalités, sa représentation du sujet et la mise au point de pratiques didactiques appropriées, comme les modalités d’enseignement et de travail mise en œuvre dans les divers établissements dont l’AIRAP assure la tutelle, avec la vigueur et la pertinence que l’on sait.

S’agissant des finalités, Anne Marie Audic a montré comment elles se caractérisent par leur ouverture à la transcendance et la mise en évidence des valeurs susceptibles d’amener l’enfant à la découverte et à l’assimilation des idéaux qui peuvent devenir ceux du chrétien. Encore fallait-il mettre en évidence le dynamisme psychologique de l’enfant, c’est-à-dire son éducabilité, sa perméabilité aux idéaux antérieurement retenus et leur solidarité. Il s’agit enfin de gérer les pratiques didactiques susceptibles de mettre en œuvre les modalités qui exploitent les données antérieures. Anne marie Audic a su décrire clairement l’articulation de ces trois paramètres.

Enfin, le mérite de cette thèse est d’avoir su rapprocher sans syncrétisme et sans confusion, mais avec rigueur, les deux exigences majeures que le Père Faure considérait comme décisive dans la pratique éducative : il entendait mettre en relation l’ambition intellectuelle et spirituelle propre à la pédagogie de Saint Ignace avec l’attention aux plus pauvres qu’affectionnait Jean-Baptiste de la Salle. Anne Marie Audic montre comment le Père Faure a approfondi sa conception des objectifs de l’éducation et affiné une didactique qui permette l’applicabilité de ces idéaux aux élèves d’origines variées dont il lui paraissait indispensable de favoriser la réussite.

Guy AVANZINI

Sœur Emmanuelle BILLOTEAU
Nicolas Barré : Un chemin de liberté.

Paris, Salvator, 2021, 222p.

Le grand réveil religieux qui a marqué, en France, le XVIIème siècle a suscité, à la fois, des initiatives pastorales d’envergure, notamment l’essor de l’éducation des milieux populaires et la création de congrégations enseignantes, mais aussi un renouveau spirituel très intense, comportant l’essor de conversions engagées par des chrétiens désireux d’assurer leur perfectionnement spirituel. Si Nicolas Barré a intensément participé à l’action scolaire de sa propre congrégation des Minimes, le second chantier lui doit également beaucoup. Il a, en effet, puissamment aidé ce mouvement que nous appellerions volontiers aujourd’hui « d’accompagnement » : il s’agit bien toujours d’éducation, non plus, certes, d’enfants, mais d’adultes à faire grandir spirituellement selon leur propre souhait. Leur volonté étant de répondre à l’appel de Dieu, cela se fera selon des voies appropriées à leur état de vie, à leur culture et à leurs aspirations. Il ne s’agit pas, ici, de se contenter d’une démarche peu exigeante, mais bien d’identifier et de cultiver des voies appropriées à chacun, de façon personnalisée. Comme l’écrit dans sa préface Monseigneur Boulanger, « la vie spirituelle, pour eux, ne s’adresse pas à des anges mais à des êtres humains ». Il s’agit donc, de façon modeste mais résolue, de mettre en place une démarche de formation chrétienne d’adultes. Cela devait aboutir en 1694, c’est-à-dire quelques années après la mort de l’auteur, à la publication de « Maximes pour la direction des âmes » tant pour les « directeurs » que pour les personnes « dirigées ». Il s’agit donc d’instaurer une pratique originale de perfectionnement spirituel. L’on sera à bon droit reconnaissant à Sœur Emmanuelle d’avoir ainsi actualisé une voie de recherche un peu oubliée mais dont les origines et l’histoire méritent d’être connus, et cela à l’occasion du 4ème centenaire de la disparition de Nicolas Barré. Il convient donc d’en féliciter chaleureusement Sœur Emmanuelle.

Guy AVANZINI

 

Axelle BRODIEZ-MOLINO
Des sans-logis aux sans domicile : Le foyer de Notre Dame des sans-abri à Lyon depuis 1950.

Éditions des Presses universitaires de Saint Etienne, 2020, 268 p.

Voici un ouvrage qu’il est malaisé d’affecter à une rubrique scientifique classique. Paru dans la Collection « Sociologie-matières à penser », il relève de plusieurs disciplines ordonnées à l’étude d’un épisode éminent de l’histoire de Lyon : la fondation du foyer Notre Dame des sans-abri ouvert en 1950 par Gabriel Rosset, professeur dans un lycée public et membre fidèle de la Paroisse Universitaire de Lyon.

Plutôt que d’en présenter un résumé, sans doute est-il préférable de distinguer les trois raisons majeures qui font à la fois sa valeur et son intérêt. La première est d’ordre historique : il s’agit d’une étude approfondie et rigoureuse du célèbre « foyer » qui a marqué décisivement l’histoire du Christianisme social à Lyon. Madame Brodiez a minutieusement reconstitué et exposé sa genèse, son ouverture ainsi que son développement. Elle montre l’extraordinaire hétérogénéité de ceux qui y ont cherché et trouvé un accueil et un réconfort.

Mais, surtout, l’horizon s’élargit et l’auteur situe le foyer lyonnais dans le contexte sociologique de l’époque ; elle inventorie avec minutie et de façon souvent novatrice, l’émergence et l’activité des diverses Œuvres, religieuses ou non, mises en place tant par les Églises que par les services officiels pour faire face au phénomène impressionnant de la misère. Elle dresse le tableau des institutions vouées à y remédier, issues notamment de l’influence de l’Abbé Pierre et de l’action du Secours Catholique.

Une troisième raison de la valeur de cet ouvrage, c’est la manière dont, discrètement mais fermement, elle met en lumière et en relief l’anthropologie chrétienne qui témoigne de la volonté d’ouvrir aux sans-logis un avenir qui leur rende possible l’éventualité de retrouver leur autonomie. Le signe délicat mais fort de cette volonté se trouve d’emblée dans le terme de « passager », qui désigne ceux qui sollicitent de venir au Foyer et d’y être reçus : ce mot signifie qu’ils ne sont pas voués à jamais à la marginalité mais que leur avenir demeure ouvert. C’est ce que montre aussi la présence Gabriel Rosset auprès de ces « passagers » pour étudier de façon personnalisée avec eux l’ouverture d’un avenir.

On sera donc particulièrement reconnaissant à madame Brodiez de cette recherche novatrice, qui pose un problème tragique par l’énormité de ses aspects et la complexité des activités qu’elle impose.

Guy AVANZINI

 

Bertrand BERGIER
Retours gagnants. De la sortie sans diplôme au retour diplômant.

Peter Lang, Bruxelles, 2022, 226 p.

Ce livre est à la fois original, bienvenu et opportun. Prenant acte de l’usure de l’École, que manifestent tout particulièrement l’échec scolaire et la décision individuelle de quitter l’institution sans avoir acquis de diplôme, Bertrand Bergier entreprend d’élucider la signification de ce phénomène et étudie les voies d’une remédiation.

A la lecture de cet ouvrage très documenté, nous avons d’abord apprécié sa maîtrise méthodologique, que manifestent particulièrement la finesse de ses analyses comme la clarification du phénomène de l’absentéisme, dont il discrimine les diverses étapes. Celui qui abandonne l’École volontairement et sans diplôme va, certes, jouir d’abord de la liberté ainsi acquise mais il va bientôt éprouver aussi désarroi et ennui. Cette situation déroutante va l’amener à envisager l’éventualité d’une reprise d’étude, en vue de l’obtention d’un diplôme. Mais, ce faisant, il se heurte à toutes sortes de difficultés, susceptibles de ruiner son projet, sauf s’il maintient la volonté de soutenir son effort.

L’observation de ces cas amène à privilégier deux remarques fondamentales pour expliquer ce processus complexe de départ et de retour. Il est clair d’abord que, à travers les modalités les plus complexes, l’élément déterminant de ce mouvement est d’abord d’ordre affectif : ce qui commande l’évolution de l’adolescent dans ses incertitudes et ses changements, c’est d’abord la qualité des relations intra familiales. Comme aux autres moments du développement du sujet, c’est bien toujours ce facteur relationnel qui est premier. Secondement, et plus précisément, l’auteur dégage une hypothèse dont la formulation et l’énoncé justifient la citation intégrale : « plus les jeunes de notre population sont issus de catégories professionnelles modestes, plus les facteurs de décrochage les distinguant de manière significative concernent les registres cognitifs et pédagogiques ; plus ils sont issus de catégories favorisées, plus le facteur distinctif est d’ordre relationnel » (pp.52-53). Enfin, on n’appréciera pas moins l’étude des difficultés que soulèvent le retour à une formation diplômante. L’auteur propose à cet égard une analyse qui approfondit et renouvèle la psychologie de l’adolescent comme les diverses problématiques qui ouvrent à des vues proprement anthropologiques.

On félicitera volontiers Monsieur Bergier de ce beau travail, qui mérite d’être poursuivi et approfondi, dans la ligne des recherches qu’il suggère.

Guy AVANZINI

 

Pierre CIEUTAT et Sylvain CONNAC
Coopération et évaluation. Pour ne décourager aucun élève.

Lyon, 2021, Chronique sociale, 201p.

Qu’il le veuille ou non, le système scolaire comporte nécessairement une « évaluation », tant pour juger de sa portée que pour comparer les élèves. Mais, précisément, cela entraîne des risques en exposant certains à une attitude auto dépréciative comme d’autres à une vanité naïve. Plusieurs sont découragés face au classement qui les expose à une image détériorante d’eux-mêmes et au risque d’aggraver une évolution que l’on voudrait précisément éviter.

C’est pour prévenir ce danger et ces dégâts qu’un groupe de 40 praticiens et chercheurs de la direction diocésaines de l’Enseignement Catholique de Mende se sont efforcés d’inventer de nouvelles manières de procéder. Aussi, Messieurs Cieutat et Connac ont entrepris une recherche-action partant de l’hypothèse selon laquelle l’adoption de démarches coopératives pourrait prévenir une comparaison infériorisante. Ce volume expose donc, et de manière précise et détaillée, ce que chacun d’eux a inventé pour sa propre classe en substituant la coopération à la comparaison.

Il n’est évidemment pas possible d’exposer ici toutes ces démarches, bien qu’il soit légitime de les féliciter de leur inventivité. On regrettera seulement que l’élaboration théorique soit un peu rapide, sans qu’on puisse vraiment le leur reprocher, dans la mesure où leur objectif est de préconiser des pratiques.

On signalera aussi que, malgré leur bonne volonté, cette entreprise se heurte à un obstacle sur lequel on a malheureusement peu de prise. L’usage scolaire de la comparaison, du classement et de l’évaluation négative est, en effet, l’expression scolaire d’une démarche beaucoup plus générale. C’est toute la société qui est marquée par l’influence du darwinisme et de la sélection. L’École prolonge à sa manière ce que la société induit. Un système d’évaluation correspond à une vision d’ordre proprement politique. En ce sens, pour légitime qu’elle soit, la pratique d’une évaluation détériorante est difficile à éviter. Il s’agit bien de la combattre mais sans ignorer l’obstacle considérable auquel elle se heurte.

Guy Avanzini

 

 

Yves COMBEAU
« Toujours prêt » : Histoire du scoutisme catholique en France.

Paris, éditions du Cerf, 2021, 360p.

Le centenaire du scoutisme, notamment catholique, a été marqué par son éclatement institutionnel et la rupture conflictuelle de son unité. C’est ce phénomène complexe et ses raisons qui ont fait l’objet du minutieux travail d’un historien dominicain qui en a scrupuleusement reconstitué les épisodes. Mais, dès l’introduction, il propose une hypothèse audacieuse, selon laquelle cette explosion apparemment étonnante était en réalité prévisible dès l’origine : « Depuis ses premiers pas, le scoutisme catholique français portait les germes de débats irrésolus et probablement insolubles » (p.8). Pour l’auteur, en effet, trois ambiguïtés majeures n’étaient pas surmontées, et devaient nécessairement engendrer la discorde : d’abord, fondée à Paris en 1920, l’Association Catholique des Scouts de France laissait dans l’incertitude l’identité claire de l’autorité religieuse dont elle relevait. Quels sont, en la matière, les pouvoirs de l’évêque local ? En outre, quel est le rôle de l’aumônier : est-il le directeur ou l’animateur spirituel ? Enfin, quelle est la finalité du mouvement : éducation générale, ou évangélisation ? Il y avait là, d’emblée, trois sources de divergences. A mesure que le mouvement se développe, ces ambiguïtés deviennent plus gênantes et s’imposent dans le débat.

Dans un style à la fois clair et détendu, le Père Combeau rend intelligible un objet complexe et multiforme, que sa finesse dérobe à l’analyse. Il montre comment, selon les périodes, les risques de désaccords s’intensifient, jusqu’à entrainer la division et l’instauration de groupes distincts.

L’on regrettera seulement que l’étude des relations entre le scoutisme et l’Épiscopat français n’ait pas été plus approfondie, de même que celle des rapports avec l’Action Catholique Spécialisée. Par ailleurs, les trois hypothèses posées initialement structurent tout le développement et lui donnent son unité. On aurait cependant souhaité qu’elle n’ait pas été plus systématiquement formalisée et rappelée aux différentes étapes. Elles sont comme un peu étouffées par une recherche que l’abondance de sa documentation rend difficile à maitriser.

Il s’agit cependant d’un beau travail, publié très opportunément et susceptible d’aider à l’établissement de relations pacifiées entre des institutions dont chacune porte un dynamisme original. C’est donc de tout cela que le Père Combeau doit être chaleureusement félicité.

Guy AVANZINI

 

Luc BRETONNIER
L’école du Gotha ; enquête sur l’École Alsacienne.

Paris, Seuil, 2021, 326 p.

La renommée dont jouit l’École Alsacienne amène à accueillir cet ouvrage avec intérêt. De fait, Monsieur Bretonnier propose un volume qui sera bien reçu. Il rassemble beaucoup d’informations sur les origines et l’originalité de cet établissement de prestige. Il en identifie les racines et, au terme d’enquêtes bien conduites, reconstitue tout son développement.

Cependant, sans qu’on en méconnaisse ses incontestables mérites, cette recherche suscite une certaine déception. Plusieurs de ses analyses apparaissent trop empiriques et approximatives ; sans exiger toujours une approche scientifique, il convient néanmoins de satisfaire à certaines requêtes méthodologiques, faute desquelles l’ensemble demeure insuffisamment valide. Mise en place à la suite de la guerre de 70 par les « Optants » français, elle ne présente pas suffisamment son contexte culturel. Elle n’indique pas non plus ce que serait son « projet pédagogique », qui en identifierait les objectifs et d’éventuelles doctrines de références. Ce n’est pas une rapide allusion à Maria Montessori qui suggère une idée précise des fondements que l’institution s’est donnés. Semblablement, si sa relation avec l’Église Réformée est notée, c’est de façon trop vague et rapide. Aussi bien, le paramètre religieux dans le programme de l’École n’est pas véritablement signalé ni analysé.

Quant aux problèmes de fond, celui du Gotha en tant que tel, l’ouvrage ne précise pas quelle solution est envisagée. Bien que la question soit largement traitée, elle ne permet pas d’y trouver une réponse vraiment satisfaisante. Ainsi, comment éviter que des enfants de milieux culturellement modestes mais scolarisés expérimentalement à l’École Alsacienne ne s’y sentent pas comme des « déportés culturels » ? Mais, inversement, si pour éviter tout danger, on préférait s’installer dans un « entre-soi », ne risquerait-on pas d’en ressentir une certaine mauvaise conscience ? La question est posée dans toute sa rigueur, mais on ne voit pas exactement comment elle est traitée, ni selon quel référentiel.

Guy AVANZINI